En CMP, le tournant austéritaire du prochain budget confirmé

Tenter de s’accorder sur le contenu du projet de loi de finances 2025 (PLF), telle est la mission des sept députés et sept sénateurs réunis à huis clos à l’Assemblée nationale depuis ce jeudi 30 janvier. Cette commission mixte paritaire (CMP) pour doter le pays d’un budget a tout d’une télé-réalité.

À une différence près : aucun rebondissement n’est à constater. « Tout se passe malheureusement comme nous l’avions prévu, se désole Aurélien Le Coq, député FI du Nord, qui y siège en tant que suppléant. Les macronistes et “les Républicains” se sont mis d’accord pour aggraver le budget austéritaire du gouvernement. Sans surprise, il n’y a aucune possibilité d’augmenter les recettes. Il ne s’agit que de couper les dépenses. » Même constat du côté d’Emmanuel Maurel, député GDR du Val-d’Oise : « Rien ne bouge. Toutes les propositions de la gauche sont balayées. »

Pourtant, tout au long de la journée, les macronistes et leurs alliés ont juré vouloir jouer le jeu de la « conciliation », fort de leur « esprit de responsabilité » et de leur « capacité d’ouverture », comme plusieurs d’entre eux l’ont confié à l’Humanité. « Ça ne sera pas un budget de gauche, pas un budget de droite. Mais ce sera un budget de compromis », promettait Jean-René Cazeneuve, député Ensemble pour la République (EPR) du Gers, précisant cependant que « ce sera la CMP la plus longue et difficile de la Ve République ».

« Il est légitime de parler avec toutes les forces politiques qui sont autour de la table, expliquait Philippe Juvin, député LR, lors de la première suspension des débats. Nous essayons de travailler en bonne intelligence avec les uns et les autres car ne pas avoir de budget serait une faute. Nous essayons de trouver une voie de sagesse. Même si elle est étroite et complexe, c’est indispensable pour l’avenir du pays. »

La gauche propose, le RN menace

Les premières conclusions de cette CMP disent pourtant tout le contraire. Alors que les socialistes proposaient de réduire le crédit impôt recherche, comme nous le confie l’un des participants, estimant qu’il s’agit là d’une niche fiscale qui bénéficie avant tout aux grandes entreprises dans un objectif d’optimisation fiscale, cela a été refusé par les représentants du « socle commun ».

Un camp majoritaire au sein de la CMP, avec huit des quatorze membres. Par ailleurs, si la taxe temporaire sur les grandes entreprises présentant un chiffre d’affaires dépassant le milliard d’euros a été adoptée, celle-ci ne durera qu’une année, contre deux prévues initialement.

La gauche, elle, espérait la voir étendue, voire pérennisée. « Notre préoccupation est de réduire au maximum les efforts demandés à celles et ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre. Eux qui ne sont en rien responsables du dérapage budgétaire… », justifiait Boris Vallaud, patron des députés socialistes, entre l’examen des nombreux articles du texte

Certains cadres socialistes voulaient pourtant croire en un miracle. D’autant que la veille au soir, quelques-uns d’entre eux ont pu s’entretenir à l’occasion d’une visioconférence avec les deux têtes de Bercy, le ministre de l’Économie, Éric Lombard, et son homologue aux Comptes publics, Amélie de Montchalin. La nature de leurs échanges n’a pas filtré. Un député se contente simplement d’évoquer un « pénible poker menteur ».

Quelle que soit l’issue de cette CMP, le premier ministre, François Bayrou, aura à faire un choix. Soumettre le texte final au vote des parlementaires, lundi, à l’Assemblée nationale, jeudi au Sénat, ou utiliser l’article 49.3 et passer en force comme beaucoup de ses prédécesseurs. Un deuxième choix qui conduira au dépôt d’une motion de censure pouvant provoquer la chute de son gouvernement. Que feront les socialistes, qui ont un temps interrompu leurs négociations avec le gouvernement après les propos du maire de Pau sur une prétendue « submersion migratoire » avant de renouer le dialogue ?

Et les troupes de Marine Le Pen ? Les parlementaires du Rassemblement national (RN) se sont montrés menaçants ce jeudi, faisant planer la possibilité de censurer le gouvernement. En cause, l’adoption de l’article 4 du PLF qui entend réformer la rémunération d’EDF pour sa production nucléaire, également dans le viseur de la gauche.

« La décision de censurer le gouvernement Barnier a été prise au dernier moment, lorsque nous avons eu la certitude que le gouvernement allait désindexer les pensions de retraite, a rappelé Jean-Philippe Tanguy, député RN, aux Quatre Colonnes. Donc ce n’est pas ici ou maintenant d’annoncer une censure. La décision sera prise à partir d’éléments factuels. Il faut que ce gouvernement sache où il veut amener la France. » Une façon pour l’extrême droite de faire monter les enchères, comme elle l’avait fait avec le prédécesseur de François Bayrou. Le locataire de Matignon fera-t-il, lui aussi, le choix de placer son destin entre les mains du RN ?

Avant de partir, une dernière chose…

Contrairement à 90% des médias français aujourd’hui, l’Humanité ne dépend ni de grands groupes ni de milliardaires. Cela signifie que :

  • nous vous apportons des informations impartiales, sans compromis. Mais aussi que
  • nous n’avons pas les moyens financiers dont bénéficient les autres médias.

L’information indépendante et de qualité a un coût. Payez-le.
Je veux en savoir plus