L’Espagne va coopérer activement avec la justice internationale pour enquêter sur des « violations des droits humains à Gaza »

Nouvelle prise de position forte en provenance de l’autre côté des Pyrénées pour dénoncer les crimes du gouvernement de Benyamin Netanyahou. Le procureur général de l’État, Álvaro García Ortiz – plus haut magistrat du parquet et nommé sur proposition du gouvernement de coalition de gauche du socialiste Pedro Sánchez – a publié un décret décidant la création d’une équipe de travail chargée de déterminer si les actes commis par Israël à Gaza pourraient constituer « des violations graves du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire ».

Son objectif sera de « recueillir des preuves et de les mettre à disposition de l’organe compétent », a précisé le parquet général. L’initiative, révélée par le média Cadena Ser, « répond à la recommandation du rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations unies sur le territoire palestinien occupé, qui exhorte les États parties à coopérer avec l’enquête du parquet de la Cour pénale internationale (CPI) ».

Les résultats de l’enquête devront être communiqués à la Cour internationale de justice et au parquet de la Cour pénale internationale.

Des indices clairs de « génocide »

Selon les informations recueillies par Cadena Ser, la police espagnole a déjà remis au parquet un rapport qui contiendrait des preuves de la commission de « potentiels crimes contre l’humanité » en raison d’indices clairs de « génocide ».

Demandée par la procureure de la chambre des droits de l’homme et de la mémoire démocratique, Dolores Delgado (socialiste, ministre de la Justice entre 2018 et 2020 lors du 1er gouvernement Sánchez), l’ouverture de l’enquête par le parquet général s’appuie notamment sur la nécessité de respecter les obligations de l’Etat espagnol de soutenir et contribuer aux procédures menées par des instances judiciaires internationales telles que la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale.

Tout en assurant qu’il existerait des preuves de « victimes espagnoles » dans la bande de Gaza, Dolores Delgado a rappelé que son pays n’était pas en mesure d’« accuser (Benyamin) Netanyahou », mais qu’il pouvait « rechercher des indices et des preuves de la commission éventuelle d’un génocide » et « rassembler les faits et conserver ces éléments de preuve », pour les transmettre ensuite à la CPI.

« Raisonnable » et « nécessaire » d’enquêter face au « génocide » et à la « barbarie » : ministre de l’Intérieur

En tant qu’État partie à la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du génocide, l’Espagne a décidé d’intervenir officiellement en juin 2024 dans le cadre la plainte déposée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice et dans laquelle Israël est accusé de commettre un « génocide » dans la bande de Gaza.

Alors que la CPI a émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, soupçonnés de crimes contre l’humanité et crimes de guerre (à cette hauteur de la procédure aucun des deux n’est pour le moment inculpé), les éléments recueillis par l’enquête espagnole pourraient, selon le procureur général de ce pays, servir comme « preuves à charge des crimes commis ».

Quelques heures après l’annonce du parquet général, le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, a soutenu l’action de la justice espagnole en estimant « raisonnable » et « nécessaire » d’enquêter sur les crimes commis à Gaza face au « génocide » et à la « barbarie » dont est victime sa population.

Même le roi dénonce « la souffrance indicible de centaines de milliers d’innocents »

Le chef de l’Intérieur subira-t-il le même sort que ses collègues Yolanda Diaz et Sira Rego (retrouvez la participation de Sira Rego à l’évènement « Palestine : comment stopper le génocide et la colonisation ? » organisé ce vendredi 12 septembre à l’Agora de la Fête de l’Humanité) ? Il y a dix jours, les ministres espagnoles du Travail et de la Jeunesse et de l’Enfance avaient été interdites d’entrée en Israël après avoir chaudement applaudi une série de neuf nouvelles mesures mises en place par leur gouvernement pour « mettre fin au génocide à Gaza ».

Avec cette prise de position de sa justice, l’Espagne – où la solidarité avec la Palestine est très présente au sein de la société – montre une nouvelle fois le rôle qu’elle entend jouer dans la dénonciation des crimes menés par Israël dans le territoire palestinien.

Dimanche, l’étape finale de la Vuelta cycliste en Espagne avait été annulée en raison de manifestations propalestiniennes qui ont rassemblé 100 000 personnes dans les rues de la capitale. Le Premier ministre Pedro Sánchez avait réagi en exprimant sa « profonde admiration » pour les manifestants, suggérant aussi d’exclure Israël des compétitions sportives. Mardi, c’est le roi Felipe VI, qui ne s’exprime et ne prend position que très rarement sur des sujets d’actualité internationale, qui avait dénoncé depuis l’Égypte « la souffrance indicible de centaines de milliers d’innocents », une « crise humanitaire insupportable » et « la totale dévastation » de Gaza. Israël n’a plus d’ambassadeur en Espagne depuis 2024 ; Madrid a également rappelé son ambassadrice en Israël la semaine dernière.

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