En Bosnie-Herzégovine, l’ancien président Milorad Dodik refuse de quitter le pouvoir

Au sein de la République fédérale de Bosnie-Herzégovine, le bras de fer lancé par l’ancien président de la République serbe de Bosnie (la Republika Srpska, RS) Milorad Dodik plonge l’entité serbe dans une crise politique majeure. La cour d’appel à Sarajevo, saisie par l’avocat de l’ancien dirigeant, a confirmé lundi la décision formelle de la commission électorale bosnienne de le déchoir de son mandat.

Le 1er août, elle avait condamné Milorad Dodik pour avoir refusé d’appliquer les décisions rendues en 2023 par le haut représentant en Bosnie-Herzégovine, Christian Schmidt, à un an de prison et à six ans d’inéligibilité. Au sortir de la guerre (1992-1995), ce dernier est chargé de faire respecter les accords de Dayton signés il y a près de trente ans.

Cette décision de justice doit amener la commission électorale à convoquer des élections anticipées d’ici quatre-vingt-dix jours, pour élire un nouveau président de l’entité qui exercera son mandat jusqu’aux élections générales prévues en octobre 2026. Le dirigeant déchu de 66 ans refuse se soumettre à ce jugement.

« Je ne le respecterai pas. Je respecte la volonté du peuple. Vous avez été arrogant, et vous vous attendez à ce que je sois soumis. Je ne le serai pas. Je suis le président de la Republika Srpska, et vous pouvez écrire ce que vous voulez. J’ai été élu par le peuple, je ne serai pas remplacé par un gouvernement étranger », a-t-il déclaré sur X.

« Il n’y aura pas d’élection présidentielle »

Afin d’éviter de purger sa peine de prison, Milorad Dodik l’a converti en jours-amendes en payant environ 18 000 euros, mais conteste la légalité de la décision judiciaire. Il a déjà promis d’empêcher la tenue d’une présidentielle sur le territoire serbe. « Il n’y aura pas d’élection présidentielle en Republika Srpska, de quelque manière que ce soit, et toute tentative sera empêchée. Nous n’attendons aucune intervention extérieure et nous nous y opposerons », a-t-il lancé.

Après avoir également déposé plusieurs recours devant différents tribunaux, l’ancien président, qui a dirigé sans discontinuer l’entité serbe depuis 2006, a également annoncé la tenue d’un référendum d’ici à fin septembre sur sa politique et s’il devait ou non se retirer. « Nous demandons le respect et la liberté, qui passeront par le référendum. Tel est notre message : ramenez-nous à l’accord de paix de Dayton. Nous donnerons notre avis lors du référendum prévu fin septembre », a-t-il déclaré.

Une initiative jugée anticonstitutionnelle, car les deux entités de la République fédérale – la République serbe de Bosnie et la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine – ne disposent pas des compétences pour organiser un tel vote, qui relèvent de l’État central.

Interrogée par le site European Western Balkans, la directrice du bureau de la Fondation Friedrich Ebert à Banja Luka, Tanja Topic, convient que « la marge de manœuvre de Milorad Dodik est considérablement réduite (…). Plusieurs problèmes se posent concernant un référendum : d’une part, celui-ci ne serait pas juridiquement contraignant, mais constituerait simplement une sorte de sondage ».

« D’autre part, les citoyens ne peuvent pas, par leur opinion, abolir le jugement définitif. Quiconque pense que cela est possible induit les citoyens en erreur et détruit l’État de droit déjà fragile », conclut-elle.

Dans son combat pour assurer sa survie politique, Milorad Dodik ne s’arrête pas là. Il a annoncé une série de référendums dont l’un porterait sur « la sortie de la Republika Srpska de l’emprise mortelle de la Bosnie-Herzégovine ». Par ailleurs, le Premier ministre, Radovan Viskovic, en poste depuis 2018, a présenté sa démission, le 18 août, lors d’une conférence de presse depuis la ville de Banja Luka, la capitale de la Republika Srpska.

Aux côtés de l’ancien président, il a expliqué que son départ était sa « contribution » à la mise en place d’« un consensus plus large en RS ». Visé depuis 2023 par des sanctions américaines pour avoir sapé l’accord de paix de Dayton, Radovan Viskovic a appelé à la formation d’un gouvernement d’« union nationale ». Les partis d’opposition ont pour l’instant refusé ce coup de force.

Une partie de l’opinion qui soutenait Dodik ne semble pas prête à tomber dans le piège de l’ancien président.

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