REPORTAGE. "Je ne réalise pas ce qu'il se passe" : le choc de ces Israéliens réfugiés dans des abris, qui attendent avec angoisse le passage des missiles iraniens
À chaque salve de missiles lancée par l'Iran, le hurlement des sirènes d'alerte rythme les nuits des Israéliens. "Nous avons des notifications, dix minutes avant. On vient d'en recevoir une, on doit se rapprocher de l'abri…", raconte Elon, qui est réceptionniste dans un petit hôtel de Jaffa, au sud de Tel-Aviv. Il nous guide jusqu'à l'abri, en sous-sol. La pièce est étroite, fermée par une porte anti-explosion.
"Je suis les nouvelles sur Telegram et nous n'allons probablement pas dormir cette nuit…", glisse-t-il aux clients de l'hôtel et les voisins de l'établissement, soit une quinzaine de personnes au total réfugiées dans l'abri. "J'ai couru jusqu'ici, raconte une femme. Quelqu'un m'a parlé de cet abri et c'est le meilleur des abris, en sous-sol. C'est la première et la meilleure des options si vous le pouvez".
Vers 3 heures du matin, de violentes frappes résonnent dans la cage d'escalier : un missile est tombé à 4 kilomètres. "Je l'ai entendu et ressenti ! Je pensais que c'était juste à côté... Finalement c'était un peu plus loin, mais je l'ai senti !", tremble une voisine.
"Vous ne pouvez pas rester dans les abris en permanence"
Une demi-heure plus tard, l'alerte est levée. Chacun va tenter de trouver le sommeil. Aux premières lueurs du jour, Tel-Aviv est presque silencieuse, encore groggy des frappes de la nuit. Habituellement si animées en ce premier jour de semaine, les rues sont aujourd'hui quasi désertes. "Les gens ne sortent pas tellement. Il y a quelques personnes, mais pas autant que d'habitude", décrit Ethan, qui boit son café sur l'une des rares terrasses ouvertes. Avant de préciser : "Tous les enfants sont à la maison, car il n'y a pas d'école ou de crèches".
Sortis des sous-sols, des habitants viennent reprendre leur souffle sur la corniche. Ils contemplent les vagues, le bleu de la mer Méditerranée. "Vous ne pouvez pas rester dans les abris en permanence. C'est trop dur pour l'esprit, vous savez…", glisse un homme. "On est venus pour se remettre de la nuit très difficile. C'était vraiment terrible, j'ai des enfants en bas âge… Heureusement nous avons un abri près de la maison", glisse une passante. Son mari, lui, songe aux jours à venir : "On sait que ça va durer, mais on est sûrs de gagner. À mon avis, ça va durer quelques mois…"
À Rishon LeZion, au sud de Tel-Aviv, les habitants d'un quartier résidentiel ont été durement touchés par une frappe. Pendant que des ouvriers réparent ce qui peut l'être, Yovan vient aider sa mère à emporter quelques affaires : "Je ne réalise pas ce qu'il se passe, je ne sais pas si je le réaliserai un jour… Ma mère aurait pu mourir entre les murs de sa cave, mais, enfin… On doit aider quiconque en a besoin".
"Cette guerre n'était pas nécessaire"
Un hélicoptère militaire qui patrouille le long de la côte fait lever les têtes. Karim l'observe : "C'est juste pour la protection, pas pour les frappes. Je ne soutiens pas cette guerre, de toute façon je suis perdant, je suis Palestinien, musulman... Personne ne se préoccupe de moi", souffle-t-il.
Des paroles qui résonnent avec celles d'Alex. Il a survécu à l'une des attaques sur le quartier ultraorthodoxe de Bnei Brak, durant la nuit de dimanche à lundi. Son appartement a été soufflé au milieu de la nuit : "C'était à 3h du matin. Je me suis réveillé parce qu'un éclat a brisé le verre des fenêtres et est entré. Tout le bâtiment a tremblé. L'explosion a été puissante. L'Iran ne devait pas frapper Issraël. Ce n'était pas dans leur plan. Israël a frappé le premier. Et maintenant, les deux puissances se répondent. Il va y avoir encore plus de dégâts, encore plus de morts... C'est terrible. Cette guerre n'était pas nécessaire".
Des paroles rares dans une population qui vit, depuis trois jours, au rythme des alertes, sous la menace des missiles balistiques iraniens, mais qui soutient pourtant, dans sa grande majorité, l'action de son gouvernement.