Youporn, Pornhub et Redtube à nouveau suspendus en France après leur refus de se plier à la vérification d’âge

Le bras de fer se poursuit entre l’État français et les géants de la pornographie en ligne Youporn, Pornhub et Redtube. Les trois plateformes sont de nouveau inaccessibles dans l’Hexagone, depuis que le Conseil d’État a décidé, mardi 15 juillet, de rétablir la vérification d’âge pour les utilisateurs des sites pornographiques installés dans l’Union européenne (UE) et hors de France.

Dans sa décision, le Conseil d’État a jugé que le critère d’urgence, nécessaire dans le cas d’un référé en suspension, n’était pas rempli. La justice administrative, également saisie par un recours pour excès de pouvoir, devra encore se prononcer sur le fond. Cette décision prolonge ainsi le duel ininterrompu depuis plusieurs mois entre plusieurs plateformes et le gouvernement français.

Le groupe s’attaque à la loi française

« Les contestations juridiques, les décisions et les revirements en cours mettent clairement en évidence une chose : l’absence de direction, l’absence de solution globale et (…) le dysfonctionnement législatif », a par exemple réagi Aylo, géant du secteur, dans un message posté en une de ses principaux sites, accompagné d’une image évoquant le tableau « la Liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix. La maison mère de Youporn, Pornhub et Redtube avait déjà suspendu l’accès aux contenus produits sur ses trois sites début juin, avant de les rétablir au bout de deux semaines. Le groupe installé à Chypre profitait alors de la suspension de l’arrêté ministériel les obligeant à vérifier l’âge de ses utilisateurs.

Le groupe s’attaque ainsi à une loi française datant de 2024, qui oblige les éditeurs de sites pornographiques à mettre en place un système d’identification empêchant les mineurs d’y accéder, sous peine de sanctions de l’Arcom. Le gendarme du numérique et de l’audiovisuel est en droit d’aller jusqu’au blocage des sites incriminés. La décision du Conseil d’État permet donc au régulateur de « reprendre son action ».

« YouPorn et Pornhub face au mur, s’est, de son côté, félicitée la ministre chargée du Numérique, Clara Chappaz, sur son compte X. Les manœuvres juridiques pour ne pas protéger les enfants ne fonctionnent pas. » Avec la ministre de la Culture, Rachida Dati, elle avait saisi la plus haute juridiction administrative dans le cadre d’une procédure en référé – donc en urgence. Les deux ministres demandaient l’annulation de la suspension d’un arrêté interministériel pris en mars.

Ce dernier oblige les sites pornographiques hébergés dans l’UE, mais hors de France, à vérifier l’âge des internautes, afin d’interdire l’accès des mineurs à ces plateformes. Contesté par Hammy Limited, une entreprise du secteur des films pour adultes également installée à Chypre, et qui opère notamment la plateforme Xhamster, l’arrêté avait été suspendu mi-juin par le tribunal administratif de Paris.

La mise en place du « double anonymat »

Depuis la loi de 2024, puis la publication par l’Arcom d’un référentiel sur les moyens disponibles pour vérifier l’âge des utilisateurs, certains sites contestent cette obligation, évoquant notamment la question de la sécurité des utilisateurs. Selon les critères mis en place par l’Arcom, les sites sont obligés de proposer à leurs utilisateurs plusieurs méthodes de connexion, dont au moins une permettant le « double anonymat », c’est-à-dire la possibilité de ne pas révéler au site son identité.

Une solution remise en cause par Aylo, qui affirme que ce type de mesure « met en péril la vie privée de chacun ». Selon le groupe, la législation française « conduit le trafic vers des milliers de sites qui contournent délibérément les réglementations, ne vérifient pas l’âge des participants dans les contenus et encouragent activement les utilisateurs à contourner la loi ».

« Les législateurs doivent comprendre que les contenus pour adultes existent sur des centaines de milliers de plateformes, et pas seulement sur les 17 sites désignés dans l’arrêté ministériel », plaide le géant du secteur, qui appelle à ce que la vérification de l’âge se fasse au niveau des appareils (ordinateurs, téléphones, etc.) et non lors de l’accès aux sites. Une tentative de sauver un empire financier bâtit sur la pornocriminalité, alors que pèse la menace d’un contrôle plus attentif des États.

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