REPORTAGE. "On est en train de nous chasser du pays" : la diaspora haïtienne aux Etats-Unis s'indigne du "travel ban" décrété par Donald Trump
Donald Trump a, par décret, fermé cette semaine la porte des Etats-Unis aux ressortissants de 12 pays. Une interdiction d'entrée effective à partir du lundi 9 juin afin "de protéger" les Américains "des terroristes étrangers", a déclaré le président, qui récidive puisqu'il avait pris une décision similaire pendant son premier mandat.
Les pays concernés par ce "travel ban" sont notamment l'Afghanistan, la Birmanie, l'Iran, le Soudan, le Yémen, mais aussi Haïti. La diaspora haïtienne représente près de 900 000 personnes aux Etats-Unis, une communauté qui se sent pointée du doigt, notamment à Atlanta, en Géorgie. Ils sont nés là-bas, en Haïti, mais ils ont grandi et construit leur vie aux Etats-Unis : la double nationalité pour Nadia, 63 ans, et Jean-Marc, 51 ans.
La décision de Donald Trump n'a pas surpris ce dernier. "Ce n'est pas seulement le bannissement des Haïtiens, mais c'est le bannissement d'être humains", déplore Nadia. "Ceux qui veulent venir dans ce pays à la recherche de réconfort, de paix, pour travailler dur." Elle confie sa profonde tristesse, se rappelle de Duvalier, l'ancien dictateur haïtien. Elle pense à tous ces dictateurs dans le monde : "Je n'aurais jamais cru vivre aux Etats-Unis avec la crainte que cela se produise ici".
"Donnez-nous une chance"
Jean-Marc, lui n'a pas oublié que déjà, pendant la campagne présidentielle, Donald Trump prenait pour cible la communauté haïtienne, martelant cette fausse information, démentie officiellement, les migrants dans l'Ohio qui mangeraient des chats et des chiens. Jean-Marc s'inquiète surtout au contrecoup de telles déclarations et de ce choix d'interdire l'entrée des Etats-Unis aux Haïtiens. "Quand vous allez aux entretiens d'embauche, vous êtes celui qui n'obtient pas de travail, nous sommes ceux qui sont exclus de la société."
"Cette violence est toujours dirigée contre les minorités."
Jean-Marc, Haïtien à Atlantaà franceinfo
Devant une église d'Atlanta aux portes closes, se tient Kanon, 57 ans, agent de sécurité au sein de cette communauté évangélique. Ancien policier en Haïti, réfugié aux Etats-Unis depuis deux ans, il bénéficie du statut de protection temporaire. Quand on lui parle de Donald Trump, de ses déclarations : "Ça ne me fait pas du bien. On est en train de nous chasser du pays. Ce qu'on dit de l'Amérique, de l'ancienne Amérique, on n'est pas en train de le vivre." Que souhaite-t-il dire à Donald Trump ? "Donnez-nous une chance, aidez-nous !"
Les derniers mots sont pour Nadia, qui détourne le slogan de Donald Trump. Elle aimerait tant que "l'Amérique ne cherche pas à retrouver sa grandeur, non, il faut poursuivre sur la voie que nous avions empruntée pour faire de l'Amérique un grand pays".