REPORTAGE. "Le métier que je faisais ne me plaisait pas" : cinq ans après la crise du Covid-19, ces Français racontent leur reconversion professionnelle
Il y a cinq ans, pour faire face à l'épidémie de coronavirus, Emmanuel Macron annonçait un confinement. Le 17 mars 2020, nous étions tous obligés, du jour au lendemain, de nous isoler dans nos appartements et maisons, avec pour seule autorisation de sortie un espace restreint pour faire ses courses ou promener son chien. Un bouleversement qui a révélé, chez certains Français, un mal-être au travail, les poussant à changer totalement de vie et à se reconvertir. Des changements de métier parfois extrêmes.
Aiguiser ses couteaux, parer sa viande... Ce sont des gestes que Valentin Dive, boucher à Strasbourg, réalise tous les jours. Pourtant il y a cinq ans il ne les connaissait pas. Avant la crise du Covid-19, ce trentenaire était lobbyiste dans la finance à Paris : "Le métier que je faisais ne me plaisait pas, je m'ennuyais."
"Zéro regret par rapport à mon travail d'avant"
Tout a changé avec le confinement. Il retourne chez ses parents en Alsace et passe du temps avec son beau-père : "Il aidait les bouchers à se redresser financièrement, et il me disait : 'Tiens tu ne veux pas venir avec moi pour voir comment ça se passe ?' J'ai toujours aimé la viande, j'ai toujours aimé visiter des fermes. J'y suis allé et je me suis dit qu'il y avait vraiment des choses à faire."
Il signe alors une rupture conventionnelle avec son ancienne entreprise, suit une formation d'un an en alternance. Et déménage à Strasbourg, où il ouvre une, puis deux boucheries. Le Boucher Bien élevé, où il a désormais un salarié et deux apprentis : "On a réussi à accomplir quelque chose, à prendre des apprentis, à les former, à avoir des salariés, à avoir des clients. Vraiment, zéro regret par rapport à mon travail d'avant."
"J'allais à reculons au travail, j'avais une boule au ventre"
Près d'Orléans, le Covid a aussi joué un rôle majeur dans la reconversion de Joana Da Silva, 36 ans, ancienne infirmière en neurologie : "On n’avait pas de matériel : les masques, les gants... J'allais à reculons au travail, j'avais une boule au ventre." Le choc était d'autant plus grand que son père a été hospitalisé après une infection au covid. Impossible donc de retourner à l'hôpital. Et un jour, le déclic lui vient en cuisinant : "Un gâteau avec différentes couleurs, des petits modelages... Je me suis demandé ce que je pouvais faire pour changer de travail et je me suis vue tout de suite dans mon propre labo de pâtisserie en train de faire des beaux gâteaux."
Pour y arriver, elle passe un CAP pâtisserie en alternance pendant un an. Son conjoint lui fabrique un atelier au fond de leur jardin. Depuis quelques semaines, elle vend des cakes design, des gâteaux personnalisés, notamment pour les anniversaires, avec sa toute nouvelle entreprise Précieux Délices : "Je me sens beaucoup plus épanouie, j'ai retrouvé une joie de vivre que j'avais un peu perdue."
"Je fais enfin quelque chose qui me redonne la joie de vivre."
Joana Da Silvaà franceinfo
Comme Joana et Valentin, près de 20% des chefs d'entreprise de la filière artisanale sont issus de la reconversion, selon la Chambre des Métiers et de l'Artisanat. Son président Joël Fourny : "Ça fait 4/5 ans qu'on remarque cette accélération vers des métiers d'art ou du secteur alimentaire, par passion, par envie de créer." En particulier de la part d'anciens cadres. Ils représentent plus de 10% des repreneurs d'entreprises artisanales. Selon CMA France, en 2019, 12% des repreneurs sont d'anciens cadres d'entreprises en reconversion.