Conflit Israël-Iran : pourquoi le risque d'une fermeture du détroit d'Ormuz effraie les marchés pétroliers

Des marchés fébriles. Les cours du pétrole se sont stabilisés, mardi 17 juin, après avoir flambé à la suite des premières frappes d'Israël contre l'Iran, vendredi. En cause : le risque de voir le conflit entre Tel-Aviv et Téhéran affecter le transport de pétrole, en particulier dans le détroit d'Ormuz. L'Iran menace en effet de fermer ce passage maritime stratégique, essentiel au transport de l'or noir, en réponse aux attaques israéliennes. Franceinfo vous explique pourquoi l'attention des marchés se concentre sur la situation dans le détroit d'Ormuz.

Parce que c'est un point névralgique pour le transport mondial de pétrole

Le détroit d'Ormuz, large d'environ 50 kilomètres, s'étend entre l'Iran et Oman. Il constitue un point de passage stratégique entre les pays du Golfe et le reste de la planète, note Euronews. "Les exportations de pétrole et gaz des pays tels que l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Koweït, l'Irak, le Qatar et le Bahreïn passent par là", relève la chaîne d'information. Plus précisément, ce sont un cinquième des expéditions mondiales de pétrole (20 millions de barils) et un tiers de celles de gaz naturel liquéfié qui transitent chaque jour par le détroit, précise Euronews, citant l'Agence d'information sur l'énergie (AIE).

Une photo satellite du détroit d'Ormuz et du Golfe d'Oman, prise par le satellite Terra de la Nasa, le 5 février 2025. (NASA EARTH OBSERVATORY / AFP)
Une photo satellite du détroit d'Ormuz et du Golfe d'Oman, prise par le satellite Terra de la Nasa, le 5 février 2025. (NASA EARTH OBSERVATORY / AFP)

"Une perturbation importante de ces flux suffirait à faire grimper les prix à 120 dollars le baril", préviennent des analystes du groupe ING, cités par Le Figaro. Ils notent qu'un blocus du détroit d'Ormuz affecterait aussi les réserves de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), qui se trouvent pour la plupart dans cette région.

Le Figaro relève toutefois que le détroit d'Ormuz est aussi capital pour la production de pétrole iranienne. L'économie de la République islamique, soumise à des sanctions internationales, repose essentiellement sur son secteur énergétique. Selon le quotidien, 95% des barils iraniens sont exportés vers la Chine, et transitent donc par ce passage maritime. 

Parce que l'Iran a déjà menacé plusieurs fois de fermer le détroit

Comme le rappelle La Croix, l'Iran et Oman se partagent le contrôle du détroit d'Ormuz depuis un accord conclu en 1975. Au cours des dernières décennies, Téhéran a plusieurs fois profité de cette position pour tenter d'influer sur la géopolitique internationale. En 2011, la République islamique avait menacé de ne plus laisser "aucune goutte de pétrole transiter par le détroit d'Ormuz" en cas de sanctions internationales contre son programme d'enrichissement d'uranium, relate le quotidien. Elle avait réitéré l'intimidation en 2019, après le retrait des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien.

Cette fois encore, l'Iran laisse planer le doute sur le risque d'une potentielle fermeture du détroit. Sardar Esmail Kowsari, commandant des Gardiens de la Révolution et député de Téhéran, a déclaré à des médias locaux que cette éventualité était "à l'étude", rapporte Euronews"Nos mains sont grandes ouvertes lorsqu'il s'agit de punir l'ennemi, et la réponse militaire n'est qu'une partie de notre réponse globale", a-t-il insisté.

Face à cette incertitude, les marchés pétroliers restent volatiles. Lundi, les prix de l'or noir sont redescendus à 71 dollars le baril, après avoir dépassé les 75 dollars vendredi. Une accalmie due à des affirmations de plusieurs médias, selon lesquelles l'Iran était prêt à des négociations. "Cette dynamique s'est inversée [lundi] lorsque Donald Trump a appelé à l'évacuation de Téhéran et annoncé son départ anticipé du sommet du G7", analyse auprès de l'AFP Michael Wan, de la banque MUFG.

"Les dernières informations suggèrent toujours qu'il n'y a pas eu de perturbations physiques de l'approvisionnement mondial ni d'impact sur le détroit d'Ormuz", par où transite un tiers du trafic maritime d'hydrocarbures mondial, constate-t-il. "Mais la manière dont les Etats-Unis pourraient s'impliquer et la façon dont l'Iran se comportera seront cruciales pour les marchés", avertit l'analyste.

"La possibilité d'une fermeture du détroit d'Ormuz existe, mais elle est extrêmement faible, pour de multiples raisons", nuance Homayoun Falakshahi, analyste chez la société spécialisée dans les données sur le transport maritime Kpler, contacté par Les Echos. "L'Iran se couperait de presque toutes ses exportations", au risque de se mettre à dos la Chine. "Ensuite, cela changerait la donne pour d'autres puissances régionales, dépendantes du détroit, et avec qui les relations se sont un peu normalisées ces dernières années, comme le Qatar, les Emirats arabes unis, voire l'Arabie saoudite", insiste Homayoun Falakshahi.

Parce que le risque d'escalade peut suffire à perturber le trafic maritime

Même si l'Iran ne bloquait pas le détroit d'Ormuz, le risque d'un conflit prolongé dans la région pourrait suffire à perturber le marché mondial de l'or noir. Déjà dans les années 1980, la guerre entre l'Iran et l'Irak, et les attaques sur les tankers qui l'accompagnaient, avait fait grimper le coût du transport et du baril de pétrole, relève La Croix. 

Si aucun navire transitant par le détroit n'a été visé, le conflit qui fait rage depuis vendredi entre la République islamique et Israël suscite des craintes au sein du secteur maritime. "De plus en plus de compagnies ne souhaitent plus affréter des bateaux dans cette région", remarque également Adel El Gammal, professeur de géopolitique de l'énergie à l'Université libre de Belgique, interrogé par la RTBF. "Dans le cadre d'un affrontement prolongé, (...) cela va irrémédiablement avoir un impact sur les approvisionnements en gaz et en pétrole et donc créer des tensions sur les prix."

Pour l'instant, la panique n'a pas gagné les transporteurs maritimes. Le nombre de cargos empruntant le détroit est passé de 116, jeudi, à 111, dimanche, rapportent Les Echos. Bimco, plus grande association de transporteurs maritimes, confirme à CNBC n'avoir enregistré qu'une "modeste baisse" du trafic dans la région.

Certaines entreprises ont toutefois fait part de leurs inquiétudes sur la situation au Proche-Orient, selon le chef de la sécurité de Bimco. "La plupart choisissent pour l'instant de poursuivre [leurs opérations], quand certaines préfèrent éviter" le détroit, explique Jakob Larsen à CNBC. "Dans les périodes où les menaces sur la sécurité sont accrues, les coûts du fret et les salaires des équipages augmentent souvent, créant une motivation financière pour certains de prendre le risque de passer par une zone de conflit", éclaire-t-il.

La situation pourrait évoluer si l'escalade entre Israël et l'Iran perdurait, note Euronews. "Toute crise prolongée dans le détroit d'Ormuz perturberait les exportations de producteurs clés du Golfe - l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Koweït, l'Irak et le Qatar", met en garde l'AIE.