Football : avec de nouvelles règles déjà contestées, le Mercato européen débute dans l’incertitude
Les premiers effets de l’arrêt Diarra commencent à se faire sentir. Rendu le 4 octobre par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), ce jugement qui dénonçait la réglementation de la Fifa sur les transferts comme étant « de nature à entraver la liberté de circulation des footballeurs professionnels », a obligé l’instance mondiale du football à ajuster ses règles.
Dans l’urgence, la Fédération internationale a en effet proposé le 23 décembre un nouveau « cadre temporaire » pour le mercato qui a débuté le 1er janvier pour un peu plus de quatre semaines. En édictant de nouvelles règles provisoires, la Fifa poursuit deux objectifs : permettre aux transferts de se réaliser durant ce mercato tout en évitant le chaos et aussi se conformer au droit de la concurrence de l’UE.
« Ce cadre porte sur les règles régissant les indemnités pour rupture de contrat, la responsabilité conjointe et solidaire, les incitations à la rupture de contrat, les certificats internationaux de transferts et les procédures devant le tribunal du football. Il vise à instaurer davantage de clarté et de stabilité en vue des périodes d’enregistrement à venir ainsi qu’à maintenir des règles universelles », a précisé l’instance, sans entrer dans les détails techniques, dans un bref communiqué.
Une entrave à la liberté de circulation des footballeurs
Pour rappel, la CJUE, saisie par la justice belge, a tranché au mois d’octobre en faveur de l’international français Lassana Diarra dans le litige qui l’opposait à la Fifa depuis dix ans sur les conditions de son départ du Lokomotiv Moscou.
En août 2014, le milieu de terrain était salarié du club russe avec lequel il était encore engagé pour trois saisons, lorsque son club avait rompu son contrat. En raison d’une réduction drastique de son salaire, Diarra avait quitté le Lokomotiv, mais ce dernier avait jugé la rupture abusive et lui avait réclamé 20 millions d’euros, ramenés ensuite à 10,5 millions d’euros.
Conséquence : le club belge de Charleroi avait renoncé au recrutement du Français par crainte d’avoir à assumer une partie de ces pénalités, conformément au règlement de la Fifa sur les transferts. En se penchant sur ces règles, la CJUE a estimé que deux articles (6 et 17) sont « contraires » au droit de l’Union européenne, qu’ils entravaient la liberté de circulation des footballeurs professionnels et qu’ils faisaient « peser sur ces joueurs et sur les clubs souhaitant les engager des risques juridiques importants, des risques financiers imprévisibles et potentiellement très élevés ainsi que des risques sportifs majeurs ».
« Ces nouvelles règles demeurent contraires à l’arrêt de la CJUE »
Pour s’éviter de nouveaux procès, la Fifa a annoncé le 26 novembre qu’elle gelait les litiges en cours sur les transferts. Mais l’incertitude domine car les nouvelles règles de la Fédération internationale ne sont que temporaires et les acteurs du football européen comptent bien mettre en place un nouveau cadre légal.
Et si la Fifa se félicite de son règlement transitoire « après une consultation fructueuse des principales parties prenantes du football », elle oublie de dire que la FIFPRO, le syndicat mondial des footballeurs, a refusé d’y participer…
Le 24 décembre, l’UNFP (le syndicat français des footballeurs professionnels) a même tiré à boulets rouges sur le « cadre temporaire » de la Fifa dans un communiqué intitulé « Si loin du compte… ». « Ces dispositions intègrent certaines exigences de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne), notamment la délivrance automatique du certificat international de transfert », écrit l’organisation syndicale.
Avant de poursuivre : « Néanmoins, sur de nombreux points, ces nouvelles règles demeurent contraires à l’arrêt de la CJUE et visent in fine à perpétuer un “système des transferts” fondamentalement illégal. En outre, en ce qui concerne l’UE, à la suite de l’arrêt Diarra, il est clair que la régulation du marché du travail ne peut à l’avenir résulter que d’une négociation collective entre les partenaires sociaux européens. »
Les partenaires sociaux prennent la main
Dans un courrier, daté du 6 décembre, mais rendu officiel le 30 décembre, les partenaires sociaux européens, c’est-à-dire l’UEFA, les ligues nationales en Europe, l’Association européenne des clubs (ECA) et la FIFPRO Europe ont demandé à la Commission européenne d’accueillir des discussions sur la « réforme du système des transferts dans le football ». Cette missive vise clairement à prendre la main sur cette question.
« L’UEFA et les instances du football européen peuvent collectivement discuter et proposer leurs solutions sur le statut et le transfert des joueurs professionnels mais aussi d’autres questions comme la sécurité et la santé, d’une importance majeure dans notre secteur et les principes de l’Union européenne », écrivent les signataires.
Ces instances proposent de mener les échanges dans le cadre du Comité du dialogue social sectoriel du football professionnel de l’UE (EU SSDC) avec pour but notamment de « renforcer la stabilité financière à travers des cadres réglementaires solides et qui favorisent la mobilité et les droits des joueurs ». Signe que les temps ont changé, la Fifa ne serait invitée dans le Comité qu’en qualité de conseillère.
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