Des immeubles éventrés, des millions de tonnes de gravats, des cimetières réduits en poussière… Deux ans après les attaques terroristes du 7-Octobre, la guerre entre Israël et le Hamas a transformé la bande de Gaza en champ de ruines, et fait plus de 67 000 morts. Alors que le territoire palestinien reste inaccessible aux journalistes étrangers, le centre Unosat de l'ONU s'appuie sur les images satellite pour quantifier cette réalité.
Son dernier bilan, daté du 8 juillet, estime que près de 193 000 bâtiments sont désormais endommagés, dont plus de la moitié complètement détruits. Franceinfo a cartographié les destructions dans la bande de Gaza, en les classant du orange au violet selon la gravité des dégâts.
Du Nord au Sud, la bande de Gaza est dévastée. "On assiste à la destruction généralisée et systématique de presque tous les types d'infrastructures", constate Nadia Hardman, chercheuse pour l'ONG Human Rights Watch (HRW). Cela concerne aussi bien les maisons et immeubles résidentiels que les bâtiments commerciaux ou les établissements scolaires. Le Bureau de l'ONU pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha) rapportait, fin septembre, que 91,8% des écoles de Gaza "auront besoin d'une reconstruction totale ou de travaux majeurs pour être à nouveau fonctionnels". Il ajoute que plus de 2 300 établissements scolaires, de la maternelle à l'université, ont été détruits, selon le dernier bilan établi en février.
Les services de soins, déjà exsangues en raison du manque de personnel, de matériel et de médicaments, ne sont pas épargnés. Au 21 septembre, seuls 14 des 36 hôpitaux de l'enclave fonctionnaient encore, "tous partiellement", souligne l'Ocha. Et au moins 77% des routes sont aujourd'hui détruites, endommagées ou bloquées.
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Les chiffres sont encore plus dramatiques pour les terres agricoles. D'après l'Ocha, seules 1,5% de ces terres étaient encore intactes et cultivables fin juillet. Des dégâts causés aussi bien par les bombardements que par les bulldozers israéliens. Alors que la famine gagne du terrain à Gaza, selon un rapport de l'ONU publié en août, "la capacité de la population à assurer sa propre subsistance est sévèrement réduite, voire a disparu", s'alarme Nadia Hardman.
"Les autorités israéliennes vont au-delà des opérations nécessaires pour atteindre leurs objectifs militaires : outre les frappes et l'envoi de troupes au sol, elles rasent et ravagent des zones entières."
Nadia Hardman, chercheuse chez HRWà franceinfo
Fin 2024, Human Rights Watch a conclu dans un rapport que ces destructions participaient à une stratégie délibérée de déplacement forcé de la population gazaouie. Objectif : "rendre la bande de Gaza invivable, pour empêcher les Palestiniens de revenir" après la fin du conflit, affirme Nadia Hardman, autrice du document.
"S'attaquer à tous les aspects de la société"
"Il ne s'agit pas seulement d'anéantir les infrastructures, mais de s'attaquer à tous les aspects de la société", insiste-t-elle, citant la destruction du patrimoine de l'enclave. Mi-août, l'Unesco recensait "des dommages sur 110 sites" culturels : monuments, bâtiments d'intérêt historique ou artistique, sites archéologiques ou religieux... Construite au VIIe siècle, la plus ancienne mosquée de Gaza, al-Omari, n'a ainsi plus que quelques murs branlants et un minaret décapité.
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"L'héritage culturel permet aux individus de faire partie d'une même communauté. (...) Il est transmis d'une génération à l'autre, et sa destruction brise ce lien générationnel", explique Nadia Hardman. Tout comme la disparition de tombes et de cimetières, constatée par plusieurs médias depuis le début du conflit. Une enquête d'Al-Jazeera révélait, en mars, que 21 des quelque 70 cimetières de l'enclave palestinienne avaient été endommagés, et 18 autres rasés.
Dans la ville de Gaza, les stèles de celui de Shajaiya ont laissé place à un terrain vague, comme le montre l'image avant/après qui suit (faites glisser le curseur sur l'image pour visualiser l'évolution). Interrogée par CNN début 2024, l'armée israélienne expliquait avoir excavé ces tombes pour chercher des dépouilles d'otages du Hamas et mener des vérifications "avec dignité et respect pour les morts".
Quinze jours plus tard, il a de nouveau alerté sur des destructions risquant de "rendre permanent le déplacement" forcé des Gazaouis. Selon le responsable onusien, l'offensive israélienne dévastatrice "semble chercher à causer un bouleversement démographique" dans l'enclave, ce qui "équivaudrait à un nettoyage ethnique". Des accusations qu'Israël ne cesse de rejeter, qualifiant les rapports de l'ONU de "mensongers" .
Rédaction : Marie-Violette Bernard et Valentin Stoquer
Développement : Valentin Pigeau et Valentin Stoquer
Relecture : Nicolas Buzdugan
Supervision éditoriale : Vincent Colas et Julie Rasplus