Pourquoi il faut sauver l’encadrement des loyers
« À l’heure où le logement est le premier poste de dépense des ménages et où les expulsions locatives ont explosé pour atteindre 25 000 ménages en 2024, ce dispositif est on ne peut plus précieux, car il concourt à la modération des loyers », martèle Christophe Robert, délégué général de la Fondation pour le Logement, qui publie pour la cinquième année un Baromètre de l’encadrement des loyers.
Une règlementation inégalement appliquée
Depuis 2019, à Paris par exemple, ce dispositif a permis aux locataires d’économiser, en moyenne, 1700 euros par an, selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR). Mais cette réglementation, plébiscitée par les locataires et appliquée désormais dans près de 70 communes, est encore très inégalement respectée par les bailleurs, selon les territoires. Les résultats sont satisfaisants dans les grandes villes entrées récemment dans le dispositif, en particulier à Montpellier, où seulement 12 % des loyers proposés sont au-dessus des plafonds légaux, ou encore à Lyon-Villeurbanne (24 %) et Bordeaux (25 %). Ils restent moyens à stables à Paris (31 %) et à Lille (31 %), villes pionnières de l’encadrement.
Les tendances sont en revanche inquiétantes en banlieue parisienne, notamment à Est-Ensemble (38 %) et Plaine-Commune (59 %) où le respect de l’encadrement a fortement chuté en un an, atteignant des niveaux inédits de dépassement des loyers-plafonds. Quant aux nouveaux entrants, ils affichent de premiers résultats à améliorer, avec 38 % de dépassements des loyers en Pays Basque et 45 % à Grenoble. Au total, dans l’ensemble des villes analysées, 32 % des annonces dépassent les plafonds de loyers, un chiffre en hausse de 4 points par rapport à 2024. « L’encadrement des loyers se diffuse mais son respect est de plus en plus inégal », résume la Fondation.
La palme du dépassement de loyer aux petites surfaces et passoires thermiques
Le plus grave, c’est que les loyers crevant le plafond sont ceux des personnes les plus fragiles (personnes seules, étudiants, etc.) car ils concernent les petites surfaces, les appartements mal isolés et les meublés : 90% des logements de 10m2 ou moins sont surévalués, et les propriétaires de passoires thermiques (classées G) n’hésitent pas non plus à gonfler la note. Enfin, les meublés s’avèrent aussi particulièrement concernés : 41 % d’annonces illégales, contre 27 % pour les locations nues.
C’est pourquoi la Fondation pour le logement réclame des contrôles renforcés, d’autant qu’« à l’instar des bailleurs privés, les agences et les plateformes de locations n’hésitent pas à publier en toute illégalité des annonces avec un loyer dépassant le plafond autorisé », souligne Eléonore Schmitt, chargée de plaidoyer à la Fondation pour le logement. « Beaucoup d’annonces illégales sont publiées par des multipropriétaires, ajoute Antoine Boussard, coordinateur de la Brigade associative inter-locataires (BAIL), ce qui rend le rapport de force assez inégal dans un contexte de grande tension du marché locatif privé. »
Exiger des propriétaires le remboursement des trop-perçu
Le responsable de cet organisme, qui accompagne les locataires souhaitant faire respecter leurs droits, notamment en demandant le réajustement de leurs loyers et le remboursement des sommes trop perçues, plaide pour des dispositifs de contrôle renforcés en amont par les pouvoirs publics, « pour éviter que la charge administrative du respect de la loi repose uniquement sur le locataire victime ». Certaines villes comme Paris ou Lyon sont cependant très réactives et ont mis en place des plateformes de signalement pour les locataires abusés. Dans la capitale, depuis l’entrée en vigueur du dispositif, 4000 signalements ont permis aux locataires de se faire rembourser 3300 euros de trop perçu.
« L’heure est désormais au renforcement du contrôle du respect de cette loi utile mais trop longtemps négligée par l’État, et surtout à sa pérennisation », plaide la Fondation pour le logement. En effet, l’encadrement des loyers, rendu possible par la loi Alur de 2014, puis restreint par la loi Elan de 2018 aux seules collectivités volontaires, est un dispositif expérimental qui doit s’achever en novembre 2026. Saluant les différentes initiatives parlementaires en faveur d’une loi sur l’encadrement des loyers, le directeur de la Fondation pour le logement a annoncé qu’avec une dizaine d’associations, son organisation lançait une grande pétition. Une manière de donner le coup d’envoi de sa campagne pour pérenniser et améliorer l’encadrement des loyers. À quelques mois des élections municipales, les citoyens pourront interpeller les candidats sur cette question.
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