Gaza : deux soldats franco-israéliens visés par une plainte pour crimes contre l’humanité et crime de génocide
C’est un dossier qui pourrait constituer un tournant dans le traitement judiciaire du génocide en cours à Gaza. La Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH), et cinq autres organisations, dont la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), déposent ce mardi, une plainte avec constitution de partie civile auprès du Pôle crimes contre l’humanité du Tribunal judiciaire de Paris.
Cette plainte vise Sasha A et Gabriel B, deux soldats franco-israéliens accusés d’avoir participé à des exécutions sommaires dans le bande de Gaza, entre novembre 2023 et mars 2024. Ces deux soldats font partie de la « Ghost Unit », une unité de tireurs d’élite de l’armée israélienne essentiellement composée de binationaux dont l’existence et les exactions ont été révélées par une enquête du journaliste palestinien Younis Tirawi.
Le 17 octobre 2024, une première plainte visant un belgo-israélien membre de cette unité avait été déposée par l’Association Belgo-Palestinienne (APB). Des plaintes similaires devraient aussi être déposées en Allemagne et en Italie prochainement.
Une nouvelle plainte contre des binationaux
Ce nouveau dossier à l’encontre de soldats binationaux intervient dans un contexte judiciaire particulier. Déjà en décembre 2024, la FIDH annonçait porter plainte contre un autre soldat franco-israélien, Yohel O, pour des faits de tortures de prisonniers palestiniens. Malgré une vidéo accablante partagée sur les réseaux sociaux, ainsi que des témoignages de Gazaouis recoupant les faits, aucune enquête n’a, pour l’heure, été ouverte.
Début juin, le Parquet national antiterroriste (Pnat) annonçait l’ouverture de deux informations judiciaires pour des chefs de « complicité de génocide, provocation publique et directe au génocide suivie d’effet et complicité de crimes contre l’humanité » à l’encontre de deux Franco-israéliens accusés d’avoir participé à des blocages de l’aide humanitaire destinée à Gaza. Cet autre dossier est aussi basé sur des vidéos postées par les mis en cause.
Mais ce qui fait vraiment la spécificité de ce nouveau dossier, c’est qu’il s’appuie principalement sur l’immense travail d’enquête du journaliste Younis Tirawi. En octobre 2024, il publie sur son compte X une longue vidéo retraçant son travail de renseignement en sources ouvertes pour identifier l’existence de la « Ghost unit » et ses exactions. Exactions qui ont ensuite été recoupées par les juristes d’associations palestiniennes via des témoignages de civils.
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— Younis Tirawi | يونس (@ytirawi) October 4, 2024
In an unprecedented & biggest investigation into war crimes in Gaza, we expose the elite & secretive IDF sniper team, the Ghost Unit "Refaim" & their brutal executions of unarmed civilians
Soldiers from Paris, Munich, Illinois, Brussel, Johannesburg, Italy-> pic.twitter.com/0N2asIubvV
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Paramétrer mes cookiesLes soldats israéliens « ne font pas la distinction entre combattants et civils »
Comme un symbole du sentiment d’impunité qui règne dans les rangs de l’armée israélienne, c’est une vidéo postée sur Youtube par un des soldats qui a d’abord permis au journaliste d’identifier les 47 hommes qui composent cette unité de snipers puis de géolocaliser des exécutions de civils à Khan Younes et Gaza City, dont plusieurs aux environs de l’hôpital Al-Quds.
Il est aussi parvenu à interviewer l’un de ses gradés, Daniel Raab, un américano-israélien connu outre-Atlantique pour avoir été à la tête d’un mouvement étudiant suprémaciste et sioniste. Au cours de son interview, le soldat affirme fièrement avoir tué au moins 120 personnes et explique que du point de vue militaire, toute personne présente dans la « zone d’action » est considérée comme une cible.
« Je pense que si on prenait une carte pour délimiter les zones telles qu’il les définit, cela recouvrirait une grande partie de la bande de Gaza. Il dit clairement que les civils ne sont pas informés de ces zones mais qu’ils ne peuvent pas y entrer », détaille Aleixs Deswaef, avocat et vice-président de la FIDH. Il rajoute que ces éléments confirment que les soldats israéliens « ne font pas la distinction entre combattants et civils ».
« Il suffirait d’une condamnation pour envoyer un message très fort »
Selon les avocats qui suivent le dossier, une telle affaire pourrait justement mettre à mal cette impunité. « On a tellement bafoué le droit international qu’il va y avoir un retour de bâton, on ne peut pas imaginer que ces affaires ne prospèrent pas et qu’il n’y ait pas d’enquête. Sinon, on fait le lit des bourreaux d’aujourd’hui et de demain », affirme Emmanuel Daoud, avocat qui suit le dossier pour la LDH.
« Nous avons la conviction qu’il suffirait d’une condamnation pour envoyer un message très fort, que le temps de l’impunité est terminé. (…) Nous devons juger ces soldats, et le plus rapidement possible, pour mettre fin à ce cycle infernal où l’impunité nourrit le crime suivant », analyse Alexis Deswaef.
Depuis le 7 octobre 2023, au moins 57 200 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne, dont plus de 19 000 enfants. Dans son communiqué, la FIDH estime à 4 000 le nombre de ressortissants français actuellement en service dans les rangs de l’armée. Si l’impunité des crimes de génocide n’est pas près de s’estomper en Israël, il serait temps qu’il en soit le cas en France et plus largement sur la scène internationale.
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