Nouvelle-Calédonie : l'accord de Bougival "aura des difficultés à recevoir l'adhésion de tout le monde et surtout du peuple kanak", estime le président du FLNKS
L'accord de Bougival, qui doit dessiner l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, "aura des difficultés à recevoir l'adhésion de tout le monde et surtout du peuple kanak", estime le président du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) Christian Tein, sur ICI RCFM (ex-France Bleu) mercredi 30 juillet. Le président du FLNKS est en Corse pour participer aux Journées internationales de Corte qui se dérouleront ce week-end, à l'initiative des indépendantistes de Nazione.
L'accord de Bougival a été signé à l'issue de dix jours de discussions à huis clos, notamment par la délégation du FLNKS. Mais de retour en Nouvelle-Calédonie, le front de libération a assuré n'avoir paraphé qu'un "projet d'accord". Ce texte fait suite aux émeutes de 2024 qui ont fait 14 morts et deux milliards d'euros de dégâts en Nouvelle-Calédonie. Pour Christian Tein, "contrairement aux accords de Matignon ou aux accords de Nouméa, pour faire pays ensemble, il faut déjà que tout le monde s'entende. L'accord de Bougival a été trop forcé par les représentants de l'État qui donne beaucoup de plus-values à la droite du pays".
L'accord de Nouméa, signé en 1998, avait instauré une autonomie progressive pour la Nouvelle-Calédonie. Avec cet accord de Bougival, "je pense qu'on n'a pas fait tout ce chemin en politique au niveau indépendantiste pour nous renvoyer à quasiment 40 ans en arrière, et même 50 ans en arrière, estime Christian Tein. Nos vieux ont fait des efforts considérables pour poser les bases du vivre-ensemble en disant qu'on allait reconnaître les victimes de l'Histoire".
"Aujourd'hui, on a l'impression que c'est l'État et les gens de droite qui vont décider du devenir du peuple kanak."
Christian Tein, président du FLNKSsur ICI RCFM
Il implore : "Ne gâchons pas l'avenir qui nous est ouvert. Quand on fait un accord, c'est pour rassembler les gens. C'est bien le principe d'un accord, mais si on commence à faire le choix de ceux qui doivent être dans cet accord, ça devient compliqué pour l'avenir de notre pays", poursuit le président du FLNKS. Il considère que le projet d'accord a été signé dans la précipitation, "le sujet du corps électoral a cristallisé les tensions au sein des populations du pays. Il fallait continuer à prendre le temps d'échanger là-dessus parce que c'est là que se joue le déséquilibre du pays. La notion même de peuple kanak a disparu au profit de celle de peuple calédonien. C'est tous ces ingrédients qui clivent notre manière de voir".
Dans les dix jours à venir va se dérouler le congrès du FLNKS, qui regroupe tous les partis indépendantistes. "Mais individuellement, il y a déjà plusieurs partis qui ont annoncé la couleur : l'accord de Bougival ne leur correspond pas, assure Christian Tein. Le grand mouvement de l'union calédonienne rejette en bloc le projet de Bougival". L'Union calédonienne (UC), l'une des principales composantes indépendantistes du FLNKS, dont Christian Tein est aussi l'un des cadres, avait déjà critiqué le texte dans un communiqué le 21 juillet. Elle avait déploré que les "fondamentaux du combat du peuple kanak n'y apparaissent pas".
Retrouver "le chemin de la confiance"
Christian Tein reconnaît que "le tissu économique du pays est par terre ! Mais, il y a une responsabilité partagée de tout le monde là-dessus, que ce soit l'État, le FLNKS et les anti-indépendantistes. Tout le monde se parle mais personne ne s'entend". Il faut "créer les conditions pour que nos jeunesses retrouvent le chemin de la confiance, de la reconstruction de notre pays", analyse-t-il. La Nouvelle-Calédonie a "des gisements de minerai, on a peut-être un des plus beaux lagons au monde, tous les dispositifs qui permettent une solvabilité économique, mais si la confiance n'y est pas, ce n'est même pas la peine de se projeter pour pouvoir se relancer et se retrousser les manches pour reconstruire son pays. Ça suppose que les gens s'entendent", conclut Christian Tein.
La décision de congrès du FLNKS pour arrêter une position finale de tous les mouvements indépendantistes sur l'accord de Bougival est prévu le 2 août, sous réserve de report selon l'avancée des discussions.