Turquie : le premier parti d'opposition convoque son grand rassemblement

Des rassemblements "tous les samedis dans une ville de Turquie" et les mercredis soirs à Istanbul. C'est l'appel lancé par Özgür Özel, chef du Parti républicain du peuple (CHP), devenu porte-voix de l'opposition dans le journal Le Monde. La foule doit se retrouver à 12 h 00 (9 h 00 GMT) sur la rive asiatique de la métropole stambouliote "pour poursuivre la marche vers le pouvoir".

Dès le début de la matinée, des ferries affrétés sur le Bosphore par le parti ont commencé d'emmener les participants munis du drapeau turc et de portraits de Mustafa Kemal Atatürk, le père de la nation, jusqu'au lieu du rassemblement.

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L'arrestation d'Ekrem Imamoglu le 19 mars a déclenché une vague de protestations inédite en plus d'une décennie à travers la Turquie, mobilisant des dizaines de milliers de manifestants chaque soir dans les rues. 

Depuis le 24 mars, le parti a cessé de convoquer la foule devant la municipalité, les rassemblements ont été interdits par les autorités. 

"Nous pensons que les arrestations vont diminuer à partir de maintenant", assure Özgür Özel. Le chef du parti kémaliste se dit néanmoins prêt à "prendre le risque de passer huit, dix ans en prison s'il le faut. Parce que si nous ne repoussons pas cette tentative de coup d'État il en sera fini des urnes".

Le CHP, première force d'opposition, s'apprêtait à investir Ekrem Imamoglu comme son candidat pour la prochaine élection présidentielle prévue en 2028 quand il a été arrêté le 19 mars et envoyé en prison cinq jours plus tard.

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511 étudiants arrêtés

Les jeunes et les étudiants surtout ont tenté de poursuivre la mobilisation mais la répression qui continue avec des arrestations, chez eux à l'aube, de manifestants, journalistes, avocats semble rebuter les plus déterminés.

Rien qu'à Istanbul, 511 étudiants avaient déjà été interpellés vendredi, dont 275 incarcérés, selon l'avocat Ferhat Güzel.

"Mais ce nombre est probablement beaucoup plus élevé", a-t-il affirmé à l'AFP.

Selon les dernières données officielles publiées jeudi, plus de 2 000 personnes ont été arrêtées dont 260 avaient été incarcérées.

Un manifestant arrêté par le personnel de sécurité dans un centre commercial lors d'un rassemblement de soutien au maire d'Istanbul, le 27 mars 2025 à Istanbul, en Turquie
Un manifestant arrêté par le personnel de sécurité dans un centre commercial lors d'un rassemblement de soutien au maire d'Istanbul, le 27 mars 2025 à Istanbul, en Turquie © Angelos TZORTZINIS / AFP

Vendredi 28 mars, le journaliste suédois Joakim Medin, interpellé jeudi à sa descente d'avion a été placé en détention dans une prison d'Istanbul, a indiqué le rédacteur en chef de son journal Dagens UTC.

Andreas Gustavsson a indiqué à l'AFP ne "pas avoir été informé des accusations qui le visent" mais selon les médias turcs le reporter est accusé d'avoir "insulté le président" turc Recep Tayyip Erdogan et d'être "membre d'une organisation terroriste armée".

"Je sais que ces accusations sont fausses, 100% fausses", a insisté Andreas Gustavsson sur son compte X.

"Le début d'un voyage"

Avant Joakim Medin, un reporter de la BBC, Mark Lowen a été expulsé "pour trouble à l'ordre public". Au moins douze journalistes turcs ont été arrêtés dans la semaine. La plupart ont été libérés, mais restent accusés d'avoir participé à des manifestations interdites qu'ils couvraient pour leur média, dont un photographe de l'AFP, Yasin Akgül, qui a dit craindre "une volonté d'empêcher les journalistes de faire leur travail".

L'avocat du maire d'Istanbul, Mehmet Pehlivan, a été "arrêté pour des motifs inventés de toutes pièces", selon Ekrem Imamoglu, puis remis en liberté dans la soirée.

Arrest and jailing of Istanbul's opposition mayor Ekrem Imamoglu
Arrest and jailing of Istanbul's opposition mayor Ekrem Imamoglu © Angelos TZORTZINIS / AFP

En ce début du long weekend de l'Aïd el Fitr, qui sera célébré dimanche pour marquer la fin du ramadan, le meeting du CHP aura valeur de test pour l'opposition alors que de nombreux stambouliotes auront quitté la ville pour se rendre dans leur famille.

D'autant que le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé cette semaine l'octroi de neuf jours de congés aux fonctionnaires et institutions publiques.

Selon le CHP, quinze millions de personnes, bien au-delà du parti, ont néanmoins participé à la primaire symbolique maintenue le jour même pour le soutenir.

"La candidature d'Ekrem Imamoglu c'est le début d'un voyage qui garantira la justice et la souveraineté de la nation", a lancé Özgür Özel sur X pour motiver les troupes.

(AFP)