« Ce serait un désastre pour tout le monde » : en conflit sur les droits TV, la Ligue de football professionnel et le diffuseur DAZN en appellent à la justice
Le bras de fer entre la Ligue de football professionnel (LFP) et DAZN, principal détenteur des droits TV de la Ligue 1, pourrait se poursuivre devant le tribunal de commerce de Paris. Le diffuseur britannique a déposé un recours pour manquement aux obligations contractuelles et précontractuelles de la ligue de football, le 30 janvier dernier. Ce à quoi, la LFP a répondu en assignant DAZN (fondé par le milliardaire britannique Léonard Blavatnik, à la tête du groupe de médias sportifs Perform, en 2015) devant la même instance.
La fédération sportive espère ainsi s’assurer du paiement par la plateforme britannique d’une échéance financière due en février – qu’elle menace de ne pas honorer -, alors qu’elle a annoncé prendre acte du « refus infondé » de DAZN, dans un communiqué publié mercredi 12 février.
Une procédure accélérée
C’est la situation qu’a exposée Vincent Labrune, le président de la LFP, aux membres du conseil d’administration de l’instance (convoqués en urgence), mardi 12 février. « Nous poursuivons les discussions avec notre partenaire DAZN afin de trouver une issue rapide à cette situation que nous subissons », a-t-il déclaré, suite à la réunion.
Face à la grande inquiétude des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, confrontés à une grave crise financière liée à une baisse des revenus générés par les droits télévisuels, la Ligue a ainsi engagé ce recours en référé d’heure à heure, une procédure accélérée, qui permet d’assigner quelqu’un à comparaître dans un délai très bref. Le tribunal de commerce de Paris doit donc statuer sur le litige vendredi 14 février, soit le jour où DAZN est censé payer la LFP.
La justice française doit par la suite rendre sa décision dans le courant de la semaine prochaine. « On vit depuis 2019 une situation compliquée avec nos diffuseurs, a lancé Vincent Labrune. Je constate que depuis qu’on a fait ce choix de Mediapro et de se séparer du groupe Canal +, nos différents partenaires ont eu différentes difficultés. Là, le paiement aux clubs est mi-février, on est le 12… On verra à l’audience. »
DAZN menace de ne pas payer les 35 millions d’euros qui lui restent à honorer – sur total de 70 millions – en réponse à des conditions d’exploitation que l’entreprise juge difficiles. Le diffuseur estime être notamment victime du piratage de grande ampleur et d’un manque de coopération de certains clubs français, pour mettre en valeur le « produit Ligue 1 » qu’elle vend à ses abonnés.
« Elle n’est jamais revenue vers nous »
Un faible engouement qui peut être lié à la somme que devait débourser un abonné pour avoir accès aux matchs, lors du lancement du partenariat entre la LFP et DAZN. Les fans de football doivent par exemple souscrire à l’offre de 39,99 euros par mois (sans engagement) en début de saison – pour avoir accès à huit matches de Ligue 1 par journée de championnat – ou au Pass fin de saison – 49 euros à débourser une fois. Des abonnements qui donnent aussi accès à la Ligue des championnes féminine, du basket (Betclic Elite) et des compétitions de sports de combat. À cela s’ajoute un abonnement à BeIn sport de 15 euros par mois pour le match du samedi 17 heures. DAZN propose aussi une offre à 14,99 euros par mois (avec engagement), incluant une des rencontres du dimanche, à 17 heures.
« Mi-décembre, nous sommes allés voir la LFP avec un plan d’action pour mieux protéger notre exclusivité, lutter contre le piratage, bénéficier d’un meilleur soutien des clubs pour rendre le produit Ligue 1 beaucoup plus attractif, a déclaré Brice Daumin, le patron de DAZN en France, à l’Agence France-Presse. Mais elle n’est jamais revenue vers nous. » Le directeur justifie ainsi la stratégie du groupe dont il est salarié, à savoir payer la moitié du montant dû et « mettre les 35 millions restants sous séquestre en attendant une réponse de la Ligue ». Le tout « pour créer un électrochoc », a assumé Brice Daumin.
Malgré ce référé, les deux parties continuent de discuter du litige qui les oppose, selon plusieurs sources proches du dossier. Dans un entretien au quotidien le Parisien, le 19 décembre dernier, Vincent Labrune assurait souhaiter « le succès de DAZN à tout prix », tout en reconnaissant que le diffuseur avait « peut-être fait une erreur en tapant un peu fort au départ sur les tarifs ».
Selon plusieurs sources, DAZN compte près de 500 000 abonnés, bien loin des 1,5 million d’abonnés qu’elle espérait séduire en se lançant en début de saison. Un chiffre que ne commente pas Brice Daumin, estimant néanmoins le bilan actuel « pas satisfaisant ». Si elle n’atteignait pas ce nombre en décembre 2025, la plateforme de streaming sportif dispose d’une clause pour dénoncer son contrat avec la LFP, qui court jusqu’en 2029. La Ligue aura également le droit de rompre ce même contrat. « Nous n’avons aucune intention de partir, a cependant annoncé Brice Daumin. Nous ne voulons pas activer cette clause, ce serait un désastre pour tout le monde. » Prochaine étape ce vendredi 14 février, alors que la Ligue de football professionnel apparaît plus affaiblie que jamais.
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