Cessez-le-feu entre le Hamas et Israël : quels sont les besoins humanitaires à Gaza ?
"L'aide humanitaire doit inonder le plus rapidement possible le territoire", rappelait, jeudi sur franceinfo, Jean-François Corty, président de Médecins du monde. Dimanche 19 janvier, les premiers camions d'aide humanitaire sont entrés dans Gaza quelques minutes après le début du cessez-le-feu conclu entre Israël et le Hamas. La première phase de cet accord, conclu mercredi, prévoit, outre la libération d'otages israéliens contre des détenus palestiniens, l'augmentation de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza. Après quinze mois de guerre, le territoire palestinien, bombardé sans relâche par l'armée israélienne, est méconnaissable. Plus de 46 000 personnes, en majorité des civils, ont été tuées, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.
"Un cessez-le-feu est finalement entré en vigueur à Gaza à 11h15 aujourd'hui. Les premiers camions de ravitaillement ont commencé à entrer à peine 15 minutes plus tard", a assuré sur X Jonathan Whittall, responsable par intérim de l'agence des urgences humanitaires de l'ONU (Ocha) pour les territoires palestiniens occupés. "Un effort massif a été déployé ces derniers jours par les partenaires humanitaires pour charger et préparer la distribution d'une aide massive dans toute la bande de Gaza", a-t-il poursuivi. Les autorités égyptiennes ont précisé que l'accord prévoyait "l'entrée de 600 camions d'aide par jour". En comparaison, en novembre, seuls 65 camions d'aide entraient chaque jour, selon le décompte de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Franceinfo vous détaille les besoins immenses de la population gazaouie.
De l'eau potable et de la nourriture
Depuis des mois, les Nations unies mettent en garde contre la famine dans ce territoire pauvre et surpeuplé. "Pour avoir un sac de pain, ça peut prendre une journée entière, entre 8 et 10 heures", racontait à l'AFP début décembre Jamil Fayyad, qui a perdu sa sœur dans une bousculade devant une boulangerie de Deir el-Balah, dans le centre du territoire. La guerre a détruit la moitié du bâti, selon l'ONU, et le secteur de la production est quasi éteint. Des minoteries, des entrepôts de blé et des boulangeries industrielles ont été trop lourdement endommagés pour pouvoir fournir de la farine ou du pain.

Avec la trêve en vigueur, l'espoir est donc d'acheminer au plus vite davantage de nourriture et d'eau. "La production d'eau est réduite au quart de sa capacité habituelle", assure l'Unicef dans un communiqué. Le Programme alimentaire mondial a déclaré jeudi avoir suffisamment de nourriture pour un million de personnes, la bande de Gaza comptant 2,4 millions d'habitants.
"Nous allons pouvoir augmenter de manière massive l'approvisionnement alimentaire alors que l'on est quasiment au niveau de la famine, en particulier dans le Nord, qui est très touché", raconte à franceinfo Jean-Raphaël Poitou, responsable pour Action contre la faim au Moyen-Orient. L'ONG, qui dispose d'une cinquantaine de personnes sur place, espère négocier pour faire entrer plus de personnel sur le territoire. Les distributions de colis qui comportent des produits non périssables comme l'huile, la farine, le sucre ou les pois chiches vont donc pouvoir augmenter.
L'accès à des soins médicaux
Dans ce domaine aussi, les besoins sont énormes. Une grande partie des infrastructures de santé sont dans l'incapacité de fournir des soins. Selon l'OMS, un seul hôpital dans le nord de la bande de Gaza fonctionne partiellement, celui d'Al-Awda, régulièrement pris pour cible. Au moins 10 milliards de dollars devraient être nécessaires pour reconstruire le système de santé à Gaza au cours des prochaines années, a déclaré jeudi le responsable de l'OMS pour les territoires palestiniens, Rik Peeperkorn. "En outre, nous estimons que 12 000 patients en état critique doivent être évacués en rétablissant le corridor médical traditionnel vers Israël et la Cisjordanie, mais aussi vers l'Egypte, la Jordanie et ailleurs", a-t-il souligné, sans savoir si ce souhait allait pouvoir être exaucé. Les Emirats arabes unis ont déjà envoyé des fournitures médicales pour plus de 600 000 personnes qui sont en attente de distribution.
"Les hôpitaux sont par terre à Gaza, le système de soin est par terre. Cette trêve est une nouvelle étape, mais on est loin de la fin, on a beaucoup de travail", assure à franceinfo Helena Ranchal, directrice des opérations pour Médecins du monde. L'ONG, qui dispose d'une centaine de personnes sur place, négocie pour faire entrer prochainement un camion, rempli de matériel et de médicaments, dans le territoire palestinien. "On peut être ralentis par l'armée israélienne qui nous confisque les piquets pour les tentes, car elle considère que cela pourrait être utilisé dans le confit armé", détaille-t-elle. Médecins du monde, qui opère depuis la ville de Deir el-Balah, au centre de la bande de Gaza, où les réfugiés sont nombreux, espère pouvoir rayonner sur tout le territoire, et notamment dans le Nord.
Des abris et du carburant
La quasi-totalité des 2,4 millions d'habitants ont été déplacés au moins une fois. Dans les abris de fortune installés dans les écoles, les maisons bombardées et les cimetières, des centaines de milliers de personnes n'ont même pas de "bâches en plastique" pour se protéger des intempéries, a expliqué vendredi à l'AFP Gavin Kelleher, du Conseil norvégien pour les réfugiés (CNR).

Son organisation va se concentrer sur l'approvisionnement en "bâches, cordes et équipements pour boucher les trous" dans les abris. "Au moins jusqu'à ce que nous cessions de voir des enfants mourir d'hypothermie", a déclaré Gavin Kelleher depuis Gaza. La semaine dernière, le froid a tué au moins huit personnes – quatre nouveau-nés, trois nourrissons et un adulte – dans le centre et le sud de Gaza, selon un bilan du ministère de la Santé du Hamas repris par l'Organisation mondiale de la santé. Jean-François Corty, de Médecins du monde, espère, de son côté, faire entrer des "milliers de tentes", alors que 60% du bâti a été détruit, selon lui. Des vêtements chauds vont aussi être acheminés pour les équipes qui opèrent sous les tentes en plein hiver, précise Helena Ranchal.
Autre besoin majeur : le carburant pour se déplacer et faire fonctionner les hôpitaux. Le ministre des Affaires étrangères égyptien, Badr Abdelatty, a annoncé samedi que 50 camions de carburant devraient entrer dans la bande de Gaza chaque jour.