Budget 2026 : voici ce qui a été adopté, modifié et rejeté par les députés à l'Assemblée nationale

Le Premier ministre Sébastien Lecornu l'avait martelé, vendredi 24 octobre, à l'ouverture de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale : le projet de loi de finances (PLF) que son gouvernement a présenté pour 2026 était "imparfait" et la tâche des parlementaires était donc de l'améliorer. Durant sept jours de débats parfois tendus, les députés de tous bords ont donc tenté de modifier la première partie du texte, consacrée aux recettes de l'Etat.

Les débats devaient s'achever mardi 4 novembre, mais faute d'avoir pu aborder tous les sujets, les parlementaires devront reprendre leurs travaux après le vote sur la première partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, attendu en principe mercredi 12 novembre. Avant ce passage de relais, les députés ont pu créer de nouvelles recettes pour l'Etat, en alourdissant notamment la taxation des hauts revenus et des multinationales. Ils ont aussi rejeté le gel du barème de l'impôt sur le revenu ainsi que la taxe Zucman.

Franceinfo revient sur les modifications significatives apportées au projet de loi de finances, avant la fin de son examen et de probables nouveaux changements au gré de la navette parlementaire entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

L'impôt sur la fortune improductive : adopté

Une alliance de députés PS, RN et MoDem a approuvé vendredi soir une modification de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui intègre dans l'assiette de l'impôt "les actifs improductifs" tels que les "biens immobiliers non productifs, biens meubles corporels (objets précieux, voitures, yachts, avions, meubles meublants, etc.), actifs numériques, assurance-vie pour les fonds non alloués à l'investissement productif", en excluant la résidence unique ou principale, comme le souhaite de longue date le Rassemblement national. Si le PS s'est réjoui d'un rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), La France insoumise a au contraire jugé que l'impôt sur la fortune immobilière était "affaibli". Le RN a salué le vote d'une mesure "inspirée" de son programme.

La hausse de la taxation du rachat d'actions : adoptée

A l'Assemblée, les parlementaires ont aussi voté un amendement du Rassemblement national qui modifie profondément le taux applicable lors du rachat d'actions, en le portant à 33% au lieu de 8%. Cet amendement doit rapporter 8 milliards d'euros, selon le député RN Kévin Mauvieux. De son côté, La France Insoumise a réussi à faire adopter, lors d'un vote très serré, un amendement instaurant une taxe exceptionnelle sur les superdividendes.

L'impôt sur les bénéfices des multinationales : adopté

Les députés ont très largement approuvé un amendement de La France insoumise pour taxer les bénéfices des multinationales proportionnellement à leur activité réalisée en France et lutter contre l'évasion et l'optimisation fiscale. La mesure a recueilli les voix des différents groupes de gauche et celles du Rassemblement national, contre celles du camp gouvernemental (207 contre 89). Le gouvernement y était opposé. Cet "impôt universel" sur les multinationales, inspiré de l'association Attac et de l'économiste Gabriel Zucman, pourrait rapporter 26 milliards d'euros au budget de l'Etat, selon ses défenseurs. Pour le ministre de l'Economie, ce serait "20 milliards d'ennuis" en plus pour la France, signataire de plus de 125 conventions fiscales avec 125 pays. 

Mercredi, une alliance entre la gauche et le Rassemblement national a permis l'adoption d'un autre amendement, porté par La France insoumise, qui vise à élargir le champ d'application de l'impôt minimum de 15% sur les bénéfices des multinationales. Instaurée par le gouvernement en 2024 dans le cadre d'un accord international piloté par l'OCDE, cette taxe a pour objet de mettre en place une réponse coordonnée à l'évasion fiscale des grandes entreprises. Limitée aux entreprises qui enregistrent plus de 750 millions de revenus annuels, cette mesure ne concernerait que 10% des multinationales, d'après l'association Oxfam. Ainsi, l'Assemblée nationale a voté pour abaisser le seuil à 500 millions d'euros et donc toucher davantage de multinationales.

La défiscalisation des pensions alimentaires : adoptée

La défiscalisation concernera les bénéficiaires des pensions alimentaires. Cette contribution financière reçue par l'un des parents (très majoritairement des femmes) après un divorce ou une séparation, pour l'entretien et l'éducation d'un enfant mineur, ne serait plus soumise à l'impôt sur le revenu si le budget était ainsi voté. L'amendement soumis par l'écologiste Marie-Charlotte Garin impose une limite à cet avantage fiscal de 4 000 euros par enfant, plafonnée à 12 000 euros par an. En miroir, les députés ont voté la fiscalisation pour les personnes qui versent une pension alimentaire, contre l'avis du gouvernement.

La défiscalisation des heures supplémentaires : adoptée

Les députés ont validé la défiscalisation totale des heures supplémentaires, proposée par les élus des Républicains. La droite, l'extrême droite et la majorité des macronistes ont approuvé cet amendement de Laurent Wauquiez, qui supprime le plafond existant de 7 500 euros au-delà duquel les heures supplémentaires sont fiscalisées. La mesure va coûter un milliard d'euros, selon la ministre des Comptes publics.

Un crédit d'impôt pour les frais d'Ehpad : adopté

Proposée par La France insoumise, cette mesure a été adoptée de justesse avec les voix de l'extrême droite et de la gauche, à l'exception des socialistes qui défendaient une autre mesure proche. Elle vise à soutenir les résidents en Ehpad ou leurs familles ayant des revenus modestes, en décidant de transformer une réduction d'impôt de 25% sur les frais de séjour en crédit d'impôt. Actuellement, seules les personnes imposables bénéficient de la réduction fiscale pour leurs frais d'hébergement, ce qui ne s'applique donc pas aux ménages les plus modestes qui ne payent pas d'impôts.

La réduction de la niche fiscale des journalistes : adoptée

Les députés ont validé l'abaissement du plafond de revenus en dessous duquel les journalistes peuvent bénéficier d'un abattement fiscal. Les journalistes peuvent actuellement bénéficier d'un abattement de 7 650 euros lorsqu'ils perçoivent jusqu'à 93 510 euros annuels. Un amendement de Denis Masseglia (Ensemble pour la République) abaisse ce plafond à 3,5 smic, soit aujourd'hui 75 676 euros. Il a été approuvé largement à main levée par les députés, malgré l'avis défavorable du gouvernement.

La suppression d'un avantage pour la fast-fashion : adoptée

Les députés ont aussi adopté un amendement du groupe Horizons qui consiste à supprimer, pour les entreprises de fast-fashion comme Shein ou Temu, un avantage fiscal "dont elles bénéficient actuellement au titre de l'article 238 bis du Code général des impôts, afin qu'elles corrigent leurs modes de production et de commercialisation".

La contribution sur les hauts revenus : prolongée

La contribution différentielle sur les hauts revenus, instaurée en 2025 dans le budget du gouvernement Bayrou, a été prolongée. Au premier jour de l'examen du budget, les députés ont largement approuvé (279 pour et 25 contre) le maintien de ce dispositif jusqu'au passage du déficit sous les 3% du produit intérieur brut (PIB), ce qui pourrait intervenir en 2029, selon les objectifs du gouvernement. Initialement, ce dernier défendait une prolongation pour la seule année 2026. Cette mesure fixe un taux minimal d'imposition de 20% pour les ménages dont les revenus dépassent 250 000 euros par an, soit 24 000 ménages, selon le gouvernement. Elle doit rapporter 1,5 milliard d'euros en 2026, d'après l'exécutif.

La taxe sur les bénéfices des grandes entreprises : modifiée

Les députés ont adopté un amendement qui modifie le taux de la taxe sur les bénéfices des grandes entreprises. Il "propose de concentrer" l'effort demandé aux sociétés "sur les plus grandes entreprises de notre pays et d'alléger la charge reposant sur les entreprises de taille intermédiaires", selon le gouvernement, à l'origine de cet amendement. Objectif : faire passer le rendement de la taxe à 6 milliards d'euros, contre 4 milliards prévus initialement dans le projet de loi de finances 2026. Soutenue par l'ensemble de la gauche, mais aussi par les députés MoDem, cette modification a divisé le parti présidentiel Renaissance.

Le doublement de la taxe sur les Gafam : adopté

Les députés ont voté pour doubler le taux de la taxe Gafam, qui cible les grandes entreprises de la tech, dont Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. En commission, les élus macronistes avaient proposé de porter le taux de cette taxe de 3% à 15%, avant de se raviser en séance et de soutenir un compromis : 6%. Avant le vote, le ministre de l'Economie, Roland Lescure, avait appelé les députés à la prudence, en mettant en garde contre de possibles représailles de l'administration de Donald Trump : "Si on introduit une taxe disproportionnée, on aura des représailles disproportionnées."

La taxe sur les holdings patrimoniales : modifiée

Le patron des députés Les Républicains, Laurent Wauquiez, a obtenu l'adoption d'une version édulcorée de la taxe sur les holdings patrimoniales, à l'initiative de son groupe. Le gouvernement proposait à l'origine une taxe de 2% sur les holdings détenant au moins cinq millions d'euros d'actifs, avec de nombreuses exceptions, notamment l'exclusion des biens professionnels. Elle était censée rapporter un milliard d'euros. L'amendement adopté réduit le nombre de holdings concernées, en relevant le seuil de détention par une personne physique de 33% à 50%, et limite l'assiette de la taxe en listant les types de biens concernés. "A la fin, cette taxe n'est plus un gruyère, c'est une chips : ça ne concerne plus personne", a fustigé le socialiste Philippe Brun.

La taxe Zucman et sa variante allégée : rejetées

Discutée et débattue pendant des mois, portée aux nues par la gauche, la taxe Zucman n'a pas franchi le cap de l'Assemblée nationale. Les parlementaires du bloc central, de la droite et du Rassemblement national ont fait front contre cette mesure, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros. Elle a été rejetée par 228 députés contre 172. Les députés ont également rejeté une version allégée de cette taxe, proposée par les socialistes.

L'impôt universel ciblé contre l'évasion fiscale : rejeté

Les députés ont rejeté un amendement de La France insoumise sur l'impôt universel ciblé, à une voix près (131 pour, 132 contre). Cette mesure devait permettre de "dissuader les personnes qui partent à l'étranger pour contourner l'impôt", avait défendu l'insoumis Eric Coquerel, y voyant "une taxe dissuasive". Les élus du Rassemblement national ont voté pour, à l'inverse du bloc macroniste. L'abstention des députés socialistes a été pointée du doigt par plusieurs responsables politiques de La France insoumise. "Le pacte Faure-Lecornu s'affiche au grand jour dans l'hémicycle", a par exemple dénoncé Thomas Portes. Des accusations rejetées par le Parti socialiste.

Le gel du barème de l'impôt sur le revenu : rejeté

En première lecture, les députés ont largement dit "non" au gel du barème de l'impôt sur le revenu. Une large coalition de députés, de l'extrême droite jusqu'aux insoumis, en passant par la droite et une partie des macronistes, a approuvé un amendement de Laurent Wauquiez, le patron du groupe LR, qui proposait d'indexer le barème sur l'inflation estimée à 1,1%. Il s'agit d'un revers pour le gouvernement, car l'amendement du chef des députés de droite a été adopté contre l'avis de la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Le gel du barème aurait pu rapporter 2 milliards d'euros.