Euro 2025 : la belle "histoire de famille" de Justine Lerond, troisième gardienne de l'équipe de France de football

Le football chez les Lerond, c'est une histoire de famille. Une famille qui vit au rythme des matchs depuis quasiment 20 ans. "Ce n'était absolument pas prévu", se rappelle le papa de Justine, Etienne Lerond, quand il voit sa fille désormais avec le maillot frappé du coq sur le dos. "Elle est arrivée de manière détournée au football. Justine a fait une première tentative avec l'école de foot du village. Il fallait courir, ce n'était pas son truc. Sa grande sœur Pauline a continué à jouer et ça marchait pas mal, elle marquait des buts. Justine s'est dit 'pourquoi pas moi'. Elle est revenue mais elle a décidé dès le premier jour d’aller dans les buts, on ne pouvait pas l'en empêcher, c'était le but et rien d’autre."

Dans son petit club de Moselle, Justine et Pauline Lerond se prennent de passion pour le foot et embarquent avec elles leur père, mais aussi leur mère, malgré quelques réticences. "Cela a été un peu dur au début, car moi je suis une 'vraie femme', dit en riant Sandrine, la mère de Justine et Pauline Lerond. J'aime la danse, le maquillage, les tenues, les choses comme ça". "Je m'attendais plus à d'autres choix. J'ai eu du mal : deux filles qui jouent au football, c'est beaucoup de temps passé sur les terrains avec le papa. J'ai essayé de faire ma petite place, de prendre tout ce qu'il y avait à prendre, en étant présente pour elles deux, et ça s'est plutôt bien goupillé."

Gardienne de but, du stress pour les parents

Le poste de Justine, gardienne de but, rime avec blessures. "Cela veut dire aussi beaucoup de stress, d'angoisse, à s'inquiéter quand elle joue. Mais après, on se laisse embarquer par le jeu, par l'ambiance, c'est toujours très festif,  on rencontre de belles personnes sur les terrains, souligne Sandrine Lerond. Il y a toujours du stress pour la maman mais aussi pour le papa qui a fait beaucoup d’allers-retours aux urgences." 

"Je pense qu'avec le dossier qu'on avait aux urgences dans l'hôpital pas très loin de notre village, les services sociaux ont dû s'inquiéter quand même ! Entre les petites fractures, les coups reçus, c'était un peu compliqué."

Etienne Lerond

à franceinfo

Un accompagnement sans faille pour deux filles douées. Pauline, la plus grande, évolue jusqu'en deuxième division, au FC Metz. Quant à Justine, dès son plus jeune âge elle est sollicitée pour intégrer des pôles espoirs. "Au départ, c’était surtout prendre du plaisir sur le terrain, que ce soit pour l'une ou pour l'autre, puis les choses sérieuses ont commencé par les sélections régionales et départementales, détaille Etienne Lerond. Le déclic a eu lieu lors de la Coupe nationale des moins de 15 ans. Justine est venue me voir pour me dire : 'Papa il m'arrive un truc de fou, Sandrine Roux (ancienne gardienne de l'équipe de France et DTN à l'époque à la FFF, ndlr) et l'entraîneur des gardiens sont venus me voir pour me dire que je pouvais rentrer au pôle Espoir.' Là on s'est dit que, peut-être, ça allait devenir sérieux. Le passage au professionnalisme, on ne l'avait jamais vraiment envisagé avant que cela ne se concrétise. Ce sont des sacrifices pour les filles elles-mêmes, la séparation avec la famille."

Ce départ à 15 ans au pôle Espoirs est vécu comme un déchirement par les parents. "On s'est posé beaucoup de questions, ils étaient venus nous rencontrer un an auparavant, on trouvait que c'était trop tôt", se souvient Sandrine, la mère de Justine. "Il y avait un doux mélange de fierté, et de tristesse, je ne vous raconte pas le nombre de fois qu'on est repartis de la gare de Metz le dimanche soir en pleurant, Etienne et moi, dans la voiture. Mais on était heureux pour elle, elle allait vers son rêve."

"Une grande fierté" pour les parents Lerond

Pauline Lerond a bifurqué, restant dans le milieu de football, mais de l'autre côté de la barrière : dans l'administratif. Justine, elle, a pris son envol sportif. Au FC Metz puis chez les Girondins de Bordeaux. La joueuse de 25 évolue désormais au Montpellier Hérault football club. Etienne, professeur d’anglais, et Sandrine, conseillère technique en intervention sociale pour le département de la Moselle, suivent les pas de leur fille, déjà présente dans la liste des Bleues en 2022 pour l'Euro en Angleterre.

Trois ans plus tard, la voici aussi du voyage en Suisse avec la sélection tricolore. "Faire partie des 23 joueuses sélectionnées par M.Bonadei, c'est une grande fierté avant tout", glisse avec pudeur Etienne Lerond. "C'est beaucoup de fierté et aussi beaucoup de tendresse pour ma fille, de la voir évoluer, atteindre ce niveau, de la voir un peu comme un poisson dans l'eau dans son équipe, heureuse, ça fait du bien en tant que maman", ajoute Sandrine Lerond.

Ce suivi lors des grandes compétitions est nécessaire, selon ses parents : "Elle a aussi besoin de notre présence. Du fait des changements de clubs, on ne se voit pas tellement. Ça fait du bien, c'est l'occasion de se rapprocher physiquement. Et nous, ça nous fait plaisir d'être là, d'assister aux bons et aux mauvais moments", analyse Etienne Lerond.

"Il ne faut pas sous-estimer la présence de sa sœur dans sa vie, le soutien qu’elle a pu lui apporter, qui a toujours été là pour elle. Je pense que c'est une histoire de famille."

Sandrine Lerond

à franceinfo

Regroupement familiale à Bâle

Clin d'œil du destin : la famille Lerond va vivre un moment très particulier, dimanche à l'occasion du match entre la France et les Pays-Bas. "Justine sera en équipe de France,  Pauline, sa grande sœur, sera en charge de l’organisation du match", annonce, pas peu fier, leur père. "Dans les vestiaires, au moment où elles vont se croiser, ce sera dur de ne pas se faire de câlin car il y a un protocole (rires). C'est vrai que c'est particulier. C'est le hasard complet, c'est vrai que c'est inattendu, quand on a deux filles, de les retrouver dans le monde du foot, c'est spécial."

La principale intéressée essaye de relativiser ce moment. "Ma grande sœur sera là, et je vais complètement la voir, mais je pense que chacune va rester dans son rôle. Cela ne change rien pour moi, même si à la fin de la rencontre je vais forcément la voir."

"C'est un peu lunaire, mais c'est beaucoup joie de les retrouver, chacune dans son domaine de compétence, avec beaucoup de confiance dans l'une et dans l'autre. Ce sont des moments précieux qui restent gravés", conclut, des étoiles plein les yeux, Sandrine Lerond qui ne s'attendait certainement pas à passer de la rambarde des terrains de Moselle à la tribune du stade du Parc Saint-Jacques et ses 38 000 places. D'ailleurs, en cas de qualification et de première place du groupe D, l'équipe de France disputera son quart de finale à Bâle. Pour le plus grand plaisir de la famille Lerond.