Accusé de « fomenter un coup d’Etat », Evo Morales est définitivement écarté de l’élection présidentielle et poursuivi pour « terrorisme »
La Tribunal constitutionnel plurinational de Bolivie (TCP) a publié ce jeudi plusieurs résolutions qui reconfigurent le scénario politique à l’approche des élections présidentielles du 17 août. Dans une première résolution, le tribunal a confirmé l’enregistrement et la validité de la candidature d’Andrónico Rodríguez, actuellement à la tête du Sénat. Alors qu’il était considéré jusqu’à il y a encore peu comme un proche allié de l’ex-président Evo Morales (2006-2019), le jeune leader syndical (36 ans) il avait surpris nombre d’observateurs en décidant d’entrer dans la course présidentielle, soutenu par une coalition d’organisations et de secteurs sociaux ainsi que par une partie de la base militante historique du MAS.
Figure montante issue de l’aile des producteurs de coca du bloc au pouvoir, Andrónico Rodríguez apparaît aujourd’hui comme le principal candidat du camp progressiste puisque, dans une autre résolution, le TCP a décidé de maintenir en vigueur l’annulation du statut juridique du Parti d’action nationale, le parti vers lequel Evo Morales s’était tourné après avoir été empêché juridiquement de participer au scrutin sous la bannière MAS-IPSP, le parti qu’il avait créé en 1997.
Une décision qui bloque définitivement la voie légale que les partisans d’Evo Morales – qui a déjà exercé trois mandats présidentiels entre 2006 et le coup d’Etat qui l’obligea à s’exiler au Mexique en 2019- cherchaient à utiliser pour défendre sa candidature le 17 août, malgré deux arrêts de la Cour constitutionnelle qui ratifient le fait que personne ne peut être élu deux fois à la présidence, que ce soit de manière continue ou discontinue.
Evo Morales accusé de “terrorisme”
Alors qu’un mandat d’arrêt pour « traite d’être humain à l’égard d’une mineure » avait déjà été émis contre Evo Morales l’année dernière (le parquet le soupçonne d’avoir violé une mineure durant son mandat), le gouvernement a déposé ce jeudi une plainte contre lui dans le cadre des barrages routiers mis en place depuis lundi par ses partisans et qui menacent de paralyser de nouveau des régions clés du pays.
Ce dépôt de plainte intervient après la diffusion d’un enregistrement audio présumé dans lequel une voix, attribuée à l’ex-chef d’Etat, appelle à bloquer les principales routes menant à La Paz, la capitale administrative du pays. « Il faut tout donner (dans la bataille) (m)es frères. C’est la bataille finale », peut-on l’entendre dire (lui a qualifié l’enregistrement de « montage »).
Les délits formulés font état de « terrorisme » d’ « obstruction au processus électoral », de « désobéissance aux résolutions constitutionnelles », d’« incitation publique à commettre des infractions et des atteintes à la sécurité des services publics », ainsi que de « destruction de biens de l’État », alors que le ministre bolivien de l’économie et des finances publiques, Marcelo Montenegro, a estimé l’impact économique des blocages routiers à entre 150 et 200 millions de dollars par jour.
« Nous avons déjà connu une paralysie similaire l’année dernière, qui nous a coûté plus de 3 milliards (de dollars). Nous ne pouvons pas répéter ce scénario à cause des intérêts personnels de quelqu’un qui ne peut pas être candidat », a-t-il ajouté, alors que les pénuries causent des hausses de prix très importantes dans diverses régions.
Objectif : obtenir la démission du président Luis Arce
Ces derniers jours, le nombre de barrage routiers – lesquels auraient pour but, selon les autorités, de saboter les élections générales prévues en août – aurait doublé passant de 13 à 27, majoritairement dans le département de Cochabamba (centre), fief de l’ancien président, bien que des coupures soient également signalées à Potosí (sud-ouest), Oruro (ouest), Santa Cruz (est), et aux abords de La Paz (ouest). Ce jeudi, la vice-ministre de la Communication, Gabriela Alcon, a annoncé que le nombre de points de blocage était passé à 40. Elle a aussi fait état de tente policiers blessés dans des affrontements avec des manifestants, les partisans du premier chef d’Etat bolivien d’origine indigène évoquant aussi des blessés de leur côté, sans en préciser le nombre.
Alors que, sur fond d’inflation (hausse de 24 % du prix des denrées alimentaires par rapport à l’année dernière), l’instabilité semble s’aggraver de jour en jour, le gouvernement affirme pouvoir prouver que Evo Morales aurait donné des instructions pour « assiéger les villes » et empêcher la tenue des élections. Ses partisans réclament la démission du président Luis Arce, l’accusant de la situation économique catastrophique que traverse le pays et d’avoir manipulé les institutions judiciaires et électorales pour leur leader de la présidentielle.
Un risque de “violence généralisée”
Proche collaborateur de Morales, le sénateur Leonardo Loza a expliqué aux médias locaux que le mouvement de contestation visait à obtenir le départ du président Luis Arce, car « il n’a pas résolu les problèmes économiques » du pays.
Empêtré dans une crise héritée de l’effondrement post‑pandémique, Luis Arce, ancien ministre de l’Economie de Morales, fait face à une situation économique extrêmement complexe en raison d’une pénurie de carburant provoquée par un manque de devises étrangères, et à laquelle se sont ajoutés les blocages du camp pro-Morales.
« Nous n’accepterons aucun chantage », a déclaré le ministre de la Justice, César Siles, auprès de la presse, tandis que le ministre du Gouvernement (sécurité), Roberto Siles, a déclaré « Nous ne permettrons pas (à Evo Morales) de tenter un coup d’État ». Sur X, le président Arce a fustigé son ex-allié en l’accusant de précipiter le pays vers « la violence généralisée (et) la rupture de l’ordre constitutionnel au nom de ses ambitions malsaines pour le pouvoir ».
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