Pogacar à Paris – Roubaix : les 12 travaux du Slovène pour égaler Eddy Merckx
Tadej Pogacar a toujours faim. Alors qu'il a réalisé en 2024 une saison parfaite avec un triplé Tour d'Italie – Tour de France – Championnats du monde, le Slovène ne compte pas s'arrêter là.
À 26 ans, il veut enrichir encore son palmarès déjà long comme la montée du Tourmalet, et le "Nouveau Cannibale" s'attaque à tous les formats : Grands Tours, Monuments, classiques, courses d'une semaine… Son but ultime : être considéré comme le meilleur cycliste de tous les temps, le GOAT ("Greatest of all time"), selon l'expression à la mode.
Car encore aujourd'hui, le GOAT se nomme Eddy Merckx. Le Belge de 79 ans a régné sur le cyclisme dans les années 1960 et 1970. Un autre temps. Où le niveau de la concurrence était moins dense et où l'ultra spécialisation des coureurs modernes n'avait pas cours, rendant plus fréquent les victoires sur tous les terrains : de la montagne aux classiques flandriennes.
Le "Cannibale" originel a lui-même adoubé Tadej Pogacar comme son héritier. Après le titre de champion du monde du Slovène en septembre 2024, il s'est même préparé à concéder sa défaite : "C’est évident qu’il est maintenant au-dessus de moi. Je le pensais déjà un peu au fond de moi-même quand j’avais vu ce qu’il avait fait sur le dernier Tour de France, mais ce soir il n’y a plus de doute."
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Pour le moment, Eddy Merckx garde un avantage important en termes de palmarès : 5 victoires dans le Tour de France à 3, 19 Monuments à 6, 3 Championnats du monde à 1. Mais Tadej Pogacar n'a que 26 ans...
Voici les 12 objectifs que peut viser Tadej Pogacar pour clore le débat sur l'identité du meilleur cycliste de tous les temps :
1) Remporter le Monument Paris – Roubaix
Parmi les défis que Tadej Pogacar compte bien relever d'ici la fin de sa carrière, il y a celui de conquérir les cinq Monuments du cyclisme : ces cinq courses sont, parmi les classiques (les courses d'une journée), considérées comme les plus longues, les plus anciennes, les plus prestigieuses et forcément les plus difficiles.
Le Slovène en a déjà remporté trois : le Tour des Flandres, Liège – Bastogne – Liège et le Tour de Lombardie. Le 13 avril, il s'attaquera au plus dangereux de ces Monuments : Paris – Roubaix, la mythique course pavée surnommée "l'Enfer du Nord".
Si Paris – Roubaix ne figurait pas encore au programme de Pogacar, c'est sûrement parce que son équipe ne voulait pas prendre de risques avec le coureur le mieux payé du peloton, au salaire estimé à 8 millions d'euros par an, pour lequel le Tour de France reste la priorité – ce qu'un contact violent avec les pavés pourrait compromettre.
La présence de Tadej Pogacar au départ constitue un petit coup de tonnerre dans le cyclisme : c'est la première fois depuis 1991 qu'un vainqueur sortant du Tour de France prendra le départ de la Reine des classiques. D'autant qu'elle est normalement plutôt réservée aux armoires à glace, et a priori incompatible avec un gabarit de grimpeur comme celui de Pogacar. Mais le prodige slovène a déjà démontré ses qualités sur les pavés : c'était le 6 juillet 2022, à l'occasion d'une étape du Tour de France dans le Nord.
Peut-il le remporter ? Il faudra trouver la clé face à des Mathieu van der Poel, Wout Van Aert et autres Mads Pedersen au gabarit beaucoup mieux taillé pour les pavés que lui. Mais impossible n'est pas Pogacar.
2) Remporter le Monument Milan – San Remo
"C'est la course qui me tourmente le plus." L'autre Monument qui manque au palmarès de Tadej Pogacar est celui qui inaugure la saison, et ce n'est pas faute d'avoir essayé : en cinq participations, Tadej Pogacar n'a jamais trouvé la solution pour faire mieux que troisième.
"Le Monument le plus facile à terminer, mais le plus difficile à gagner." Le proverbe de la " Classicissima " s'applique très bien à Tadej. La classique la plus longue du calendrier (289 km), présente un profil trop plat pour lui : la Cipressa (5,6 km à 4,1 %) et le Poggio (3,6 km à 3,8 %) offrent des pentes trop douces pour lui permettre de faire la différence à coup sûr.
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Le 23 mars, il s'y est encore cassé les dents en échouant sur le sprint final, malgré une tentative lointaine à la hauteur de son panache : "On a tout essayé, on a rendu la course explosive. Mais il y avait deux coureurs plus forts que moi aujourd'hui. Il y aura une autre chance l'année prochaine", a-t-il promis après sa nouvelle défaite.
Jusqu'ici, seuls trois coureurs ont réussi à remporter les cinq Monuments : Rik van Looy, Roger de Vlaeminck et évidemment Eddy Merckx.
3) Remporter la Vuelta
En 2019, il s'y était révélé, remportant trois étapes de montagne et terminant troisième, à 2 minutes 38 du vainqueur, son compatriote Primož Roglič. Le début de la gloire.
Mais depuis, le Slovène n'est jamais retourné sur le Tour d'Espagne, le troisième de la saison, préférant se focaliser sur le Tour de France. Avec une concurrence souvent moindre par rapport au Tour ou au Giro et des profils montagneux qui lui conviennent parfaitement, on voit mal comment la Vuelta pourrait lui échapper un jour.
Il rentrerait alors dans le club très fermé des sept coureurs ayant gagné les trois grands Tours : Jacques Anquetil, Felice Gimondi, Eddy Merckx, Bernard Hinault, Alberto Contador, Vincenzo Nibali et Chris Froome.
4) Devenir champion olympique
Voilà un titre que n'a jamais eu Eddy Merckx ! Le Belge n'y a participé qu'à une seule reprise, à Tokyo en 1964, car les épreuves olympiques étaient à son époque réservées aux amateurs.
Si le titre olympique a moins d'importance dans le cyclisme qu'il ne peut l'avoir dans d'autres disciplines, Tadej Pogacar ne cracherait pas sur une médaille d'or. Pour le moment, son unique tentative, aux JO 2020, sur un circuit taillé pour lui du mont Fuji, s'est soldée par une médaille de bronze. En 2024, alors que le long et exigeant parcours semblait encore une fois lui convenir, il a préféré déclarer forfait en amont, invoquant une "fatigue extrême ".
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A-t-il eu raison de ne pas y aller ? Avec une épreuve ne revenant que tous les quatre ans, chaque essai a son importance. À 26 ans, il ne lui reste probablement que trois tentatives : à Los Angeles en 2028, à Brisbane en 2032 et en 2036. Mais il faudrait tout que les parcours soient adaptés à son profil.
Outre la course en ligne, il pourrait également tenter d'être sacré sur le contre-la-montre, un exercice qu'il affectionne. Voir réaliser le même doublé historique que Remco Evenepoel en 2024.
5) Record de titres de champion du monde
En 2024, Tadej Pogacar a été sacré pour la première fois aux championnats du monde, et avec la manière, en attaquant à 100 kilomètres de la ligne d'arrivée.
Pour le moment, Peter Sagan, Rik van Steenbergen, Oscar Freire, Alfredo Binda et Eddy Merckx se partagent le record de trois maillots arc-en-ciel remportés. Tadej Pogacar pourrait bien les rejoindre, voire les dépasser : les trois prochains Championnats du monde, à Kigali, à Montréal et à Sallanches, en France, présentent des parcours durs et parfaits pour lui.
6) Des records à battre sur le Tour de France
Le Tour de France est l'épreuve-reine du cyclisme et Tadej Pogacar veut y laisser son empreinte, avec des records historiques à taquiner :
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- Tour de France remportés : Merckx, Anquetil, Hinault et Indurain se partagent le record avec cinq Grandes boucles. Avec déjà trois dans sa besace, Pogacar est largement dans les temps de passage de ces légendes. Il pourrait même approcher le record de "celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom" : Lance Armstrong et ses sept victoires du Tour annulées pour dopage.
- Étapes remportées : Mark Cavendish a battu en 2024 le record d'Eddy Merckx en remportant sa 35e étape sur la Grande Boucle. Combien de temps en profitera-t-il ? Si Tadej Pogacar, 17 étapes à son actif, continue d'en remporter une moyenne de six à chaque édition, pas longtemps.
- Victoires d'étapes sur un même Tour : en 2024, Tadej Pogacar a frappé fort avec six étapes victorieuses. Mais le record en la matière, partagé par Eddy Merckx, Charles Pélissier et Freddy Maertens, est à huit et date d'un autre temps pour le cyclisme.
- Nombre de jours en jaune : Eddy Merckx a passé 96 jours avec le maillot jaune dans sa carrière. Pour le moment, Tadej Pogacar en est à 40.
7) Record de victoires sur les Grands Tours
À 26 ans, Tadej Pogacar a déjà remporté quatre Grands Tours. À raison de trois par ans, le record d'Eddy Merckx et ses 11 GT est largement à sa portée.
Surtout s'il s'attaque aussi au record suivant.
8) Réaliser le triplé Giro – Tour – Vuelta
Déjà détenteur de la triple couronne "Giro-Tour-Mondiaux", à l’instar de Merckx en 1974 et Roche en 1987, Pogi pourrait s'attaquer à l'exploit fou de participer et remporter les trois grands Tours sur la même année.
"Remporter les trois courses de trois semaines de la saison est réalisable", a-t-il affirmé au média slovène SIOL en fin de saison, mais il écarte le scénario dans l'immédiat, pour laisser l'occasion à ses coéquipiers de briller. "Je pourrai disputer les trois grands Tours au cours de la même saison, mais quand je serai un peu plus âgé."
Eddy Merckx (en 1972-1973) et Bernard Hinault (en 1982-1983) sont les seuls à les avoir gagnés consécutivement, mais pas sur une seule année civile. L'exploit serait donc inédit chez les hommes, Annemiek Van Vleuten l'ayant réussi chez les femmes.
9) Record de victoires dans les Monuments
Tadej Pogacar a déjà remporté sept Monuments, et certains manquent encore à sa collection.
Peut-il aller chercher les 19 Monuments de Merckx d'ici la fin de sa carrière ? La montagne paraît encore haute. En revanche, dépasser le deuxième spécialiste en la matière, Roger De Vlaeminck et ses 11 victoires, paraît tout à fait envisageable.
Au passage, Tadej Pogacar pourrait en profiter pour battre d'autres records. Il n'est plus qu'à une victoire d'égaler le record de Merckx sur le Tour de Lombardie, et à trois d'égaler le Belge sur Liège – Bastogne – Liège, les deux Monuments qui correspondent le plus à son profil.
10) Remporter toutes les courses par étapes du World Tour
C'est son directeur Matxin Fernandez qui l'affirme : Pogacar "veut avoir le palmarès le plus complet possible". En clair, gagner toutes les courses importantes au moins une fois dans sa carrière.
Celui qui "joue" au cyclisme plus qu'il n'en fait pourrait donc s'amuser à cocher toutes les courses par étapes du calendrier World Tour. Pour le moment, il n'a remporté "que" le Tour des Émirats arabes unis (2021, 2022 et 2025), Tirreno-Adriatico (2021 et 2022), Paris-Nice (2023) et le Tour de Catalogne (2024).
S'il veut s'y atteler, "Pogie" a du pain sur la planche. Il est fort probable que du fait de leur prestige et de leur place dans le calendrier, il tente d'aller remporter au moins une fois les tours du Pays basque, du Dauphiné, voire de Romandie ou de Suisse. En revanche, difficile de l'imaginer en Pologne, au Renewi Tour, ou à celui du Guangxi en Chine.
Mais avec un appétit pareil, sait-on jamais.
11) Le record de l'heure
De la spéculation, on passe désormais au fantasme pur et simple concernant les travaux de Tadej Pogacar.
Parmi les mythes du cyclisme, il y a celui du record de l'heure, une performance se déroulant généralement sur piste et qui consiste à parcourir la plus grande distance possible en une heure. Au fil de l'histoire, ce record a été détenu par plusieurs légendes, dont Fausto Coppi, Jacques Anquetil et l'inévitable Eddy Merckx. Bradley Wiggins est le dernier vainqueur du Tour de France à l'avoir détenu, entre 2015 et 2019. Il est actuellement détenu par Filippo Ganna, qui a parcouru 56,762 km en 60 minutes en 2022.
12) Se lancer dans d'autres disciplines du cyclisme
À l'heure où les Thomas Pidcock et Mathieu van der Poel ne se cantonnent plus à la route pour les exploits, Tadej Pogacar pourrait-il aussi faire quelques incursions sur d'autres terrains que le bitume.
Agile sur un vélo, il pourrait ainsi regarder du côté du cyclo-cross s'il s'ennuie sur la route. Et aller taquiner son rival Mathieu van der Poel sur son terrain. Après tout, il a déjà remporté une manche de la Coupe de Slovènie dans la discipline en décembre 2021.
Il pourrait aussi se laisser tenter par l'émergente discipline du gravel, un vélo hybride destiné à rouler aussi bien sur route que sur les chemins caillouteux qui siérait à merveille au triple vainqueur des Strade Bianche.
Enfin, s'il veut s'inscrire dans les pas de Merckx, il pourrait également aller concourir sur piste à un moment de sa carrière. Le Cannibale avait conquis des titres de champion d'Europe de l'omnium et de l'américaine. Si tout est possible, pourquoi Pogi ne réussirait-il pas à être champion du monde ?