Pour la gauche, quelles alternatives face au budget Macron-Bayrou ? (2/2)

La justice fiscale aurait permis de fournir des recettes supplémentaires. Une censure du gouvernement aggraverait la situation économique

Mickaël Bouloux

Député PS d’Ille-et-Vilaine, membre de la commission des Finances

En déclenchant l’article 49.3 sur le projet de loi de budget pour 2025, François Bayrou démontre qu’il n’est pas l’homme de compromis qu’il prétend. Depuis début janvier, socialistes, communistes et écologistes ont réussi à arracher plusieurs infléchissements : la réindexation des retraites, l’annulation de la suppression de 4 000 postes d’enseignant, l’abandon du déremboursement des médicaments et des consultations, l’augmentation du budget de l’hôpital public, la multiplication par 3 du fonds d’urgence pour les Ehpad, une aide aux maires pour la construction de logements ou encore l’ouverture d’une conférence sur les retraites pour revenir sur la réforme injuste de 2023. Ces concessions obtenues, j’avais décidé de ne pas voter la censure le 16 janvier dernier, tout en soulignant qu’il ne s’agissait pas d’un blanc-seing pour autant.

Cependant, à l’issue de la commission mixte paritaire (CMP), le projet de loi de finances pour 2025 demeure un budget austéritaire et n’est pas celui qu’un gouvernement de gauche aurait proposé. Face aux déficits publics, plutôt que de couper drastiquement les dépenses dans la culture, le sport, la recherche ou l’enseignement supérieur, il aurait été nécessaire de dégager des recettes supplémentaires via une justice fiscale et une solidarité accrue des plus hauts revenus et patrimoines, et des grandes entreprises.

De fait, moins de 10 % de la fortune des milliardaires français pourrait couvrir à elle seule l’objectif de 50 milliards d’économies visé par le gouvernement, et rétablir l’impôt sur les sociétés aurait rapporté 11 milliards d’euros par an. Malheureusement, le gouvernement refuse cette inflexion et se montre plus sensible aux menaces du patron de LVMH, Bernard Arnault, de délocaliser ses activités.

Ainsi, le gouvernement renonce à mettre en place une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises au-delà d’une année. Cette surtaxe, qui rapportera 8 milliards d’euros à l’État, est pourtant peu contraignante comparée aux 204 milliards d’aides publiques dont bénéficient les entreprises. De même, alors que le dérèglement climatique s’accélère et qu’un plan écologique et climatique d’envergure, indissociable du progrès social, est indispensable, le discours écologique du gouvernement est désespérément inexistant.

Malgré tout, entre un budget austéritaire et une censure du budget qui fragilisera notre économie, il faut choisir entre le moins pire des deux scénarios. L’absence prolongée de budget est un risque pour notre économie que paieraient d’abord les plus vulnérables. Aussi, parce qu’il est temps de donner un budget à la France, mes collègues socialistes et moi-même ne censurerons pas le gouvernement sur ce texte. En revanche, après son adoption, nous déposerons une motion de censure sur les valeurs de la République et de la démocratie. Concéder un budget à la France est une chose, laisser faire les appels du pied de M. Bayrou à l’extrême droite quand il parle de « sentiment de submersion migratoire » en est une autre.

Le texte de la CMP reprend l’esprit du budget initial proposé par le gouvernement Barnier. Nous n’avons pas d’autre choix que de le censurer

Danielle Simonnet

Députée l’Après de Paris, membre du groupe Écologiste et social

Le débat budgétaire, commencé en octobre dernier, n’en finit pas. Pourquoi ? Est-ce, comme veulent le faire croire le gouvernement et une partie des médias, parce que des parlementaires de gauche bornés et irresponsables ont décidé de « prendre en otage » le pays en l’empêchant d’avoir un budget pour 2025 ? Évidemment non.

Les parlementaires du NFP souhaitent bien sûr qu’un budget soit adopté. Ils et elles ont voté en novembre dernier pour la partie recettes du budget à l’Assemblée nationale, rejetée par l’alliance des macronistes, de LR et du RN. Grâce à la bataille d’amendements, elle offrait au pays 60 milliards de recettes supplémentaires, prises sur les plus riches et les grandes entreprises. La dette est due à un manque de recettes et non à trop de dépenses !

Le texte issu de la commission mixte paritaire reprend l’esprit du texte initial du gouvernement. C’est un budget qui préserve les cadeaux aux plus riches, sabre dans la dépense publique, pénalisant toutes et tous, et attaque durement les plus démuni·es en coupant le budget de l’AME (aide médicale d’État).

Nous ne pouvons accepter un budget qui piétine le vote des électrices et électeurs qui ont dit leur refus de la poursuite de la politique austéritaire de Macron et ont élu une Assemblée très majoritairement favorable à l’abrogation de la réforme des retraites. Le point de blocage tient dans le refus des macronistes d’accepter leur défaite et de changer de politique.

Il tient dans leur choix de tout faire, jusqu’à remettre leur destin entre les mains de l’extrême droite, jusqu’à user de tous les rouages antidémocratiques de la Ve République, pour ne pas appliquer les mesures de gauche portées par le programme du NFP. Ce que nous portons est pourtant élémentaire : un budget doit avant tout répondre aux besoins sociaux et à l’urgence écologique.

Ces besoins sont simples : pouvoir vivre en bonne santé sans se tuer au travail, et donc pouvoir profiter de sa retraite, ce qui suppose d’abroger la réforme inique imposée par Mme Borne par 49.3. Avoir accès à des soins de bonne qualité avec des soignants en effectif suffisant, à une éducation gratuite et de qualité pour nos enfants, à des services publics sur tous les territoires. Pouvoir se loger toutes et tous, dignement, sans y laisser plus d’un tiers de ses revenus. Prendre en compte l’urgence climatique et engager une bifurcation de notre mode de vie et de production pour préserver notre écosystème. Soutenir une trajectoire vers 100 % énergies renouvelables, soutenir le fret ferroviaire, l’agriculture paysanne et bio et donner les moyens à la rénovation énergétique du bâti.

Notre rôle en tant que parlementaires est de composer un budget qui réponde à ces besoins et urgences, et de trouver pour cela un financement juste, qui donc prenne bien plus aux plus riches, dont la fortune a doublé depuis 2017 et même quadruplé pour leur porte-parole Bernard Arnault. Entre défendre l’intérêt général ou celui de Bernard Arnault et ses amis, le gouvernement semble persister dans son choix. Nous n’aurons donc pas d’autre choix que de le censurer.

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