« Avec l’État français, les déportations, pour nous ça continue » : pourquoi il faut libérer les prisonniers kanak détenus en métropole depuis 10 mois
Dix mois derrière les barreaux. Dix mois à l’isolement parfois, déportés à 17 000 kilomètres de chez eux, éparpillés dans des prisons françaises, à Riom, Mulhouse ou Bourges. Ce 7 avril, à la bourse du travail de Paris, le collectif Solidarité Kanaky lançait une campagne de mobilisation pour la libération des sept prisonniers politiques.
Pour l’occasion, le collectif a réuni des membres des familles des détenus, des militants du FLNKS et de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), des avocats et des élus, comme Robert Xowie, sénateur indépendantiste du territoire, qui siège au sein du groupe CRCE-K (Communiste, républicain, citoyen et écologiste-Kanaky).
Depuis les révoltes qui ont éclaté le 13 mai 2024 en Kanaky – Nouvelle-Calédonie, sept prévenus sont toujours inculpés, deux étant désormais placés sous contrôle judiciaire. Mais tous en métropole, malgré les règles européennes sur la détention. « On sait que les déportations ne sont plus d’actualité, c’est même interdit, mais par contre, avec l’État français, pour nous ça continue », a pointé ce lundi soir Désiré Tein, le frère de Christian, leader du FLNKS et de la CCAT, placé à l’isolement à la prison de Lutterbach (Haut-Rhin).
« Tout avait été organisé à l’avance pour une déportation : les avions étaient prêts »
À la tribune, il a rappelé l’historique des mobilisations organisées par la CCAT contre le projet colonial de dégel du corps électoral, avec en point d’orgue, la grande manifestation du 8 mai 2024 à l’Anse-Vata, un quartier riche de Nouméa, où 80 000 personnes étaient venues s’opposer au texte que le gouvernement voulait faire passer en force à l’Assemblée nationale. « Nous avons fait tout cela pacifiquement, sans jamais un ordre de violence. Mais nous n’avons pas été pris en compte dans notre propre pays. Le 13 mai, c’était la révolte, à laquelle ils ont répondu par la répression et la déportation. » À ces militants politiques incarcérés s’ajoutent 70 autres de droit commun, eux aussi transférés en métropole, 3 000 arrestations et 13 morts, dont trois au moins ont été abattus par le GIGN.
Maître Martin Calmet, avocat à Nouméa et défenseur de trois des prévenus, a évoqué le volet judiciaire. « Tout avait été organisé à l’avance pour une déportation : les avions étaient prêts. » Au niveau juridique, les chefs d’accusation ont été sélectionnés pour permettre cette répression. « Ils ont été mis en cause pour complicité de tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique, puis ces charges ont été vite abandonnées. Le voyage a été terrible : trois jours et 24 heures d’avion menottés, avec des violences psychologiques. »
Wamandki Ipeze, le mari de Brenda Wanabo-Ipeze, l’une des prévenues, a raconté l’arrestation, « le 19 juin, quand ils ont débarqué au matin, cassé les portes pour arrêter mon épouse, que j’ai vue partir avec 40 membres du GIGN. »
Un témoignage poignant, comme celui d’Olga Nassele, la compagne de Christian Tein. Les larmes aux yeux, elle a évoqué « cette situation anormale qu’il ne faut surtout pas accepter. Ceux qui veulent nous détruire n’y arriveront pas, car notre situation est celle d’un peuple qui lutte pour sa liberté ». Une marche est prévue le 10 mai, à Paris.
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