Avant sa guerre contre les États-Unis, le Vietnam avait lutté contre le colon français
En 1945-1946, la politique française avait été à la croisée des chemins. Fallait-il, au nom des intérêts anciens dans la région, tenter de revenir au statu quo ante, ce qui signifiait, dans les conditions de fièvre que connaissait alors l’Indochine, entreprendre une guerre de reconquête ? Ou bien fallait-il accepter le vent d’émancipation qui soufflait alors sur toute l’Asie ? Ce fut, pour le malheur des peuples d’Indochine, mais aussi pour le déshonneur d’une France qui aurait dû comprendre que le « bon temps des colonies » était fini, la seconde solution qui s’imposa.
Dans un premier temps, les maquis vietnamiens, mis en place par Vo Nguyen Giap, furent en état de faiblesse face à la machine moderne de l’armée française. En France, droite et Parti socialiste menaient la guerre, le PCF entama tardivement et d’abord timidement une campagne de protestation. Dans le monde, déjà, les États-Unis, au nom de l’anticommunisme, soutenaient la politique française, alors que l’URSS n’accorda longtemps aucune importance à ce « petit pays ».
Les maquis communistes chinois étaient encore à des milliers de kilomètres de ceux de Giap. Les premiers navires chargés d’armes américaines arrivent à Saigon en mars 1950. La guerre de Corée, qui éclate en juin, confirme l’évolution : la guerre froide a désormais un front chaud en Asie.
Le PCF, longtemps seul à combattre le conflit
En Indochine même, le rapport des forces évolue. Les troupes régulières vietminh accrochent de plus en plus sérieusement le corps expéditionnaire. En octobre 1950, celui-ci connaît un premier désastre (bataille dite « des frontières » ou « de la RC 4 »). Par ailleurs, les espoirs portés sur l’armée baodaiste s’effondrent.
Désormais, les soldats français et leurs alliés sont sur la défensive, malgré le redressement provisoire opéré par le général de Lattre dans l‘année 1951. L’aide américaine, croissante (jusqu’à 78 % des coûts en 1954, plus des conseillers que les Français sur place trouvent d’ailleurs un peu envahissants), ne change pas fondamentalement la situation.
En France, cette guerre qui avait commencé dans une certaine indifférence ressurgit à chaque combat perdu. Le PCF, longtemps seul à combattre le conflit, est rejoint par d’autres voix (Jean-Paul Sartre, l’équipe de l’Observateur, l’aile gauche de la SFIO, la gauche chrétienne…). D’autres, pour des raisons fort différentes, critiquent l’obstination française, qui n’a plus réellement de justification nationale. En octobre 1950, le leader radical Pierre Mendès France fait sa première critique publique. Il est ensuite rejoint par François Mitterrand et Édouard Daladier.
En 1953, après sept années de guerre, tous les observateurs savent désormais que ce conflit est ingagnable. Les zones contrôlées par le Vietminh s’étendent chaque jour davantage. Les infiltrations dans celles qui restent officiellement françaises s’accroissent. La situation politique est catastrophique. Le prestige de Bao Dai fait pâle figure à côté de celui de Ho Chi Minh.
Un nouveau commandant en chef, le général Navarre, tente un ultime coup : attirer le gros des forces vietminh dans un lieu choisi, lui imposer une épreuve de force et lui briser les reins. Le lieu choisi est une vaste cuvette du nord-ouest du pays, Dien Bien Phu. Mais ce calcul s’avère catastrophique. Le 7 mai 1954, c’est le contraire qui se produit. L’élite de l’armée française doit s’avouer vaincue. Il n’y a plus d’espoir de victoire militaire en Indochine, sauf à imaginer une internationalisation par l’intervention directe des États-Unis, ce que le président Eisenhower ne veut envisager.
La drôle de paix de Genève
Les travaux de la conférence de Genève commencent au lendemain même de Dien Bien Phu (8 mai 1954). La délégation française, conduite par Mendès France, a la sagesse de reconnaître la situation. Les travaux aboutissent, le 20 juillet, à la signature d’un accord franco-vietnamien garanti par la communauté internationale.
Le Cambodge et le Laos voyaient leur neutralité et leur intégrité territoriale (seul le nord du Laos restait aux mains du Pathet Lao, allié du Vietminh) confirmées. Le Vietnam, pour sa part, était divisé en deux zones, de part et d’autre du 17e parallèle. Mais il était expressément spécifié que cette coupure était technique. Et, surtout, provisoire : des élections générales, prélude à une réunification pacifique, devaient avoir lieu avant juillet 1956.
En fait, on sait aujourd’hui que l’unité du Vietnam a été sacrifiée sur l’autel de la coexistence pacifique. Aucune des grandes puissances n’était décidée à faire observer les clauses de Genève. La France de Mendès, à partir de novembre 1954 (guerre d’Algérie), a d’autres soucis. Elle reconnaît sans difficulté que son rôle hégémonique dans cette partie de l’Extrême-Orient est achevé. L’URSS et la Chine populaire contestent à Ho Chi Minh le droit de mettre en danger l’équilibre précaire des forces au nom d’une cause qui ne leur paraît pas primordiale. La RDV se retrouve seule, piégée.
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