ENTRETIEN. Coupe du monde des clubs : "Le mois de juin devrait être le moment de récupération", alerte le directeur médical d'un syndicat de joueurs
La question a été soulevée tout le long du tournoi : la Coupe du monde des clubs est-elle la compétition de trop ? Dernier exemple, les joueurs du Paris Saint-Germain ont semblé dépassés physiquement par ceux de Chelsea lors de la finale, perdue largement 3 buts à 0, dimanche 13 juillet. Rien d'étonnant quand on sait qu'il s'agissait du dernier match d'une saison commencée il y a onze mois. Il s'agissait du 65e match pour le club de la capitale, et beaucoup plus pour certains joueurs qui cumulent aussi les rencontres en équipe nationale.
Si cela ne suffit pas à expliquer la déroute face aux Blues de Chelsea, qui ont aussi beaucoup joué, l'enchaînement intensif des matchs au cours d'une même saison soulève des inquiétudes quant à la santé des joueurs. L'ancien footballeur professionnel Vincent Gouttebarge, aujourd'hui directeur médical à la Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels (Fifpro) et professeur adjoint à l'UMC d'Amsterdam, nous éclaire sur les conséquences possibles de ce rythme effréné imposé aux footballeurs.
franceinfo : Cette saison est-elle exceptionnelle d'un point vu du nombre de matchs joués pour les joueurs ?
Vincent Gouttebarge : Je ne pense pas que cette saison a été exceptionnelle, mais elle confirme la tendance des dernières années. Un tournoi sur un autre continent se déroule avec notamment une préparation relativement courte après une longue saison en club où les compétitions nationales et européennes s'enchaînent, et pour certains joueurs des matchs en équipe nationale s'ajoutent.
Le mois de juin est de plus en plus chargé avec des matchs en club ou en équipe nationale, alors qu'il devrait être le moment de récupération et de régénération physique et mentale pour ces joueurs. Mais le nombre de matchs n'est qu'un des éléments importants à prendre en compte. Quand on parle du calendrier, il faut avoir une approche holistique et donc également considérer la durée des trêves hivernale et estivale, ainsi que le nombre de voyages longs sans "travel fatigue" ou avec plusieurs fuseaux horaires.
Quelles sont les conséquences directes pour la santé des joueurs ?
L'une des conséquences du calendrier de matchs chargé est l'accumulation de la fatigue et donc un risque élevé pour les blessures musculosquelettiques. Nous n'avons pas de données scientifiques au long terme, mais l'hypothèse logique est que cela va impacter négativement leur carrière avec un risque plus élevé de blessures ou une carrière plus courte. Surtout que le nombre de minutes joué par les jeunes joueurs [de moins de 20 ans] a presque doublé si on compare aux dernières générations [par exemple David Beckham vs. Jude Bellingham].
"Il y a des risques pour la santé mentale et cognitive pour les joueurs qui sont exposés chaque saison à un nombre de matchs élevé."
Vincent Gouttebarge, directeur médical à la Fifproà franceinfo
Une hypothèse supplémentaire est bien sûr l'accumulation de la fatigue mentale due aux pressions internes et externes, qui sont extrêmement significatives pour ces joueurs élites. Il ne faut pas seulement se concentrer sur la traditionnelle récupération et régénération physique et physiologique pendant une saison et entre deux saisons, mais aussi sur la récupération et régénération mentale, émotionnelle et cognitive.
Les annonces de la Fifa, sur 72 heures de repos entre chaque match ainsi que d'une période de repos-vacances de 21 jours minimum à la fin de chaque saison, vont-elles assez loin ?
Ces récentes annonces de la Fifa sont liées seulement à deux éléments importants pour la charge de travail. Il y en a d'autres tout aussi essentiels, comme la Fifpro l'a souligné récemment dans un dernier rapport scientifique, avec notamment une prise en compte obligatoire de la charge de voyage dans la programmation. Ou encore les périodes de repos après les vols long-courriers et des garanties spécifiques en matière de charge de travail pour les joueurs âgés de moins de 18 ans.
Nous préconisons aussi de mettre en place des pauses obligatoires de quatre semaines hors saison, dont deux sans aucun engagement et des pauses obligatoires à la mi-saison. Il y a aussi les protocoles de réentraînement d'au moins quatre semaines après les pauses d'intersaison, avant que les joueurs ne reprennent la compétition. Il nous reste donc encore beaucoup à faire sur ce sujet.