Justice des mineurs : les éducateurs de la PJJ manifestent contre le projet de loi Attal, un texte « dangereux » qui « court après l’extrême droite »
Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 13 février 2025, la proposition de loi portée par Gabriel Attal, actuel président du groupe Renaissance, affichant l’objectif de « restaurer l’autorité de la justice envers les mineurs délinquants et leurs parents », est arrivée mardi 25 mars devant le Sénat.
Ce texte prévoit notamment l’instauration d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de 16 ans impliqués dans des faits graves, ainsi que la remise en question de l’excuse de minorité pour les récidivistes de plus de 16 ans, sauf décision contraire du juge. Il propose également de renforcer les sanctions à l’encontre des parents de mineurs délinquants.
Une justice déjà sévère envers les mineurs
Lors de son passage en commission des Lois du Sénat, le 20 mars, le projet de loi avait été largement amendé. Des mesures unanimement contestées par toutes les organisations syndicales de la profession, telles que la comparution immédiate pour les mineurs de 16 ans et la suppression de l’excuse de minorité pour les récidivistes, ont été supprimées. Le rapporteur Francis Szpiner (LR) a estimé que ces dispositions, rédigées « dans la précipitation », étaient « difficilement applicables ».
« Il y a un gros manque de moyens pour la justice des enfants, mais contrairement à ce que l’on entend et qui sert de prétexte, l’empilement des réformes est inefficace : le taux de réponse pénale est de 93 % dans le cadre de la justice des mineurs. Et dans 85 % des cas, quand un mineur primo délinquant passe par la PJJ, il ne sera plus en contact avec la justice, ni des mineurs ni des majeurs », explique Josselin Valdenaire, secrétaire général de la CGT-PJJ, qui appelait mardi 26 mars à une mobilisation des agents de la Protection judiciaire de la jeunesse, devant les tribunaux partout en France, et à Paris devant le Sénat.
Un gouvernement qui court après l’extrême droite
La gauche, également, a vivement critiqué le texte, le jugeant « dangereux » et accusant l’ex-Premier ministre de « courir après l’extrême droite ». Le gouvernement, par la voix du garde des Sceaux Gérald Darmanin, a exprimé son souhait de « durcir » le texte lors de son passage au Sénat, notamment en introduisant des jurés populaires pour juger les délits commis par des mineurs et en renforçant l’usage du bracelet électronique. Le débat s’annonçait donc animé, avec des positions divergentes au sein même de la majorité sénatoriale.
Dès avril 2024, Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, avait proposé des mesures visant à renforcer la réponse pénale envers les mineurs délinquants. Il était notamment question de créer une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16 ans et de « réfléchir » sur l’atténuation de l’excuse de minorité.
Celle-ci, conformément à l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante, réduit les peines encourues par les mineurs de moitié par rapport aux adultes. Des mesures immédiatement contestées par les professionnels, en raison de leur caractère opportuniste et de leur impact potentiel sur la spécificité du droit pénal des mineurs.
4 200 jeunes laissés sans accompagnement judiciaire
Cela n’a pas empêché un autre ex-Premier ministre, Michel Barnier, de reprendre ces propositions lors de sa déclaration de politique générale, le 3 octobre 2024, soulignant la nécessité d’une exécution effective des peines pour maintenir la crédibilité de la réponse pénale. Il évoquait également la création de « peines de prison courtes, immédiatement exécutées » pour certains délits, ainsi que la révision des conditions d’octroi du sursis et la limitation des possibilités de réduction ou d’aménagement des peines.
Pourtant c’est déjà le cas, puisque le taux d’incarcération des mineurs n’a jamais été aussi élevé. On a atteint le chiffre record de 900 mineurs emprisonné en 2024, « ce qui va à l’encontre de ce qui était promis il y a trois ans, avec la réforme du code judiciaire des mineurs (CJPM), pointe Josselin Valdenaire. L’encre du CJPM est à peine sèche qu’on impose une nouvelle réforme au pas de charge. »
Le Syndicat de la magistrature et les professionnels du secteur éducatif et social, notamment le Syndicat national des personnels de l’éducation et du social/Protection judiciaire de la jeunesse (SNPES/PJJ-FSU), avaient déjà dénoncé une instrumentalisation de la justice pénale des mineurs à des fins sécuritaires, qui occultait les carences en matière de moyens alloués à la protection de l’enfance.
Ils soulignaient qu’au 1er octobre 2024, 4 211 mesures éducatives étaient en attente, faute de personnel ou de places disponibles, laissant de nombreux jeunes sans accompagnement approprié. « La loi ne prévoit pas grand-chose de nouveau, à part une sensation d’extrême sévérité, précise le Josselin Valdenaire. Une fois de plus, on légifère dans l’émotion, alors que la délinquance des mineurs a diminué, tout comme le nombre d’affaires de violence impliquant des mineurs. En revanche, il y a une explosion de la gravité de la violence dans certaines affaires, qui ne manque pas d’être montée en épingle par certains médias et responsables politiques. »
Il manque toujours 180 postes à la PJJ
D’ailleurs, outre les manifestations prévues ce mardi, les syndicats de la PJJ envisagent de saisir le Conseil constitutionnel en cas de durcissement du texte par les sénateurs : « La condamnation pénale des parents à des travaux d’intérêt général, parce que leurs enfants auraient commis des délits ou des crimes, constitue une délégation de responsabilité qui nous paraît contraire au principe légal», détaille le secrétaire général de la CGT-PJJ.
Quant à la comparution immédiate des mineurs, elle « vient clairement en contradiction avec la Convention internationale des droits de l’enfant et avec les dispositions de la Constitution, introduites grâce à l’ordonnance de 1945 », continue-t-il. La bataille est donc loin d’être terminée. Mais en attendant, à la PJJ il manque toujours 180 postes pour assurer le suivi et la protection des enfants sous main de justice.
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