« Ils prennent les Kanaks pour des terroristes » : un rapport confirme l’explosion des violences policières contre les populations civiles lors des révoltes de 2024
Les révoltes qui ont embrasé la Kanaky-Nouvelle-Calédonie durant le mois de mai 2024 ont fait l’objet d’une campagne politique criminalisant ses auteurs. Pourtant, les enquêtes qui ont suivi tendent à montrer que ce sont bien les autorités françaises qui ont été coupables des exactions. Ces dernières ont été documentées à l’occasion d’un rapport remis par le cabinet d’avocats Ancile au collectif Justice 13 mai – au sein duquel on retrouve nombre de mouvements et d’associations kanaks.
Dévoilée par le média indépendant Blast, samedi 10 mai, cette enquête démontre – au travers de nombreux témoignages de victimes des violences policières – que les autorités ont eu le champ libre pour « se faire » les militants indépendantistes, qu’ils soient kanaks comme océaniens. La première partie du rapport rend ainsi compte de la « répression policière à l’encontre des habitants des quartiers pauvres, au nord de Nouméa ». Surtout, cette enquête commandée par le collectif Justice 13 mai met le fruit de l’enquête en perspective avec la communication des autorités et du gouvernement.
« Au moins dix des victimes civiles sont Kanak »
Par exemple en juillet 2024, lorsque le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas, tenait à « une nouvelle fois démentir (des) allégations mensongères ou insinuations trompeuses », alors que « certains propos tenus publiquement ont pu faire état de la répression policière avec des forces de l’ordre qui arrivent et tirent sur les gens ». Le bilan humain des émeutes s’élève pourtant à treize morts par balle – douze civils et un gendarme, ainsi qu’un second gendarme décédé à la suite d’un tir accidentel -, au 10 mars 2025. « Au moins dix des victimes civiles sont Kanaks », révèle le rapport, alors que quatre victimes ont été dénombrées rien que sur une journée, le 15 mai 2024.
Le collectif et le cabinet d’avocats Ancile appuient leur travail de longue haleine avec une myriade de portraits des victimes. Jybril Salo, un Kanak âgé de 19 ans, a ainsi été « tué d’une balle dans le dos au niveau du rond-point de Tindu à Nouméa ». Le Haut-commissaire a pourtant annoncé, suite à sa mort, que le garçon avait été « victime d’un tir par balle, pas d’un tir de la police ou de gendarmerie, mais de quelqu’un qui a certainement voulu se défendre ».
Le sous-officier de gendarmerie Nicolas Molinari, âgé de 22 ans, a quant à lui « succombé de ses blessures après avoir été atteint à la tête par un tir d’arme à feu ». Il participait à une mission de maintien de l’ordre à La Coulée, dans le sud du Mont-Dore. Le général Mattheos aurait alors appelé Johan, « lui demandant de se rendre et l’accusant d’avoir « tué le gendarme, à La Coulée » ».
Ce dernier a affirmé aux enquêteurs qu’il a reconnu les « tirs sur Centaure », mais niait être derrière le meurtre du gendarme. Le 24 mai 2024, Daniel Tidjite, 48 ans, est tué « d’un tir à la poitrine à Dumbéa, à hauteur de barrages dressés à proximité du centre hospitalier ». Selon le procureur Yves Dupas, l’auteur présumé est un « policier qui n’était pas en service ».
La violence systématisée
Le dossier long de quatre-vingts pages rapporte ainsi que de « nombreux témoins Kanak ont exprimé leur ressenti vis-à-vis de l’attitude des forces de l’ordre, notamment la façon dont ils se sentent perçus ». Si « les autorités ont tenté de justifier ces drames » en affirmant lutter contre des « actions violentes de la part des jeunes », les contradictions révélées par le rapport laissent plutôt penser que les autorités ont systématisé leur violence.
« Il ressort des éléments et témoignages recueillis que ces derniers étaient ciblés et qu’ils semblent ne pas avoir été abattus lors d’accrochages mais délibérément, résume l’enquête. Notamment, des listes de personnes recherchées et une date de reddition ont été communiquées, renforçant l’idée qu’ils étaient tous les trois visés. »
Du manque d’enquêtes judiciaires à la possibilité de violences policières, les civils ont dû composer avec un danger constant. « Le témoin V33, membre du Conseil des Chefs des clans de la tribu de Saint-Louis, se sent traité « comme du bétail », résume le rapport. Le témoin V20 a le sentiment que les forces de l’ordre « prennent les Kanaks pour des terroristes ». »
Une répression constante qui ne s’est pas affaiblie depuis les révoltes de début 2024 : « C’est comme si c’était normal, alors que pas du tout, raconte le témoin V30. C’est comme si… je suis chez moi, mais quand je sors dehors, on dirait […] que je rentre dans une prison ». Une prison à ciel ouvert.
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