Budget de la culture : comment Rachida Dati a sorti 6 millions d’euros du chapeau

Le tour de passe-passe ferait pâlir le plus formidable des prestidigitateurs du Off : 6 millions d’euros sortis du chapeau, le lendemain d’une journée mystère où les syndicats et la presse attendaient, trépignant, de savoir si la ministre allait bien, oui ou non, se pointer à la maison Jean Vilar — l’« être ou ne pas être » à Avignon de la ministre. Les acteurs du secteur du spectacle vivant l’ont appris via l’AFP, dimanche 6 juillet au soir.

L’enveloppe, annoncée comme un renfort au dispositif « mieux produire, mieux diffuser » présenté à la rentrée dernière, doit compter une moitié pour l’équipement des lieux, et une autre moitié en soutien au fonctionnement de 130 structures labellisées et conventionnées. Soit, sur 3 millions, une maigre moyenne de 20 000 € par lieu, qui peinera à pallier la saignée en cours.

Moins de 0,6 % du budget ministériel alloué à la création

« La ministre se moque de nous ! », a réagi la CGT Spectacle par un communiqué publié depuis Avignon. Au téléphone, son secrétaire général adjoint, Maxime Séchaud, fulmine face à une « provocation ». « Nous allons renforcer la mobilisation. Nous préparons déjà des AG », annonce-t-il. 6 millions d’euros, soit moins de 0,6 % du budget ministériel alloué à la création, pour un secteur du spectacle vivant déjà exsangue, c’est peu.

« Face aux 96 millions d’euros coupés en 2024, aux 50 millions de réserve de précautions coupés en 2025, l’annonce de Rachida Dati est un énième coup de com », poursuit, dans son communiqué, la CGT. D’autant que ce qu’il se joue, en bout de chaîne, c’est la survie de compagnies, le maintien de postes, la continuité d’un maillage tressé depuis des années dans les territoires. Et non pas le confort de « nantis » désignés par les populistes. Les acteurs culturels et les syndicats s’égosillent à le rappeler. « Ce n’est pas avec des miettes que la colère de nos professions va retomber », résume le syndicat.

« Il n’y a pas eu de projet de loi rectificatif du budget, donc on se demande d’où sortent ces millions, où ils vont être pris, et comment ils vont être redistribués », interroge, à Avignon, Joris Mathieu, président du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, (Syndeac). En plus du côté cache-misère, c’est le flou laissé par cette annonce délivrée sans prévenir, par voie de presse, qui fait grincer. « À ce stade-là, un tel communiqué veut tout et rien dire. Ce sont des mots-valises. Penser un « système vertueux de production et de diffusion », c’est un vrai travail. On ne peut pas en parler comme d’une évidence sans donner plus de détails », poursuit le metteur en scène.

« On ne construit pas une politique culturelle à coups de micro-annonces »

Les artistes de scène savent bien qu’il ne suffit pas de faire des effets de manche pour gagner un public. Cela s’applique aussi au show ministériel. « On ne construit pas une politique culturelle à coups de micro-annonces. Nous demandons un refinancement du service public de la culture qui soit mené avec ambition, en invitant les syndicats autour de la table », rappelle le Syndeac.

De passage aux Rencontres d’Arles, dimanche, la ministre, elle, a annoncé qu’elle irait bien à Avignon, tout en fustigeant l’« appropriation » de « deux, trois syndicalistes CGT »… « Qu’elle vienne ! », rétorque Maxime Séchaud. En attendant, dans la cité papale, on ne faiblit pas.

Des rendez-vous sont donnés chaque jour pour lever la voix contre la destruction programmée du service public de la culture. Cent cinquante musiciens sont attendus mardi à 19h30, devant l’hôtel de ville, pour une manifestation en forme de concert. C’est un peu plus que deux ou trois.

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