Cyclone Chido : Le projet de loi d’urgence pour Mayotte adopté en commission à l’Assemblée nationale

Alors que les habitants de Mayotte doivent gérer les ravages provoqués par le cyclone Chido – le plus dévastateur à Mayotte depuis 90 ans – le projet de loi d’urgence a été adopté en commission à l’Assemblée nationale, dans la nuit du mardi 14 au mercredi 15 janvier.

L’objectif de ce texte – annoncé le 18 décembre en réponse au contexte de « calamité naturelle exceptionnelle » – est de permettre aux acteurs publics de « rétablir les conditions de vie des habitants » tout « en préparant la reconstruction » de Mayotte, notamment en dérogeant pendant deux ans aux règles d’urbanisme et des marchés publics. Le projet de loi s’est cependant retrouvé au centre d’une passe d’armes, alors que le débat identitaire semble avoir pris le pas sur les besoins humanitaires.

Une proposition de loi visant à restreindre le droit du sol

La rapporteure du texte, la députée de Mayotte Estelle Youssouffa (Liot), s’est ainsi attaquée à un texte « sans réelle ambition », élaboré « sans consultation avec les élus locaux ni les parlementaires », et qui reste « largement muet sur des sujets essentiels tels que l’immigration », dans son propos liminaire. La seconde députée de Mayotte, Anchya Bamana (Rassemblement national), s’est dite « en colère » contre un projet de loi « qui passe à côté de son sujet », en ne permettant pas de lutter contre la « submersion migratoire ».

Plusieurs députés ont également reproché au gouvernement d’avoir tenté de faire adopter par amendement des mesures de lutte contre les bidonvilles, s’exposant à un risque d’irrecevabilité. Ces amendements ont effectivement été écartés, car jugés sans lien direct ou indirect avec le texte. Une proposition de loi visant à restreindre le droit du sol à Mayotte sera, par ailleurs, examinée le 6 février prochain, prévoyant d’allonger la durée de résidence des parents pour l’accès de leurs enfants à la nationalité française.

Un amendement de l’ancienne ministre de l’Environnement, Dominique Voynet a été adopté, demandant que le gouvernement remette dans un délai d’un mois après la promulgation de la loi un bilan exhaustif de la catastrophe, sur le plan humain notamment. Le gouvernement l’a soutenu, le ministre des Outre-mer Manuel Valls affirmant que l’État n’avait « rien à cacher ». Le texte doit être examiné dans l’hémicycle le 20 janvier et au Sénat le 3 février.

Le gouvernement Bayrou espère ainsi faciliter la reconstruction des écoles mais aussi des infrastructures et des logements. Le projet de loi, composé d’une vingtaine d’articles, prévoit notamment que des constructions à « usage d’hébergement d’urgence » soient édifiées à Mayotte. Le tout « postérieurement au 14 décembre 2024 et jusqu’à l’expiration d’un délai de deux ans suivant la publication de la présente loi ». Ces hébergements seront ainsi dispensés de toute formalité « au titre du code de l’urbanisme ».

Des rénovations à la place des collectivités locales

Pour mener à bien cette mission, le texte prévoit d’élargir les missions de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (EPFAM), mis sur pied en 2017, pour lui confier « la mission de coordonner les travaux de reconstruction ». Nouvelle configuration qui devrait concerner les écoles, durement touchées alors que ce département est le plus jeune de France avec un habitant sur deux mineur. Le projet de loi d’urgence prévoit ainsi que « l’État ou un de ses établissements publics » puisse assurer leur construction ou rénovation en lieu et place des collectivités locales jusqu’au 31 décembre 2027.

Sur le foncier, sujet ample auquel est consacrée l’entièreté d’un article, le texte prévoit de déroger aux règles habituelles et de pouvoir exproprier avant qu’un propriétaire ait été identifié, quitte à l’indemniser a posteriori. De fait, les terrains constructibles restent rares à Mayotte, tandis que l’identification formelle des propriétaires reste souvent difficile.

Le projet de loi d’urgence contiendra aussi plusieurs mesures économiques qui resteront en vigueur « jusqu’au 31 mars 2025 » : la suspension du recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants, la prolongation des droits des assurés sociaux et des chômeurs ou l’augmentation de la prise en charge au titre du chômage partiel. Pour les mesures de plus long terme, notamment autour des questions d’immigration, de sécurité et de développement économique, le gouvernement prévoit un autre projet de « loi-programme » qui sera élaboré dans les trois mois, indique Matignon.

Le texte devrait passer en commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale dès le lundi 13 janvier, jour de la reprise de l’activité au sein de l’hémicycle. Son examen en commission pourrait se prolonger mardi, avant une première lecture en séance, lundi 20 janvier. En réponse aux pistes envisagées par le gouvernement dirigé par François Bayrou, le secrétaire national du Parti communiste français (PCF), Fabien Roussel, a exhorté, mardi 7 avril sur le plateau de TF1, l’Assemblée nationale à créer une commission d’enquête parlementaire « qui aille, toutes tendances confondues, ensemble sur le terrain, mesurer non seulement les dégâts, mais mesurer que le gouvernement prend du retard dans les moyens qu’il faut déployer en direction de la population de Mayotte ».

Aucun article au sein du projet n’est, en revanche, consacré à l’habitat précaire, contrairement aux dires du premier ministre, François Bayrou, qui avait annoncé, lors de son déplacement à Mayotte fin décembre, « empêcher la reconstruction ». Plusieurs voix, à droite comme à l’extrême droite, ont plongé dans la surenchère et s’en sont prises à ce qu’elles considèrent être la seule coupable de la situation : l’immigration. « Le texte est inacceptable parce qu’il n’apporte aucune réponse aux vraies urgences de Mayotte », a par exemple réagi l’ancien député et vice-président républicain chargé des Outre-mer, Mansour Kamardine.

L’élu de droite souhaite qu’une mesure dédiée à « l’interdiction des bidonvilles » soit inscrite à l’ordre du jour. « Sans régler le problème de l’immigration clandestine, rien ne sera utile », a quant à elle avancé la cheffe de file du Rassemblement national, Marine Le Pen, depuis le département sinistré, où elle était en déplacement dimanche 5 et lundi 6 janvier. « Croire que modifier le droit du sol empêchera des ressortissants voisins de venir à Mayotte en espérant échapper à la misère est soit naïf, soit cynique », avait critiqué déjà la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie, en réaction à un entretien du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, lundi 6 janvier au micro de RTL. Alors que la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a prévu de se rendre à Mayotte du 9 au 11 janvier, la suite des événements permettra donc aux Mahorais de savoir si le débat identitaire va prendre le pas sur la situation humanitaire.

Aux côtés de celles et ceux qui luttent !

L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité.

  • En exposant la violence patronale.
  • En montrant ce que vivent celles et ceux qui travaillent et ceux qui aspirent à le faire.
  • En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.

Vous connaissez d’autres médias qui font ça ? Soutenez-nous !
Je veux en savoir plus.