Tadej Pogacar remporte le Tour 2024 : une revanche, des exploits et des doutes
Jamais deux sans trois, dit l'adage. Pourtant, Tadej Pogacar aura longtemps attendu sa troisième victoire sur le Tour de France après ses succès en 2020 et 2021. La faute à l'émergence de Jonas Vingegaard qui, avec son équipe Visma – Lease a bike, a su museler le coureur d'UAE Emirates lors des Grandes boucles 2022 et 2023.
Pour Tadej Pogacar, ce maillot jaune à Nice dimanche 21 juillet a donc la saveur d'une revanche éclatante. Deux ans qu'il ruminait ses insuffisances face à son meilleur rival : "La rivalité avec Jonas m'a poussé à devenir meilleur", aura-t-il loué à longueur de ce Tour de France.
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Pour renverser la vapeur, Tadej Pogacar a fait évoluer ses méthodes d'entraînement. Il a changé d'entraîneur l'hiver dernier et travaillé ses points faibles : la chaleur et les longues montées. Il s'est aménagé des séances spécifiques, tout en travaillant sa position sur le vélo de chrono.
Malgré la résistance de Jonas Vingegaard jusqu'à la moitié du Tour de France, Tadej Pogacar n'a jamais paru aussi intouchable, dévorant toutes les étapes de haute montagne.
"Je me serais contenté d'une victoire. Avoir le maillot jaune, même sans gagner d'étape, aurait suffi à mon bonheur. Alors en avoir déjà cinq dans la poche, c'est plus que j'aurais pu rêver", a-t-il déclaré au soir de la 20e étape en haut du col de la Couillole.
Des records et des exploits à la pelle
À 25 ans, ce coureur tous terrains, aussi à l'aise dans les Flandriennes que dans les cols des Alpes, présente déjà un palmarès édifiant et fait même mieux parfois qu'Eddy Merckx, le plus grand de tous les temps, dont il a hérité du surnom de "Cannibale".
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En 2024, il a porté 39 jours le maillot de leader de grand Tour, en comptant ses vingt jours en rose sur le Giro. Un nouveau record pour le Slovène, qui devance désormais Merckx (37 en 1970) et Chris Froome (34 en 2017).
Avec six victoires d'étape, il n'est pas si loin des razzias d'Eddy Merckx (8 en 1970 et 1974) et de Bernard Hinault (7 en 1979), une époque lointaine où la densité du peloton professionnel était moindre.
Il est d'ailleurs le premier coureur depuis Marco Pantani en 1998 à gagner la même année le Tour d'Italie et le Tour de France, un exploit souvent considéré comme impossible tant l'enchaînement de ces deux grandes courses de trois semaines brise les corps.
Dans les montées proposées par le Tour de France, il a fait voler en éclats des records qui dataient des années Pantani et Armstrong, des années où le dopage régnait en roi dans le peloton. Au plateau de Beille, Tadej Pogacar a explosé le record de l'Italien de près de quatre minutes. "La performance du siècle", pour les suiveurs…
Les doutes de retour
Dans un cyclisme au passé trouble, le soupçon est de retour à mots couverts : "C'est comme si on ne faisait pas le même sport", a commenté le Norvégien Tobias Johannessen, sans pour autant accuser frontalement de triche.
"Pantani... je ne comprends plus rien au cyclisme, courage aux survivants dans les prochains jours", a ainsi grincé l'ex-sprinteur français Nacer Bouhanni sur les réseaux sociaux.
Le manager français de l'équipe belge Lotto, Stéphane Heulot, déclare pour sa part dans L'Équipe être "sur le cul" face aux écarts colossaux entre les meilleurs de ce Tour et les autres. Et invite à "toujours douter" vu le passé sulfureux de la discipline : "Ils sont des talents comme Pantani en était un. Mais j'espère qu'on est sortis de ce merdier-là…"
Lance Armstrong n'est pas loin de jeter de l'huile sur le feu des spéculations. L'homme aux sept victoires sur le Tour de France supprimées de son palmarès conseille à "Pogie" de faire profil bas : "Cela ne fait qu’augmenter l’attention sur lui. S’il y a des spéculations sur sa performance, ça n’aide pas. En agissant comme ça, tu ne te fais pas beaucoup d’amis", a-t-il déclaré dans son podcast "The Move" durant le Tour de France.
Les sceptiques dénoncent un cyclisme à deux vitesses, en prenant appui sur les écarts vertigineux entre Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard, Remco Evenepoel et le reste du plateau. Du côté des équipes, on se défend en arguant des progrès en termes de matériel, d'entraînement et de nutrition, et en faisant remarquer qu'un match de foot des années 1990 ne ressemble en rien à ceux d'aujourd'hui.
Dans Ouest-France, Alban Lorenzini, entraîneur, testeur de matériel et blogueur cycliste, estime qu'il y a une seule manière d'expliquer les performances des trois fantastiques : "Ils font quelque chose ou utilisent quelque chose que les autres n'ont pas", juge-t-il. "Les méthodes d'entraînement et le matériel sont des arguments pour se donner bonne conscience."
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