Climat : les gestionnaires de retraites investissent massivement dans les énergies fossiles, malgré leurs engagements publics

Mis bout à bout, les fonds qu’ils gèrent représentent un joli pactole. L’Agirc-Arrco (retraites complémentaires du privé), l’ERAFP (régime de retraite additionnelle de la fonction publique), l’Ircantec (retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités) et le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) brassaient 171 milliards d’euros d’actifs au 31 décembre 2024. Or, ces quatre investisseurs institutionnels clé de nos régimes de retraite ont placé une part de leurs fonds dans des actions et obligations d’entreprises qui sentent à plein nez les gaz à effet de serre.

Selon Reclaim Finance, l’association écologiste qui s’est donné pour objectif de « mettre la finance au service de la justice sociale et climatique », ces « institutions financières évaluées détiennent des montants significatifs dans les entreprises actives dans les énergies fossiles » : « 673 millions d’euros pour l’Agirc-Arrco », « 937 millions d’euros pour l’ERAFP », « plus d’un milliard pour le FRR »

« Seul l’Ircantec s’en sort mieux avec 30 millions seulement », note l’ONG qui décortique, dans un rapport publié ce mardi matin, les mécanismes de ces investissements contraires à l’Accord de Paris et au scénario de limitation du réchauffement climatique à + 1,5 degré.

Total ou Aramco dans le portefeuille

Ces organismes ne sont certes pas exposés dans des projets d’hydrocarbures non conventionnels (gaz et huile de schiste par exemple). Mais l’étude déplore tout de même que les cotisations retraite ou l’argent public financent des « investissements obligataires dans les développeurs pétro-gaziers, qui sont l’un des modes de financement les plus importants des entreprises fossiles ». Des titres de majors comme TotalEnergies et Saudi Aramco se retrouvent ainsi dans les portefeuilles de l’Agirc-Arrco, l’ERAFP et le FRR.

Reclaim Finance remarque que si ces gestionnaires français affichent bien des démarches d’investissements socialement responsables (ISR), en s’appuyant sur des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), ceux-ci font appel à des prestataires qui, eux, ne suivent pas ces mêmes règles. « Par exemple, l’Agirc-Arrco a confié des investissements à BlackRock et State Street ; le FRR à BlackRock et JP Morgan Asset Management ; et l’ERAFP à Morgan Stanley Investment Management, alors que ces gestionnaires soutiennent massivement l’expansion fossile et font même machine arrière sur le climat », déplore l’association.

Le manque de transparence est le troisième grief reproché à ces quatre institutions. Aucune ne publie ses votes en assemblée générale. Deux seulement communiquent les noms des entreprises présentes dans leurs portefeuilles d’investissement (Ircantec et FRR).

L’Ircantec, rare bon élève

Or, détenir des investissements dans des sociétés qui participent du réchauffement climatique revient à s’exposer à des déconvenues futures (dépréciations voire pertes financières), ces placements n’étant par essence pas durables. « Se protéger des risques financiers liés au climat fait partie intégrante du devoir fiduciaire des investisseurs institutionnels, afin de protéger leurs portefeuilles et leurs bénéficiaires qui toucheront une pension dans les prochaines décennies », rappelle Reclaim Finance.

Communiquant lundi 7 juillet ses résultats 2024 financiers et climatiques, dès avant la publication de ce rapport, l’Ircantec souligne que la moyenne pondérée de son intensité carbone moyenne a diminué sur 3 ans « de 12,3 % en accord avec les engagements pris dans la politique climat ». Une démarche saluée par Reclaim finance : « L’institution affiche une bonne santé financière, démontrant la compatibilité entre bonne gestion financière et engagements fossiles ambitieux, dans le respect du devoir fiduciaire qui incombe aux investisseurs institutionnels ».

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