Xi Jinping en Russie pour les 80 ans de la fin de la guerre : comment Moscou et Pékin se rapprochent encore
Nul doute que la Maison-Blanche aura un œil sur la place Rouge. Après avoir tordu le bras de nombreux États – alliés compris – en les menaçant de droits de douane, Donald Trump verra ce 9 mai Vladimir Poutine et Xi Jinping s’enlacer à l’occasion des 80 ans de la victoire soviétique contre l’Allemagne nazie.
Le président russe reçoit son homologue chinois pendant quatre jours pour des « communications stratégiques », selon le ministère chinois des Affaires étrangères. Lors de cette visite, les deux dirigeants pourraient encore approfondir leur partenariat, déjà solidifié depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la défiance américaine envers la Chine, désignée « principale menace » par l’administration Trump.
Le républicain essaie pourtant de s’inspirer de l’un de ses prédécesseurs, Richard Nixon, pour découpler Moscou de Pékin. Dans les années 1970, l’instigateur du Watergate profita de la détérioration des relations sino-soviétiques pour se rapprocher de Mao Zedong. Dans sa tentative d’être un « Nixon inversé », Donald Trump essaie au contraire de séduire la Russie, en lui donnant des gages, notamment sur le front ukrainien.
Un record de 240 milliards de dollars en 2024
Mais l’ours préfère suivre le dragon que l’aigle : si Vladimir Poutine dialogue avec le président états-unien, il sait que son mandat ne durera que quatre ans, au terme desquels le vent pourrait tourner. « La relation entre la Russie et la Chine durera aussi longtemps que vivront Vladimir Poutine et Xi Jinping », résume Emmanuel Lincot, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
Car, depuis l’invasion de l’Ukraine, la Russie doit compter sur ses partenaires indien et turc, mais encore plus largement sur son voisin chinois. Pour compenser la perte de ses exportations de pétrole et de gaz, parmi d’autres produits, vers l’Europe occidentale, Moscou ouvre depuis 2021 les vannes est-asiatiques. Les échanges entre les deux pays ont d’ailleurs atteint un record de 240 milliards de dollars en 2024, soit plus du double de l’année 2020 !
La Chine a massivement investi le marché russe, que ce soit dans le secteur de l’automobile ou dans celui de la téléphonie, et reste son indéboulonnable premier fournisseur. Sauf pour les armes, que Pékin s’interdit de livrer, privilégiant les « matériels à double usage » comme les drones ou les engins de chantier. La Russie utilise d’ailleurs le yuan, devenu la devise majoritaire à Moscou, et les banques du pays ont intégré le système de paiement chinois CIPS, après avoir été bannies de Swift, le système financier occidental.
Redéployer les canaux commerciaux chinois en Russie
Mais la dépendance ne va pas que dans un sens. Depuis la guerre douanière lancée par Donald Trump, Xi Jinping fait des pieds et des mains pour redéployer les canaux commerciaux chinois, indispensables à la croissance du pays d’un milliard et demi d’âmes.
Entouré par des dirigeants – japonais, indiens, sud-coréens, taïwanais – favorables à Washington, le secrétaire général du Parti communiste chinois sait qu’il ne peut pas se permettre d’être isolé en Asie, comme l’était l’URSS avant sa chute. Il prend donc soin d’une relation sino-russe qui a longtemps été mouvementée.
Moscou est enfin un allié diplomatique précieux que Pékin se doit de garder à ses côtés. Tous deux parmi les États fondateurs des Brics, Xi Jinping et Vladimir Poutine souhaitent ardemment remettre en question l’ordre mondial et ses institutions, et émanciper les pays du Sud global de l’hégémonie américaine – Pékin se gardant bien d’évoquer une hégémonie chinoise. Cette alliance est donc, de fait, une menace pour l’aigle états-unien, qui reste à l’affût.
Les ArcellorMittal, rédacteurs en chef d’un jour
« La France et l’Europe doivent négocier avec la Chine et la Russie »
« La visite de Xi Jinping en Russie démontre que les deux pays travaillent à un autre ordre mondial qui écarte l’Occident. Pékin et Moscou ont ciblé l’Afrique pour les matières premières. Ici, on voit arriver de l’acier d’Inde, du Brésil. Il y en a forcément de Chine. Ils vont faire comme pour les panneaux solaires en arrivant sur le marché européen avec des produits à moindre coût. Ensuite, ils ralentiront la production afin de jouer sur les prix, comme Mittal le pratique sur l’acier.
C’est regrettable que la France et l’Europe ne se mettent pas autour de la table avec ces deux puissances. Avec les droits de douane décrétés par Donald Trump, l’Inde, la Chine et d’autres vont mener une politique économique en conséquence. L’Europe, qui ne négocie rien, va être la grande perdante en se retrouvant à la remorque d’une guerre commerciale entre ses divers pays. Elle va subir une concurrence accrue. Nous devons mener de vraies négociations avec ces pays et plus largement avec le Sud global sur les questions industrielles, commerciales, climatiques, mais aussi de diplomatie. Nous ne parlons pas assez de paix. Alors que les conflits se poursuivent en Ukraine ou à Gaza. »
Par Christophe Delhelle, technicien d’exploitation four TTC
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