« Vietnam, la naissance d’une nation » sur Arte : 30 ans de lutte pour l’indépendance racontée par ceux qui l’ont vécu

La plupart des documentaires sur l’histoire récente du Vietnam se concentrent sur la guerre d’Indochine, entre 1945 et 1954 ou sur celle impliquant les États-Unis, entre 1955 et 1975. Cette série de quatre épisodes de 52 minutes signée Lucio Mollica et Philipp Gromov embrasse une période beaucoup plus large, de la conquête par la France, sous le Second Empire, de ce territoire qui deviendra une région de l’Indochine ; à la réunification du pays en 1975, et même au-delà, explorant les conséquences d’années de guerre civile sur la population.

La série passe vite sur les premières décennies de colonisation et la Seconde Guerre mondiale, pour se fixer sur les combats pour l’indépendance, de 1945 quand il fallut batailler contre le colonisateur français ; jusqu’en 1975, et le départ de l’armée américaine, alliée du gouvernement du Sud-Vietnam. Voire un peu au-delà, jusqu’au retour d’une partie des exilés, et le départ de familles de collaborateurs américains craignant les représailles…

Guerre du Vietnam : les témoignages d’un peuple en lutte pour sa liberté

On n’imposera à personne ici la (re) lecture de la tragique histoire, sur trente ans, du peuple vietnamien pour sa libération. Les réalisateurs ont respecté la chronologie qui fera revivre à chacun les drames de ce pays, de son déchirement en deux territoires et deux camps, communiste et capitaliste, à sa difficile reconstruction par un peuple durablement marqué dans sa chair et son esprit. L’originalité de leur travail est à apprécier dans le soin qu’ils ont pris à rendre cette histoire intime.

Les Vietnamiens ne sont pas ici des personnages secondaires et passifs de leur propre histoire. Le documentaire « renverse la perspective habituelle des films consacrés à la guerre du Vietnam », avance Arte, en donnant la parole à des acteurs de première ligne. On y entend des enfants métis de soldats marocains enrôlés par la France, des compagnes de GI contraintes de confier les enfants nés de ces unions aux services sociaux américains, des vétérans des armées Viêt-Minh et Viêt-Cong, mais aussi du Sud-Vietnam, des combattantes communistes du Nord et des militantes clandestines du Sud, mais aussi une descendante de la famille royale, le fils de l’ancien secrétaire général du Parti communiste du Sud-Vietnam, Lê Duân… Une richesse de points de vue loin des caricatures qui parfois tiennent lieu d’analyse dans nombre de films précédents.

Les réalisateurs manient cette matière avec délicatesse, l’enrichissant d’un impressionnant fonds d’archives prêtées par les autorités vietnamiennes. On verra notamment des images très peu diffusées d’exactions de l’armée « régulière » du Sud-Vietnam pratiquant noyades, bastonnades et torture, y compris la fameuse « gégène » qui sera plus tard utilisée par l’armée française en Algérie. La démarche est assez inédite pour être soulignée. Et même si la parole s’équilibre entre anciens adversaires, regrettant parfois leurs engagements (mais pas tous), le film donne à voir sur le temps long une lutte exemplaire et nécessaire pour l’indépendance.

Vietnam, la naissance d’une nation, Arte, mardi 28 avril, 21 heures