Nutri-Score : la ministre de l’Agriculture se plie aux demandes des lobbies, en dépit de la santé publique
Le gouvernement fait trois grands pas en arrière. Depuis des mois, les lobbies de l’agroalimentaire faisaient pression sur le ministère de l’Agriculture. La source de leur inquiétude ? La nouvelle version du Nutri-Score, qui devait entrer en vigueur en France dès 2024, mais dont le décret n’avait toujours pas été signé.
Le 4 mars, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, les a rassurés en assumant de bloquer sa publication. Un véritable coup de massue pour tous ceux qui – scientifiques, médecins, associations, consommateurs – se préoccupent de la qualité dans nos assiettes.
Comparer la qualité nutritionnelle des produits
Après des années de luttes face aux lobbies de l’industrie agroalimentaire, un logo nutritionnel à code couleurs avait enfin été adopté par la France en 2017. Développé par des scientifiques indépendants, le Nutri-Score permet aux consommateurs de comparer, grâce à ses cinq couleurs et ses cinq lettres de A à E, la qualité nutritionnelle des produits dans une même catégorie. Une démarche volontaire de la part des entreprises, les lobbies ayant toujours bataillé ferme pour éviter que cela ne devienne une obligation.
Un nouveau mode de calcul plus sévère avec les produits transformés
Or, un nouveau mode de calcul, plus sévère avec les produits transformés pour tenir compte des travaux scientifiques plus récents, devait entrer en application. Mais la ministre, élue du Doubs, fief du Comté et des saucisses de Montbéliard, a décidé de se ranger du côté des industriels, reprenant leurs arguments.
L’indicateur donnerait, selon elle, une mauvaise note aux produits « remarquables » du terroir. Dans la foulée, la Commission européenne a renoncé à rendre le Nutri-Score – actuellement présent dans 7 pays européens – obligatoire dans les 27 pays de l’Union européenne, alors même qu’elle l’avait proposée en 2020.
« Le Nutri-Score ne dit pas qu’il ne faut pas consommer les produits, il rappelle que certains produits qui sont très gras, très sucrés, très salés, doivent être consommés en petites quantités », précise Serge Hercberg, professeur de nutrition et concepteur de cet étiquetage. L’association de défense des consommateurs Foodwatch a jugé « irresponsable » les propos de la ministre, qui « se fait le porte-voix des arguments des lobbies laitiers et bloque une mesure de santé publique attendue et prête depuis un an ».
Des maladies chroniques liées à une mauvaise alimentation
L’ONG a adressé, avec la fédération d’associations de patients France Asso Santé et le Réseau action climat, une lettre ouverte au premier ministre. « Il n’est plus possible de faire reposer la responsabilité des maladies chroniques liées à une mauvaise alimentation sur la seule responsabilité des consommateurs, alors même que ces derniers n’ont pas accès à une information claire et neutre sur ce qu’ils achètent et consomment », dénoncent-ils.
Serge Hercberg le rappelle : les maladies liées à la nutrition, comme l’obésité – multipliée part 4 depuis 1997 chez les 18-24 ans – le cancer, les maladies cardio-vasculaires, le diabète ou l’hypertension ont « un coût économique extrêmement important ». En 2021, plus de 400 scientifiques européens et 30 associations médicales avaient appelé la Commission européenne à rendre obligatoire un étiquetage. Ils n’ont visiblement pas été entendus.
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