Comment l’Italie a fait pression pour obtenir la peau du Nutri-Score

Cela fait des mois qu’ils mènent bataille : vent debout contre le Nutri-Score, le gouvernement et les producteurs italiens ont toujours refusé catégoriquement d’appliquer le logo allant du vert au rouge assorti des lettres de A à E. La Première ministre Giorgia Meloni arguait que ce dispositif français serait « discriminatoire et pénalisant » pour le système agroalimentaire italien. D’après elle, le géant de l’agro-industrie Ferrero serait notamment touché de plein fouet par les conséquences de sa mise en place.

En octobre 2021, les députés européens avaient approuvé, dans son principe, l’idée d’un logo nutritionnel obligatoire. Mais ce lobbying avait déjà eu un premier effet : l’adoption d’un étiquetage harmonisé avait finalement été repoussée à une date indéterminée en 2023. Parmi tous les labels nutritionnels existants en Europe (Traffic lights, Heart symbol, Keyhole…), le Nutri-Score, soutenu par la communauté scientifique, faisait encore figure de favori. Mais depuis, la Commission n’a formulé aucune proposition législative. Rien n’a bougé, sauf en coulisses. Avec en première ligne, l’Italie et sa puissante industrie agroalimentaire, comme l’a raconté Mediapart. Et désormais, selon une enquête de la cellule investigation de Radio France, publiée ce vendredi 28 février, la Commission y a tout simplement renoncé.

Des bénéfices sans appel

Ses bénéfices en matière de santé sont pourtant étayés par près de 150 études. Une étude, publiée début 2024 dans l’European Review of Agricultural Economics, démontrait par exemple que la mise en place du Nutri-Score en France, en 2017, avait conduit les fabricants de l’agroalimentaire à améliorer la qualité de leur production. Pour parvenir à ces résultats, les scientifiques avaient comparé la composition de produits alimentaires ultra-modifiés, comme les céréales ou les chips, dans des pays où cet étiquetage nutritionnel a été mis en place, avec celle de pays qui n’en bénéficient pas, comme la Grande-Bretagne ou, justement, l’Italie.

Les résultats étaient sans appel : dans les pays sans Nutri-Score, il y a plus de sucre, de sel et d’acides gras. Autre effet bénéfique de ce classement observé en France, l’amélioration au fil des ans de la qualité des produits.

Que va-t-il se passer en France ?

C’est en effet en France, en 2017, que le Nutri-Score a été créé. Il a été mis au point par une équipe de chercheurs de l’université Sorbonne-Paris-Nord, sous la direction du professeur Serge Hercberg. Dans la foulée, il a été adopté par cinq pays européens : l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, l’Espagne, auxquels s’ajoute la Suisse, tous séduits par sa simplicité d’utilisation et le consensus scientifique qui l’entoure.

Mais cet enterrement en catimini par la Commission européenne du Nutri-Score risque de donner du grain à moudre à l’industrie agroalimentaire française pour revenir en arrière. D’autant que le gouvernement français est resté plutôt silencieux lors des débats européens sur le sujet… Par ailleurs, les deux députées françaises qui militaient à Bruxelles pour un Nutri-Score obligatoire, Michèle Rivasi (Les Écologistes) et Véronique Trillet-Lenoir (Renaissance), sont toutes les deux décédées en 2023. Et, alors que le déploiement de ce système était en progression constante depuis son lancement en 2017 (1400 marques l’ont adopté), Danone, l’un des plus gros soutiens du Nutri-Score, a annoncé en septembre 2024 le retirer de ses yaourts à boire Actimel, Danonino, Hi-Pro et Activia.

Face au renoncement de la Commission, le Nutri-Score continue malgré tout son chemin. D’après les informations de la cellule investigation de Radio France, la Finlande souhaite l’adopter.

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