On célèbre, mercredi 3 septembre, les quatre-vingts ans de la victoire contre le fascisme, sur le front de l’Est notamment. Xi Jinping appelle à cette occasion à une « perspective historique juste ». Qu’entend-il par là ?
Nous publierons bientôt un texte qui démontre que, durant la Seconde Guerre mondiale, 80 % de la Wehrmacht furent défaits par l’Armée rouge. Du côté des pertes, si vous additionnez les morts soviétiques et chinois, vous arrivez presque à 50 millions !
Les chiffres en Europe occidentale en sont bien loin. Nous devons donc comprendre l’importance historique de cet immense sacrifice pour ces deux peuples. C’est ce que Xi Jinping entend par une perspective historique juste.
Comment expliquez-vous cette différence de vision ?
La réponse est le colonialisme. Il suffit de regarder l’Algérie, quand elle luttait pour son indépendance et que les autorités françaises lui ont dit : « Vous n’avez pas le droit de vous rebeller. »
L’avocat du FLN, Mohammed Bedjaoui, leur a répondu que, lorsque la France libre fut créée par de Gaulle, son avocat René Cassin invoqua 1789 pour justifier le droit de se rebeller contre l’occupation de l’Allemagne nazie.
Donc les Algériens ont fait de même ! C’est un bon exemple de colonialisme : ce qui est bon pour l’un ne l’est pas pour l’autre. En d’autres termes, pourquoi devrions-nous croire à la version occidentale de notre histoire ?
Il y avait un autre rendez-vous important cette semaine en Chine, avec le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Tianjin, qui a réuni de nombreux pays non membres. Voyez-vous cela comme une nouvelle étape dans le renforcement du Sud global ?
C’est la première fois en sept ans que le premier ministre indien s’est déplacé en Chine, ce qui est de loin le développement le plus crucial. Les deux pays en ont d’ailleurs profité pour convenir qu’ils n’étaient pas des rivaux mais des partenaires.
Cette formulation est très intéressante, puisqu’elle apaise les tensions de la dernière décennie entre l’Inde et la Chine. De plus, l’Inde a réaffirmé sa relation étroite avec la Russie, ce malgré les droits de douane de Trump, qui avaient pour but de découpler les deux pays.
Enfin, New Delhi, Pékin et Moscou et les autres ont validé la création de la Banque de développement de l’OCS, qui va venir compléter – ou concurrencer, ça dépend du point de vue – la Banque asiatique de développement, basée à Manille. L’OCS devient donc une plateforme eurasienne de développement, en plus d’être politique. Pour toutes ces raisons, je pense que le sommet de Tianjin était la réunion la plus importante de l’année.
« Les pays du Nord global gâchent leurs ressources pour la guerre et le capital »
Face aux puissances du Sud, que penser de la stratégie de Donald Trump ?
Depuis les années 1970 peut-être, et certainement depuis la chute de l’URSS, la politique étrangère états-unienne a été conduite par une vision idéaliste. C’est-à-dire que les dirigeants ont cru pouvoir utiliser toute leur puissance, militaire comprise, pour changer le monde.
Par exemple, George W. Bush pensait pouvoir bombarder l’Irak ou renverser le gouvernement libyen pour en faire des démocraties. Dans un sens, l’administration Trump II est revenue à une vision plus réaliste de la politique étrangère dictée par les intérêts des États-Unis.
L’architecte de ce virage est Elbridge Colby, qui travaille au département de la Défense. En gros, il affirme que la Russie n’est plus une menace pour le pouvoir états-unien et que celui-ci doit désormais se concentrer sur la menace de la Chine et de sa croissance économique. Ce qui est, me semble-t-il, la stratégie globale de Donald Trump.
Le modèle de développement chinois peut-il être suivi par les pays du Sud, voire du Nord ?
Le modèle de développement chinois ne peut pas être vraiment suivi, puisqu’il est basé sur une révolution. Il est très difficile de reproduire ce que la Chine a fait en 1949, et même avant dans le Yunnan, c’est-à-dire une attaque des privilèges, de l’ancien pouvoir seigneurial notamment.
N’oubliez pas que l’Occident n’a pas abandonné son aristocratie, il l’a seulement transformée. Mais un aspect du développement économique chinois est de fait réplicable. C’est d’investir les capitaux dans l’industrie, les services publics, les infrastructures, etc.
Les investissements de la Chine dans ces secteurs sont incroyablement plus conséquents que ceux du Nord global, ça n’a rien à voir. Ces pays dilapident leurs ressources pour la guerre et le capital, engraissant les ploutocrates qui deviendront bientôt des billionnaires. C’est un tel gâchis.
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