Des médicaments contre les affections cardiaques en rupture de stock
Voilà deux mois que Sabine Guérin ne parvient plus à trouver du Repatha, produit par le laboratoire américain Amgen. « J’ai parcouru de nombreuses pharmacies dans les alentours de Carcassonne, j’ai même contacté des officines à Marseille, mais je n’ai rien trouvé », se désespère-t-elle.
Le Repatha, comme le Praluent mis sur le marché par le français Sanofi, est un médicament indiqué pour des patients ayant déjà subi un infarctus et dont le taux de mauvais cholestérol reste élevé. « Ils réduisent d’environ 60 % le cholestérol LCL et de 15 % le risque d’infarctus, c’est considérable en médecine », précise le professeur de cardiologie François Roubille. Problème : il n’existe aucune alternative à ces deux traitements et, l’un comme l’autre sont en situation de tension d’approvisionnement. « Nos patients ont peur et sont angoissés, ils témoignent d’un sentiment d’injustice, affirme le professeur François Roubille. En tant que cardiologue je leur explique que ces traitements sont réellement bénéfiques et, du jour au lendemain, ils n’y ont plus accès, c’est très anxiogène pour eux. Et très grave, car ces médicaments permettent d’éviter des morts. »
« Les laboratoires cherchent le profit financier au détriment des patients »
Âgée de 55 ans, Sabine Guérin est porteuse d’un diabète insulinorésistant depuis l’enfance. Aujourd’hui, huit stents lui ont déjà été posés pour maintenir ses artères ouvertes et « depuis trois ans, grâce au Repatha, je n’ai plus eu de problème cardiovasculaire majeur », précise-t-elle. « Cette situation est inadmissible, nous sommes des milliers dans mon cas, nous encourons des risques graves d’AVC ou d’incident cardiovasculaires », insiste la patiente aguerrie aux combats contre les géants de l’industrie du médicament.
Fondatrice du collectif des Diabétiques implantés, elle a mené la bataille contre Medtronic quand l’entreprise médicale a annoncé l’arrêt de fabrication des pompes à insuline implantables, et a remporté en partie ce bras de fer. Mais l’histoire se répète et Sabine Guérin doit encore partir au front pour dénoncer « le problème des laboratoires qui cherchent le profit financier au détriment des patients ».
Amgen a tenu à justifier cette situation de tension en éludant la question financière. Selon le laboratoire américain qui a répondu aux questions de l’Humanité : « Elle résulte d’une hausse exceptionnelle de la demande mondiale, particulièrement marquée en France. Elle est aggravée par la tension prolongée de Praluent (alirocumab), seule alternative sur le marché français, qu’Amgen a en partie suppléée avec Repatha (évolocumab) depuis près d’un an. » Sanofi pour sa part assume une conception marchande de la santé : « Il n’est plus économiquement viable de continuer à répondre à la hausse des demandes. Dans ce contexte, Sanofi se voit contraint de demander le déremboursement de Praluent en France. »
En moyenne 400 euros par mois
Un traitement par le Praluent et ou le Repatha coûte en moyenne 400 euros par mois. « Si demain ce n’est plus remboursé comment pourrons-nous nous soigner ? Ce sera impossible », conclut Sabine Guérin. Quant au cardiologue François Roubille, il constate les effets de ces tensions d’approvisionnement et le désengagement annoncé de Sanofi : « Certains de mes patients les plus aisés se fournissent déjà à l’étranger », souligne-t-il.
Pour la militante d’un marché de la santé au service du patient : « Un laboratoire français qui laisse tomber les patients français et vend aux pays les plus offrants, c’est inadmissible. » Elle tient à légitimer sa colère en rappelant quelques chiffres : « Sanofi se situe au sixième rang mondial des fabricants de médicaments, il a réalisé l’an dernier 43 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 5,4 milliards de bénéfices nets, soit plus de 10 % de marge nette. »
Pour sa part, Amgen assure à l’Humanité ne pas souhaiter se désengager du marché français : « Face au déremboursement annoncé de Praluent et aux risques supplémentaires que cette décision ferait peser sur le marché français, nous appelons à une mobilisation collective et à un dialogue constructif avec l’ensemble des parties prenantes – autorités, industriels, soignants et associations – pour mettre en place des solutions durables, au service des patients. » Si seul le fournisseur américain répond à la demande des patients français, cela signera encore une perte de souveraineté sanitaire, un enjeu amplement mis en avant après la pandémie de Covid.
Amgen précise qu’en France « entre 30 000 et 40 000 patients par an sont traités par Repatha ». Autant de vies qui sont en danger et de morts évitables.
Pétition en ligne sur change.org « Pénurie de Repatha et de Praluent : la vie de milliers de patients sacrifiée »
Urgence pour l’Humanité
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