Conflit entre la Ligue et DAZN, lignes de fractures entre les clubs… Ce qu’il faut savoir de la crise du football français

En pleine crise, le football français va se réunir le 3 mars au siège de la Fédération française de football à Paris. À l’initiative de Philippe Diallo, président de la FFF, seront réunis autour de la table les représentants de la Ligue de football professionnel (LFP), des clubs, le gendarme financier du football (DNCG) et le fonds d’investissement CVC à l’origine de la création de la société commerciale de la LFP. Au-delà de la situation financière préoccupante des clubs, le conflit qui s’envenime entre la Ligue et son diffuseur DAZN sera l’autre grand sujet à l’ordre du jour.

La semaine dernière, la LFP a assigné en référé la plateforme de streaming britannique devant le tribunal de commerce de Paris pour s’assurer du paiement d’une échéance financière (70 millions d’euros) due en février, dont DAZN menace de n’honorer que la moitié. La décision doit être rendue le 28 février. La meilleure défense étant l’attaque, DAZN a riposté cette semaine en réclamant en justice 573 millions d’euros à la LFP pour « tromperie sur la marchandise » et « manquement observé ». Le diffuseur se plaint depuis plusieurs semaines des conditions d’exploitation difficiles liées au piratage et du manque de coopération de certains clubs pour mettre en valeur le « produit Ligue 1 ».

La Ligue va puiser dans son fonds de réserve

Sept mois après avoir remporté l’appel d’offres pour retransmettre huit matchs de Ligue 1 pour la somme de 400 millions d’euros en moyenne par saison sur la période 2024-2029, DAZN compte à peine 500 000 abonnés. Or, le diffuseur a besoin de 1,5 million d’abonnés pour rentrer dans ses frais. Si ce nombre n’était pas atteint en décembre 2025, la plateforme dispose d’une clause pour dénoncer son contrat. Si ce cas de figure se présentait, ce retrait constituerait un nouveau cataclysme pour le football français, cinq ans après le fiasco de Mediapro et la défaillance du diffuseur sino-espagnol.

Le durcissement du bras de fer entre les deux parties s’inscrit dans un contexte de grande inquiétude des clubs professionnels pour leurs finances en raison de la baisse importante des droits télévisuels depuis l’été dernier (500 millions d’euros par saison, 400 millions apportés par DAZN et 100 millions par beIN Sports, au lieu du milliard espéré). En attendant, la Ligue a décidé, lundi 17 février, lors de son conseil d’administration, de puiser dans son fonds de réserve pour permettre aux clubs « de faire face à leurs besoins de trésorerie ».

Durant ce CA, le président de la LFP Vincent Labrune en a profité pour délivrer un message d’unité alors que les tensions sont très vives entre les présidents de Ligue 1 au sujet de la stratégie de la Ligue dans le dossier des droits télévisuels. Mercredi, des images et le verbatim d’une réunion clé pour l’attribution des droits télévisuels, l’été dernier, ont été révélés dans les médias, montrant les vives tensions entre le président du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, et certains autres présidents de clubs, dont Joseph Oughourlian (Lens) et John Textor, propriétaire de l’Olympique lyonnais. Très remontés contre Nasser Al-Khelaifi, par ailleurs patron de beIN Media Group, maison mère de beIN Sports, ils dénoncent un conflit d’intérêts à la Ligue.

« Les décisions avaient déjà été prises par un petit groupe »

Dans un entretien au journal l’Équipe, publié ce vendredi, l’actionnaire américain l’OL préconise la présence de chaque club de Ligue 1 au conseil d’administration de la LFP. Actuellement, seuls sept clubs de Ligue 1, ainsi que deux clubs de Ligue 2, siègent à cet organe décisionnaire. « J’ai siégé à de nombreux conseils d’administration, et des débats animés peuvent avoir lieu, mais je n’ai jamais vu un tel déséquilibre de pouvoir, où le résultat du dialogue est acquis d’avance », indique le patron de l’OL. Selon John Textor, « il était clair pour moi que les décisions avaient déjà été prises par un petit groupe de personnes, avant le début de l’appel ».

Aux yeux de M. Textor, Nasser Al-Khelaïfi, par ailleurs président de l’Association européenne des clubs (ECA), « est le banquier qui détient la monnaie des nominations politiques, et il sait comment la dépenser à bon escient ». Et de conclure : « La gouvernance de notre ligue doit changer, immédiatement, car chaque club de Ligue 1 devrait être représenté au conseil d’administration ».

Face à ces accusations, l’entourage du dirigeant qatari a réagi auprès de l’AFP : « Comme il est récurrent chez certains dans le football français, Nasser Al-Khelaïfi doit être blâmé pour absolument tout ce qui va mal, et tout ce qui va bien n’est dû qu’à un désir d’influence ou d’avantage personnel ». Selon cette source, qui souligne que l’accord sur les droits télévisuels a été approuvé à l’unanimité, « Ni beIN Sports ni Nasser Al-Khelaïfi n’ont poussé pour avoir les droits (…) et ils n’ont fini par faire une proposition que parce que tous les clubs et la ligue ont supplié beIN d’aider ».

Avant de partir, une dernière chose…

Contrairement à 90% des médias français aujourd’hui, l’Humanité ne dépend ni de grands groupes ni de milliardaires. Cela signifie que :

  • nous vous apportons des informations impartiales, sans compromis. Mais aussi que
  • nous n’avons pas les moyens financiers dont bénéficient les autres médias.

L’information indépendante et de qualité a un coût. Payez-le.
Je veux en savoir plus