Alors que la dermatose nodulaire touche de plus en plus de troupeaux sur le territoire français, les éleveurs s'enflamment. "Pour sauver toute la filière, l'abattage est la seule solution", a déclaré vendredi 12 décembre la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, alors que les zones de vaccination des troupeaux s'élargissent, en particulier dans le Sud-Ouest.
Les mots de la ministre ont achevé d'échauder des agriculteurs déjà dépassés par la situation. "La fin de l’abattage total, ce doit être aujourd'hui !", rétorque la Confédération paysanne, qui "appelle à des blocages partout en France". Dans ce contexte de tensions croissantes, les vétérinaires, qui procèdent aux abattages, sont particulièrement visés.
"Des adresses personnelles circulent sur les réseaux sociaux"
Ces derniers jours, des violences et des messages haineux se multiplient à leur encontre. "On a vécu des crises sanitaires, mais il est vrai qu'un tel déchaînement de haine, c'est du jamais vu", déplore Matthieu Mourou, vice-président du Conseil national de l'ordre des vétérinaires (Cnov). Jeudi soir, plusieurs centaines d'agriculteurs ont tenté d'empêcher l'abattage d'un troupeau en Ariège, allant jusqu'à des heurts avec les forces de l'ordre. Mais avant, ce sont les vétérinaires, censés procéder à l'abattage, qui ont été pris à partie et menacés.
"Quand vous arrivez, que 500 personnes vous bloquent le passage, vous hurlent dessus, vous insulte, et disent : 'On aura votre peau !' On ne peut pas minimiser ce genre de choses."
Matthieu Mourou, vice-président du Cnovà franceinfo
"Des adresses personnelles circulent sur les réseaux sociaux. À partir de ce moment-là, potentiellement vous pouvez vous attendre à ce qu'il y ait des actions contre les domiciles des personnes", s'inquiète Matthieu Mourou. Il relate également le témoignage de consœurs, qui "ont passé des heures et des heures dans un véhicule blindé pour attendre que ça se calme".
"Vous méritez une seule chose : la tête au bout d'une pique"
Depuis jeudi, le Conseil national de l'ordre des vétérinaires reçoit des messages menaçants : "Que l'on débarrasse le pays de tous les nuisibles dans votre genre", "continuez d'abattre des animaux sous de faux prétexte, à la libération, il y en a qui vont courir", ou "je ne suis pas agriculteur, mais avec vos conneries, comme vos confrères médecins avec le Covid, vous méritez une seule chose : la tête au bout d'une pique", peut-on par exemple lire.
Et les messages ne font que se multiplier. Matthieu Mourou raconte également recevoir "quantité de messages malveillants au standard téléphonique" au standard su Cnov. "Je comprends la détresse des éleveurs, assure le vice-président, mais cette douleur n'explique pas les messages haineux que l’on peut voir sur les réseaux sociaux, qu'on peut avoir par téléphone."
Ce climat tendu a des conséquences sur toute la profession. "Ça mine le moral aux vétérinaires", explique Matthieu Mourou. Il s'inquiète pour l'avenir de la profession : "Honnêtement, on a des problèmes de maillage vétérinaire en zone rurale, mais des situations comme ça, ça va être déclencheur pour que certaines de mes consœurs et confrères décident d'arrêter cette activité". Le Cnov n'a pour l'instant pas déposé de plainte, mais n'exclut pas de sauter le pas en fonction de l'évolution de la situation.