« C’est tout le système de l’aide humanitaire qui est en péril », prévient l’ONG Plan International France après le gel des financements décrété par Trump

C’est une perte considérable dont les conséquences s’avèrent désastreuses, en particulier pour les droits des enfants, et notamment des filles dans le monde. Sous couvert d’une réévaluation des programmes humanitaires en place et d’une baisse drastique des dépenses, Donald Trump a ordonné par décret, le jour même de son investiture, la suspension de tous les programmes humanitaires pendant 90 jours, avant d’ordonner la fermeture de l’Agence USAID début février.

Si ces financements servaient régulièrement de moyen de pression sur les pays qui en bénéficient, leur gel laisse un vide colossal dans le budget mondial alloué à l’aide humanitaire, mettant en danger la vie de millions de personnes dans le monde. Lucie Dechifre, directrice des programmes de Plan International France, alerte sur les conséquences de cette décision en particulier sur les filles. L’ONG a déjà dû revoir, du fait de la suspension des aides états-uniennes, 13 de ses programmes dans 12 pays, notamment au Népal, en Jordanie, au Nigéria et au Mexique.

Que craignez-vous pour les bénéficiaires qui se retrouvent désormais privé.e.s de ces aides ?

Lucie Dechifre

Directrice des programmes de l’ONG Plan International France

Nous craignons qu’il y ait, comme dans toute crise humanitaire, un impact différencié et disproportionné sur les filles. Quand il n’y a pas de réponses à la hauteur des besoins, on constate un risque immédiat de recrudescence des violences sexistes et sexuelles.

Un projet au Népal qui soutient des actions de scolarisation a été suspendu. Sans ce projet, les filles qui ne vont pas à l’école sont exposées à du travail domestique, voire au mariage forcé, avec des répercussions à très long terme et immédiat.

À partir du moment où il y a un coup d’arrêt aussi violent et brutal, on sait que chaque avancée que l’on a réussi à obtenir sur les questions relatives à l’égalité homme-femme est compromise. On constate que la théorie anti-droits et anti-choix est de plus en plus forte, et menace les droits des femmes et toutes les avancées obtenues.

Quels sont les pays les plus touchés par ce manque de financements ?

Aujourd’hui, l’aide américaine concerne en très grande majorité l’Ukraine et l’Afrique subsaharienne. On le voit en Éthiopie, qui faisait partie des pays les plus soutenus et recevait 1,45 milliard de dollars. Il y a des risques extrêmement importants pour ce pays : l’Éthiopie, c’est 1 million de réfugiés des pays alentour, Soudan du Sud, Somalie, Érythrée. C’est aussi 4,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, 20 millions de personnes qui ont besoin d’aide humanitaire. Ce gel des financements américains, pour ce pays, est considérable.

Ce sont des incidences extrêmement fortes que l’on voit très concrètement sur le terrain, et qui risquent d’avoir des conséquences majeures sur le long terme. Parmi les 13 de nos projets qui ont été mis en suspens, le projet en Éthiopie prévoyait de distribuer 32 tonnes de nourriture et 10 000 médicaments.

Comment pensez-vous faire face à ce gel des financements états-unien ?

Nous sommes tous très clairement préoccupés par la situation. Avec 42 % de l’aide publique mondiale qui s’écroule, sans aucune perspective sur la reprise, c’est tout le système de l’aide humanitaire qui est en péril. On lance un appel à dons pour essayer, à notre niveau, de continuer à assister les personnes qui en ont besoin. Toutes les ONG sont très mobilisées, on essaye de travailler ensemble pour répondre à ce défi sans précédent, mais nous n’avons pas de réponse immédiate.

On s’allie entre ONG pour porter ce plaidoyer, alerter sur les conséquences dramatiques sur les populations, notamment les femmes et les filles. Nous essayons aussi de faire appel au gouvernement français, à l’Union Européenne pour revenir sur la baisse de l’aide publique au développement qui est en cours. En France, dans le projet loi de finances qui a été voté, c’est une coupe de 2,1 milliards d’euros, soit 40 % du budget total de l’aide publique au développement. C’est une chute considérable.

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