CARTES. Des écoles aux cimetières, la bande de Gaza ravagée par deux ans de guerre avec Israël

Tonnes de débris :

Source: United nations environment programme (UNEP)

En deux ans d'une guerre destructrice, 61 millions de tonnes de débris se sont accumulées dans la bande de Gaza.

Au total, 78% des bâtiments de l'enclave palestinienne ont été endommagés ou détruits, selon l'ONU.

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Des écoles aux cimetières, la bande de Gaza ravagée par deux ans de guerre avec Israël

Marie-Violette Bernard & Valentin Stoquer

Publié

Des immeubles éventrés, des millions de tonnes de gravats, des cimetières réduits en poussière… Deux ans après les attaques terroristes du 7-Octobre, la guerre entre Israël et le Hamas a transformé la bande de Gaza en champ de ruines, et fait plus de 67 000 morts. Alors que le territoire palestinien reste inaccessible aux journalistes étrangers, le centre Unosat de l'ONU s'appuie sur les images satellite pour quantifier cette réalité.

Son dernier bilan, daté du 8 juillet, estime que près de 193 000 bâtiments sont désormais endommagés, dont plus de la moitié complètement détruits. Franceinfo a cartographié les destructions dans la bande de Gaza, en les classant du orange au violet selon la gravité des dégâts.

Sources : Unosat, OpenStreetMap, Copernicus

Etat des bâtiments :

Le nord de la bande de Gaza subit les bombardements israéliens depuis le 8 octobre 2023. D'après l'Unosat, 88 373 bâtiments y sont aujourd'hui endommagés ou détruits.

L'armée israélienne a récemment intensifié ses frappes sur la ville de Gaza, contraignant Médecins sans frontières (MSF) à y suspendre ses activités. Pour survivre, les habitants fuient largement vers le sud du territoire.

Dans le centre de la bande de Gaza, les camps de réfugiés de Nuseirat et Deir al-Balah accueillent ces déplacés. L'armée israélienne les a pourtant ciblés à plusieurs reprises : le 8 juin 2024, un raid pour récupérer quatre otages a ainsi fait 270 morts et 700 blessés à Nuseirat, selon MSF.

Au 8 juillet 2025, 18 103 bâtiments avaient été touchés dans la région, dont plus d'un quart complètement détruits.

Dans la région de Khan Younès, habitations, routes et services de soins sont dévastés. Fin août, une frappe israélienne a gravement endommagé l'hôpital Nasser, un des plus grands du territoire.

Dans ce gouvernorat, les bombardements israéliens ont détruit 13 hôpitaux et près de 28 000 bâtiments.

La région de Rafah, à la frontière avec l'Egypte, est celle où la proportion de bâtiments détruits est la plus importante. Sur les 35 000 structures touchées, 76% ne tiennent plus debout.

En pleines négociations avec le Hamas, le ministre de la Défense israélien citait en exemple cette ville du sud de l’enclave, ravagée. Il menaçait fin août sur X : "S'ils n'acceptent pas [nos conditions], Gaza (...) deviendra Rafah ou Beit Hanoun."

Du Nord au Sud, la bande de Gaza est dévastée. "On assiste à la destruction généralisée et systématique de presque tous les types d'infrastructures", constate Nadia Hardman, chercheuse pour l'ONG Human Rights Watch (HRW). Cela concerne aussi bien les maisons et immeubles résidentiels que les bâtiments commerciaux ou les établissements scolaires. Le Bureau de l'ONU pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha) rapportait, fin septembre, que 91,8% des écoles de Gaza "auront besoin d'une reconstruction totale ou de travaux majeurs pour être à nouveau fonctionnels". Il ajoute que plus de 2 300 établissements scolaires, de la maternelle à l'université, ont été détruits, selon le dernier bilan établi en février.

Les services de soins, déjà exsangues en raison du manque de personnel, de matériel et de médicaments, ne sont pas épargnés. Au 21 septembre, seuls 14 des 36 hôpitaux de l'enclave fonctionnaient encore, "tous partiellement", souligne l'Ocha. Et au moins 77% des routes sont aujourd'hui détruites, endommagées ou bloquées.

Des tentes de réfugiés sont dressées entre les décombres d'immeubles détruits dans le camp de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, le 18 février 2025. (OMAR AL-QATTAA / AFP)
Des tentes de réfugiés sont dressées entre les décombres d'immeubles détruits dans le camp de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, le 18 février 2025. (OMAR AL-QATTAA / AFP)

Les chiffres sont encore plus dramatiques pour les terres agricoles. D'après l'Ocha, seules 1,5% de ces terres étaient encore intactes et cultivables fin juillet. Des dégâts causés aussi bien par les bombardements que par les bulldozers israéliens. Alors que la famine gagne du terrain à Gaza, selon un rapport de l'ONU publié en août, "la capacité de la population à assurer sa propre subsistance est sévèrement réduite, voire a disparu", s'alarme Nadia Hardman.

"Les autorités israéliennes vont au-delà des opérations nécessaires pour atteindre leurs objectifs militaires : outre les frappes et l'envoi de troupes au sol, elles rasent et ravagent des zones entières."

Nadia Hardman, chercheuse chez HRW

à franceinfo

Fin 2024, Human Rights Watch a conclu dans un rapport que ces destructions participaient à une stratégie délibérée de déplacement forcé de la population gazaouie. Objectif : "rendre la bande de Gaza invivable, pour empêcher les Palestiniens de revenir" après la fin du conflit, affirme Nadia Hardman, autrice du document.

"S'attaquer à tous les aspects de la société"

"Il ne s'agit pas seulement d'anéantir les infrastructures, mais de s'attaquer à tous les aspects de la société", insiste-t-elle, citant la destruction du patrimoine de l'enclave. Mi-août, l'Unesco recensait "des dommages sur 110 sites" culturels : monuments, bâtiments d'intérêt historique ou artistique, sites archéologiques ou religieux... Construite au VIIe siècle, la plus ancienne mosquée de Gaza, al-Omari, n'a ainsi plus que quelques murs branlants et un minaret décapité.

Deux fillettes palestiniennes marchent dans la cour de la mosquée partiellement détruite al-Omari, dans la ville de Gaza, le 10 avril 2024. (AFP)
Deux fillettes palestiniennes marchent dans la cour de la mosquée partiellement détruite al-Omari, dans la ville de Gaza, le 10 avril 2024. (AFP)

"L'héritage culturel permet aux individus de faire partie d'une même communauté. (...) Il est transmis d'une génération à l'autre, et sa destruction brise ce lien générationnel", explique Nadia Hardman. Tout comme la disparition de tombes et de cimetières, constatée par plusieurs médias depuis le début du conflit. Une enquête d'Al-Jazeera révélait, en mars, que 21 des quelque 70 cimetières de l'enclave palestinienne avaient été endommagés, et 18 autres rasés. 

Dans la ville de Gaza, les stèles de celui de Shajaiya ont laissé place à un terrain vague, comme le montre l'image avant/après qui suit (faites glisser le curseur sur l'image pour visualiser l'évolution). Interrogée par CNN début 2024, l'armée israélienne expliquait avoir excavé ces tombes pour chercher des dépouilles d'otages du Hamas et mener des vérifications "avec dignité et respect pour les morts".

Le cimetière de Shajaiya, dont on voyait les stèles le 23 novembre 2023 est complètement détruit sur les images satellites du 17 septembre 2025. (Planet / Google Earth / Airbus)

Quinze jours plus tard, il a de nouveau alerté sur des destructions risquant de "rendre permanent le déplacement" forcé des Gazaouis. Selon le responsable onusien, l'offensive israélienne dévastatrice "semble chercher à causer un bouleversement démographique" dans l'enclave, ce qui "équivaudrait à un nettoyage ethnique". Des accusations qu'Israël ne cesse de rejeter, qualifiant les rapports de l'ONU de "mensongers"


Rédaction : Marie-Violette Bernard et Valentin Stoquer

Développement : Valentin Pigeau et Valentin Stoquer

Relecture : Nicolas Buzdugan

Supervision éditoriale : Vincent Colas et Julie Rasplus