Election de Léon XIV : pourquoi le nom choisi par le pape révèle la "patte sociale" de son pontificat
Léon XIV, un pape du côté des travailleurs ? En choisissant de s'appeler Léon plutôt que Jean, Grégoire ou Benoît, les trois noms de règne les plus utilisés par les papes, le cardinal américain Robert Francis Prevost a donné le ton de son pontificat, jeudi 8 mai. Une fois élu à la tête de l'Eglise catholique, un pape dispose de peu de temps pour choisir son nom avant d'être présenté au public depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre. Sa décision traduit, en général, son admiration pour un précédent souverain pontife.
Si le nouvel élu n'a pas encore publiquement justifié son choix, le message semble clair : Léon XIII, dernier pape ayant porté ce nom, entre 1878 et 1903, est connu pour avoir dénoncé dans son encyclique Rerum novarum "la concentration, entre les mains de quelques-uns, de l'industrie et du commerce (...) qui imposent ainsi un joug presque servile à l'infinie multitude des prolétaires". Le treizième Léon était ainsi "un grand pape de la question sociale, avec un engagement très fort pour les pauvres", explique à franceinfo Martin Dumont, chercheur et auteur d'une thèse sur Léon XIII et la France.
En filigrane, le nouveau pape laisse donc entendre que "la thématique va être reprise", estime auprès de l'AFP François Mabille, directeur de l'Observatoire géopolitique du religieux et auteur du livre Le Vatican : la papauté face à un monde en crise. Chose que Léon XIV a exprimée vendredi, lors de sa première messe dans ses nouveaux habits : il a notamment déploré le recul de la foi au profit "d'autres certitudes comme la technologie, l'argent, le succès, le pouvoir, le plaisir".
Un lien moderne avec la doctrine de Léon XIII
Le directeur de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni, a ajouté jeudi qu'en plus d'être une référence à la "doctrine sociale" de Léon XIII, le nouveau nom du cardinal américain fait aussi référence "aux femmes, aux hommes et aux travailleurs à l'ère de l'intelligence artificielle", selon des propos retranscrits par l'agence de presse italienne Dire.
Auprès du quotidien italien La Repubblica, le cardinal et archevêque de Belgrade raconte que le nom choisi par Léon XIV constitue "son programme". "Il a déclaré (...) qu'il souhaitait accorder plus d'attention aux questions d'ordre social dans le monde, ainsi qu'aux questions de justice. Il a également dit que nous étions au cœur d'une nouvelle révolution : à l'époque de Léon XIII, il y avait une révolution industrielle ; aujourd'hui, c'est une révolution numérique", rapporte Ladislav Nemet.
"Aujourd'hui, comme à l'époque de Léon XIII, se pose le problème de l'emploi, car la numérisation entraîne une diminution de la main-d'œuvre nécessaire."
Ladislav Nemet, cardinal et archevêque de Belgradeà la Repubblica
"Après le nom de 'François', qui avait impressionné, je me suis dit que cela serait moins évident, que cela allait être ringard… Et puis j'ai entendu les fidèles sur la place Saint-Pierre qui criaient 'Leone ! Leone !' C'était incroyable !", décrit au Figaro le cardinal Jean-Paul Vesco, qui a participé au conclave. "Evidemment qu'il y avait réfléchi. Vous savez, en entrant en conclave, il y a un certain nombre de papabili qui s'y sont préparés", poursuit l'archevêque d'Alger.
Durant son pontificat, Léon XIV devrait tenter de jouer sur l'équilibre entre "volonté de revenir à une réaffirmation de la doctrine" de Léon XIII et "esprit d'ouverture et d'orientation contemporaine", décrypte pour La Croix Yves Chiron, historien du catholicisme. Les deux Léon ont par ailleurs un autre point commun : ils se considèrent comme des disciples de saint Augustin, l'un des Pères de l'Eglise latine.
D'autres inspirations possibles
Depuis que le nom du nouveau souverain pontife a été dévoilé, les louanges au sein de l'Eglise ont été nombreuses. "Je rêvais depuis très longtemps d'un pape qui s'appellerait Léon XIV", a confié sur franceinfo Matthieu Rougé, évêque de Nanterre (Hauts-de-Seine). Outre Léon XIII, il fait le parallèle avec Léon Ier le Grand, qui "a été un immense pape au milieu du Ve siècle, d'unité de tous les chrétiens dans la foi face à un monde en plein bouleversement, un peu comme aujourd'hui".
"Le nom de Léon XIV est une belle promesse", réagit auprès de l'AFP le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort. Le secrétaire général de cette même organisation, Hugues de Woillemont, raconte au micro de France Inter avoir rencontré le cardinal américain à plusieurs reprises avant son élection. "J'ai été très frappé par son sens de l'écoute." Surtout, ce prêtre français le compare au pape François.
La promesse sociale de Léon XIV peut en effet être interprétée comme un hommage à son prédécesseur argentin, Jorge Bergoglio. Ce dernier avait créé la surprise, en 2013, en étant le premier à se faire appeler François, le prénom du défenseur des pauvres au XIIIe siècle qu'était saint François d'Assise.