Cessez-le-feu au Liban entre Israël et le Hezbollah : de sa signature à sa prolongation, on vous résume les cinq étapes d'une trêve fragile
L'accord continue de tenir à un fil. Le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah au Liban a été prolongé de trois semaines, dans la nuit du dimanche 26 au lundi 27 janvier, deux mois après son entrée en vigueur. Une décision de dernière minute, l'armée israélienne n'ayant pas achevé le retrait de ses troupes du sud du pays auquel elle s'était engagée, et accusant l'armée libanaise de ne pas respecter d'autres termes de l'accord. Dimanche, des soldats israéliens avaient tiré sur des Libanais tentant de regagner des villages de la zone frontalière, faisant 22 morts. Cet épisode de tensions est loin d'être le premier depuis le début de cette trêve adoptée sous l'égide de la France et des Etats-Unis. Franceinfo fait le point sur ces deux mois durant lesquels l'accord a bien failli ne pas tenir.
1 Un accord fin novembre met fin à deux mois de guerre ouverte
L'accord conclu fin novembre visait à mettre fin à plus d'un an d'hostilités transfrontalières et deux mois de guerre ouverte entre l'armée israélienne et le Hezbollah, durant lesquels les dirigeants du mouvement libanais armé soutenu par l'Iran et lui-même soutien du Hamas ont été décimés. Selon les autorités libanaises, au moins 3 823 personnes ont été tuées dans le pays depuis octobre 2023, dont la plupart dans les semaines précédant la trêve. Les hostilités ont contraint 900 000 personnes à se déplacer au Liban, selon l'ONU. Côté israélien, 82 militaires et 47 civils ont été tués en 13 mois par des tirs du Hezbollah ou dans les affrontements avec le groupe libanais, selon les autorités israéliennes. Et 60 000 Israéliens ont dû quitter la zone frontalière du nord du pays du fait des frappes.
Un accord entre finalement en vigueur le 27 novembre au matin. Selon ses termes, l'armée israélienne dispose de 60 jours pour retirer progressivement les troupes qu'elle a déployées dans le sud du Liban fin septembre, parallèlement à des bombardements dans tout le pays. Le Hezbollah doit aussi quitter la zone du sud du Liban frontalière avec Israël, pour être remplacé par l'armée libanaise. La durée du cessez-le-feu dépendra "de ce qui se passera au Liban", assure alors le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, qui se réserve "une totale liberté d'action militaire" : "Si le Hezbollah viole l'accord et tente de se réarmer, nous attaquerons". Les Etats-Unis et la France s'engagent à veiller à ce que l'accord soit "mis en œuvre dans son intégralité".
2 Les frappes israéliennes se poursuivent, 24 heures après l'entrée en vigueur de l'accord
Dès le lendemain, un média officiel libanais rapporte que deux personnes ont été blessées dans des tirs israéliens dans un village du sud du Liban frontalier avec Israël. Vingt-quatre heures après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, l'armée libanaise accuse déjà l'Etat hébreu de l'avoir "violé à plusieurs reprises". Le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou menace en retour d'une "guerre intensive" en cas de violation de la trêve avec le Hezbollah.
Les jours suivants, l'armée israélienne poursuit ses frappes aériennes contre des positions du Hezbollah dans le sud du Liban, et, au sol, ses tirs contre des "terroristes". Elle annonce notamment avoir localisé un tunnel "contenant des armes". Des drones israéliens visent aussi un poste de l'armée libanaise dans l'est du pays début décembre, faisant un blessé.
L'agence officielle libanaise Ani accuse alors les forces israéliennes d'une "violation continue du cessez-le-feu", citant notamment des frappes sur les villages frontaliers. Le président du Parlement libanais, Nabih Berri, allié du Hezbollah pro-iranien, demande à la France et aux Etats-Unis de "contraindre Israël à arrêter ses violations et à se retirer" du territoire libanais. De son côté, l'Etat hébreu assure "faire respecter" la trêve, en réponse "aux violations du Hezbollah qui appellent une action immédiate".
3 Le Hezbollah revendique sa première attaque depuis la trêve
Le 2 décembre, le Hezbollah revendique avoir attaqué une position militaire israélienne, pour la première fois depuis l'entrée en vigueur de la trêve, en riposte aux "violations" du cessez-le-feu. Le ministre de la Défense israélien, Israël Katz, assure immédiatement que son pays répondra par une "riposte forte", tandis que le Premier ministre Benyamin Nétanyahou dénonce une "violation grave".
Le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot, insiste auprès de son homologue israélien sur "la nécessité que toutes les parties respectent le cessez-le-feu". De leur côté, les Etats-Unis assurent que "le cessez-le-feu tient" malgré les tirs. Et promettent d'examiner les allégations de violations dont Israël et le Hezbollah s'accusent mutuellement.
En représailles, Israël frappe le lendemain des villages du sud du Liban, tuant neuf personnes, selon le ministère libanais de la Santé. Il s'agit alors de l'attaque la plus meurtrière depuis l'entrée en vigueur de l'accord de trêve. Le gouvernement israélien menace par ailleurs, si la guerre reprend avec le Hezbollah, de pénétrer "plus en profondeur" au Liban qu'il l'avait fait avant la trêve. "Le cessez-le-feu tient bon", assure néanmoins une nouvelle fois le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken. La Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) appelle "tous les acteurs" à respecter l'accord.
4 Israël pressé de toutes parts de tenir ses engagements
Le 9 décembre, l'armée israélienne fait état de la mort de quatre de ses soldats dans le sud du Liban, les premières pertes annoncées dans ses rangs depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu. Pendant ce temps, Israël continue de mener des frappes, et ne semble pas avancer dans la tenue de son principal engagement : près d'un mois après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, le Premier ministre libanais appelle Paris et Washington à "faire pression" sur Israël pour "accélérer" le retrait de son armée du sud du Liban. "Le retard et les tergiversations (...) ne proviennent pas de l'armée libanaise, mais de la partie israélienne, qui traîne des pieds", estime-t-il.
Le lendemain, la Finul exhorte "instamment" l'armée israélienne à accélérer son départ. Quelques jours plus tard, elle se dit "préoccupée" par "la poursuite des destructions" attribuées aux troupes israéliennes dans le sud du Liban. L'armée libanaise estime de son côté qu'Israël poursuit sa "violation de l'accord de cessez-le-feu" et annonce avoir renforcé son déploiement dans plusieurs zones du sud du Liban où "les forces israéliennes ont pénétré".
Mi-janvier, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, se rend dans le sud du Liban et affirme que l'"occupation" par Israël de cette région et ses opérations militaires doivent "cesser". Egalement présent au Liban, Emmanuel Macron appelle à "accélérer" la mise en œuvre du cessez-le-feu à l'approche de la date butoir fixée par l'accord : "Il faut un retrait total des forces israéliennes, un monopole total de l'armée libanaise sur les armes."
Le Hezbollah accuse Israël de "centaines de violations" de l'accord, et avertit de nouveau qu'il pourrait "perdre patience". Tout juste nommé, le nouveau président libanais, Joseph Aoun, réclame réclame le retrait d'Israël "dans les délais fixés". Pendant ce temps, les Etats-Unis, l'Espagne et l'Union européenne annoncent des aides pour l'armée libanaise pour un montant total proche de 200 millions d'euros.
5 Le retrait israélien prolongé de trois semaines, des habitants tués dans le Sud
Vendredi 24 janvier, Israël fait savoir qu'"en accord avec les Etats-Unis", le retrait progressif de ses troupes du sud du Liban "se poursuivra" au-delà des 60 jours prévus par l'accord, un délai censé s'achever deux jours plus tard. L'armée israélienne a évacué toute la région côtière du sud du Liban, mais occupe encore des zones plus à l'est. Israël se justifie en accusant le gouvernement libanais de n'avoir pas "totalement" respecté ses engagements prévoyant son déploiement au sud du fleuve Litani pour forcer le Hezbollah à quitter cette zone. L'armée libanaise réagit le lendemain, accusant Israël de "tergiverser" et se disant "prête à poursuivre son déploiement dès que l'ennemi israélien se retirera".
Si Emmanuel Macron tente de peser, demandant à toutes les parties de l'accord d'honorer leurs engagements "dans les plus brefs délais", des soldats israéliens sont toujours déployés dans le sud du Liban quand le délai prend fin, dimanche 26 janvier. Malgré l'appel "à la prudence" de l'ONU, des centaines d'habitants de la région, déplacés par les combats, tentent de regagner leurs villages. Des membres de l'armée israélienne ouvrent le feu, tuant au total 22 personnes dont un soldat libanais, selon les autorités de Beyrouth.
Les tractations se poursuivent, et Emmanuel Macron demande à Benyamin Nétanyahou, dans un échange téléphonique, de "retirer ses forces encore présentes au Liban". Dans la soirée, la Maison Blanche annonce finalement que l'accord est prolongé jusqu'au 18 février, offrant un délai supplémentaire aux troupes israéliennes. Le gouvernement libanais confirme, et "réaffirme son engagement" à appliquer les décisions de novembre. Selon Washington, le Liban, Israël et les Etats-Unis "entameront également des négociations pour le retour des prisonniers libanais capturés après le 7 octobre 2023". Une issue diplomatique qui ne suffira pas forcément à faire revenir le calme : lundi, des soldats israéliens ont à nouveau ouvert le feu dans le sud du Liban, tuant au moins une personne selon le ministère de la Santé libanais.