Création d'un Etat de Nouvelle-Calédonie, nationalité, corps électoral... Ce que contient l'accord "historique" signé entre l'Etat et les forces politiques du territoire

C'est un accord "historique", selon ses signataires. L'Etat et les forces politiques de Nouvelle-Calédonie, réunis depuis dix jours, ont signé, samedi 12 juillet, un accord à Bougival (Yvelines). Le texte d'une dizaine de pages, que France Télévisions a pu consulter, doit encore être entériné en Nouvelle-Calédonie par les mandants des différentes délégations. Il constitue "une nouvelle étape sur la voie de la décolonisation et de l'émancipation, dans le respect des principes démocratiques et de l'État de droit", détaille son préambule.

Peu après l'annonce, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a salué "le choix du courage et de la responsabilité". "Un accord historique a été signé", ont de leur côté réagi dans un communiqué les non-indépendantistes des Loyalistes et du Rassemblement. "C'est signé. Un statut dans la France. Avec des Calédoniens qui restent Français", a affirmé le député non indépendantiste Nicolas Metzdorf dans une réaction transmise à l'AFP. "C'est un compromis équilibré pour les uns et les autres", a réagi auprès de Nouvelle-Caledonie La 1ere Victor Tutugoro, élu indépendantiste et qui faisait partie des négociations. Voici les principaux points de l'accord.

La création d'un Etat de Nouvelle-Calédonie

Un "Etat de la Nouvelle-Calédonie" inscrit dans la Constitution de la République française sera créé, selon l'accord. Il pourra être reconnu par la communauté internationale. Le gouvernement s'engage à présenter une loi organique pour modifier la Constitution qui "sera adoptée et modifiée (...) après avis du Congrès de la Nouvelle-Calédonie". Dans le même temps, le Congrès du territoire aura la possibilité de demander des transferts de compétences "de nature régalienne" dans les champs suivants : "défense, monnaie, sécurité et ordre public, justice et contrôle de légalité." Paris accompagnera ces transferts et une "consultation" de la population calédonienne devra être organisée pour les valider, précise l'accord.

Parallèlement, l'accord prévoit que la Nouvelle-Calédonie adopte début 2026 une Loi fondamentale, "consacrant sa capacité d'autoorganisation". Elle pourra modifier "les signes identitaires du pays (nom, drapeau, hymne, devise...)", "accueillir une charte des valeurs calédoniennes inspirée de l'ensemble des valeurs qui animent les Calédoniens d'aujourd'hui", mais aussi "inclure un code de la citoyenneté". Le texte ajoute que la Loi fondamentale donnera "une capacité accrue à réformer ses institutions" à la Nouvelle-Calédonie, notamment en réorganisant son organisation interne.

La mise en place d'une nationalité calédonienne

Parmi les points les plus importants, l'accord prévoit la création d'une nationalité calédonienne "sur la base de critères bien précis". "Les Calédoniens bénéficieront d'une double nationalité, française et calédonienne" et "conserveront la citoyenneté européenne", précise le texte, qui ajoute qu'il ne sera pas possible de renoncer à sa nationalité française, sous peine de perdre aussi sa nationalité calédonienne. La mise en place de cette mesure interviendra "au cours du mandat du Congrès débutant en 2026".

L'obtention de la nationalité calédonienne sera conditionnée au remplissage d'au moins l'un des cinq critères définit par le texte : "avoir été admis à participer à l'élection des assemblées de province et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie de 2026", avoir un parent "remplissant les conditions d'acquisition de la nationalité calédonienne", être né "en Nouvelle-Calédonie de parents ne remplissant pas les conditions d'acquisition (...) et y résider à la date de la demande", résider sur le territoire "depuis au moins dix années à la date de la demande d'acquisition" ou "être uni depuis au moins cinq années par le mariage" ou un PACS à une personne calédonienne. 

De nouvelles règles encadrant le corps électoral

L'accord s'intéresse à un sujet sensible : le corps électoral, dont la réforme avait été à l'origine des émeutes meurtrières de mai 2024, qui ont fait 14 morts. Plusieurs cas de figure sont détaillés par les auteurs du texte. Concernant l'approbation de l'accord, qui sera soumis aux électeurs "fin novembre", ou plus vraisemblablement en "février" 2026 selon le ministère des Outre-mers, le corps électoral sera composé selon les mêmes critères que pour les trois référendums sur l'indépendance du territoire, définis lors des accords de Nouméa en 1998. Cette liste "sera complétée des nouveaux électeurs remplissant les critères préalablement mentionnés" concernant la nationalité calédonienne. 

Pour les élections du Congrès de 2026, s'y ajouteront les électeurs autorisés à voter pour les élections locales et ceux nés sur le territoire ou qui y résident "depuis au moins quinze années". Pour participer aux scrutins suivants, l'accord précise simplement qu'il faudra être "de nationalité calédonienne".

Une "refondation économique et financière"

Le projet d'accord prévoit également "un pacte de refondation économique et financière". Il appelle notamment à "l'indispensable assainissement des finances publiques locales et le redressement des comptes sociaux" et "un retour à la soutenabilité de la dette publique calédonienne". Les auteurs prévoient une "relance" et une "diversification économique" du territoire.

Le texte prévoit également un "plan stratégique" pour la filière nickel "en vue d'atteindre un équilibre économique pour la valorisation de cette ressource stratégique pour le territoire et pour la souveraineté industrielle française et européenne". Les signataires se sont ainsi mis d'accord sur "la relance d'une activité de transformation du nickel en province Nord dans l'objectif d'équilibre du territoire".

Un engagement politique qui n'est pas un accord final

Le document signé à Bougival n'est pas un accord définitif, mais un engagement des délégués politiques à présenter et défendre un texte commun devant leurs bases respectives en Nouvelle-Calédonie, où il pourrait faire des remous. "L'ensemble des partenaires s'engage à présenter et à défendre le texte en l'état de l'accord sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie", dit le texte.

Les formations politiques calédoniennes devront donc obtenir l'adhésion de leurs mandants dans les prochaines semaines, à commencer par les indépendantistes du FLNKS, qui doivent tenir un congrès dès la fin de la semaine prochaine, a confié une source proche du dossier à franceinfo. 

La mise en œuvre de cet accord nécessite une révision de la Constitution française, qui pourrait être adoptée par le Parlement en Congrès à Versailles à l'automne. L'accord prévoit qu'après cette étape, soit organisé le référendum en Nouvelle-Calédonie.