Prix des médicaments : halte à la surenchère des Big Pharma

Dans une tribune publiée le 23 avril dans le Financial Times, les PDG de Sanofi et Novartis appellent l’Union européenne (UE) à relever les prix des médicaments innovants. Pour justifier leur position, ils dénoncent le « déclin de la compétitivité biopharmaceutique européenne », tout en vantant les politiques américaines, qu’ils présentent comme « propices à un accès large et rapide aux traitements ». Cette tribune s’inscrit dans le cadre d’une multiplication des actions de lobbying de l’industrie pharmaceutique à Bruxelles, alors que les négociations au Conseil de l’UE sur le « paquet pharmaceutique » (ou code européen du médicament) touchent à leur fin.

Derrière cette prise de position, ce ne sont pas les considérations de santé publique qui dominent, mais bien celles d’acteurs financiers avant tout soucieux de défendre une certaine idée du rendement. En 2024, Sanofi a réalisé un bénéfice net de 5,7 milliards d’euros. Novartis, de son côté, a enregistré un bénéfice net de 10,7 milliards d’euros. Des montants qui, dans un contexte où les systèmes publics peinent à financer les soins essentiels, suffisent à démasquer l’imposture. Ces profits, associés à des niveaux de rentabilité comparables à ceux de secteurs comme le luxe, sont aux antipodes de la prétendue crise de compétitivité de ces entreprises.

Aux États-Unis, le système de fixation des prix engendre de fortes inégalités d’accès aux traitements. Ainsi, en appelant à calquer les prix européens sur ceux pratiqués aux États-Unis, les deux dirigeants promeuvent une vision du médicament guidée moins par l’intérêt des patient·es que par les attentes des marchés financiers.

Le système américain de fixation des prix est profondément injuste. En 2024, près de 30 % des adultes déclarent avoir renoncé à un traitement prescrit en raison de son coût. Le coût élevé des médicaments entraîne aussi un endettement médical massif : une autre enquête de 2022 montrait que 41 % des adultes devaient rembourser une dette liée à des frais médicaux ou dentaires. En outre, ce système, marqué par l’absence d’encadrement public des prix, contribue à fausser les négociations en Europe ou ailleurs dans le monde, en imposant des références tarifaires artificiellement élevées.

Se posant en permanence comme victimes des régulations, les firmes pharmaceutiques imposent l’opacité sur l’ensemble du cycle de vie des produits médicaux – coûts de recherche et développement, investissements publics massifs et prix sciemment dissimulés – et en profitent pour imposer des tarifs sans réelle justification.

Les menaces de Sanofi et Novartis procèdent d’une stratégie bien rodée : agiter le spectre du décrochage industriel européen pour obtenir des avantages supplémentaires. Ces industriels instrumentalisent la guerre commerciale lancée par Donald Trump pour faire pression sur l’UE, ses États membres et ses habitants. Autrement dit, ces entreprises profitent sans scrupule d’une situation internationale inédite pour tenter de maximiser leurs profits.

Face à cela, il faut reprendre le pouvoir sur la politique du médicament. S’ils cèdent, les États européens perdront leur capacité à réguler le marché, à orienter des investissements vers les besoins de santé publique, et à garantir l’équité d’accès aux soins pour toutes et tous aujourd’hui et demain. La France, qui joue un rôle clé dans les négociations européennes, doit faire entendre une voix forte. Elle doit défendre les mesures de transparence comme fondement d’une politique du médicament plus juste. Elle doit affirmer que la santé n’est pas une marchandise. Il est temps d’imposer la transparence comme préalable indispensable à toute politique publique de soutien au secteur pharmaceutique.

Nous appelons le gouvernement français et l’UE à ne pas céder au chantage indécent de multinationales opportunistes. Face à la crise des systèmes de santé, les profits des grands laboratoires pharmaceutiques ne peuvent plus être la boussole de notre politique pharmaceutique. Notre santé, nos hôpitaux, nos solidarités requièrent un changement radical vis-à-vis de ces grands groupes.

Signataires :

Dominique Acker, Françoise Barré-Sinoussi, Marilène Bombardieri, François Bourdillon, Serge Breysse, Théau Brigand, Pascale Brudon, Gautier Centlivre, Jean-François Corty, Franck Desbordes, Sophie Elorri, David Fiant, André Grimaldi, Yann Huon de Kermadec, Louise Lassalle, Nathalie Mesny, Olivier Milleron, Françoise Nay, Charles-Olivier Pons, Frank Prouhet, Camille Spire, Nathalie Tehio, Gérard Raymond, Marie-Amandine Stevenin, Jean-Paul Vernant.

Dominique Acker, Françoise Barré-Sinoussi, Marilène Bombardieri, François Bourdillon, Serge Breysse, Théau Brigand, Pascale Brudon, Gautier Centlivre, Jean-François Corty, Franck Desbordes, Sophie Elorri, David Fiant, André Grimaldi, Yann Huon de Kermadec, Louise Lassalle, Nathalie Mesny, Olivier Milleron, Françoise Nay, Charles-Olivier Pons, Frank Prouhet, Camille Spire, Nathalie Tehio, Gérard Raymond, Marie-Amandine Stevenin, Jean-Paul Vernant.

Dominique Acker, Françoise Barré-Sinoussi, Marilène Bombardieri, François Bourdillon, Serge Breysse, Théau Brigand, Pascale Brudon, Gautier Centlivre, Jean-François Corty, Franck Desbordes, Sophie Elorri, David Fiant, André Grimaldi, Yann Huon de Kermadec, Louise Lassalle, Nathalie Mesny, Olivier Milleron, Françoise Nay, Charles-Olivier Pons, Frank Prouhet, Camille Spire, Nathalie Tehio, Gérard Raymond, Marie-Amandine Stevenin, Jean-Paul Vernant.

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