En France, un gala controversé déroule le tapis rouge à l'extrême droite israélienne
Des organisateurs aux profils controversés, un ministre israélien ouvertement "fasciste" et "homophobe", un contexte international explosif... Plusieurs associations et syndicats dénoncent la tenue d'un gala qui doit se tenir mercredi 13 novembre à Paris, soit – hasard du calendrier – à la veille d'un match de football sous haute tension entre la France et Israël.
Présenté comme "la mobilisation des forces francophones sionistes au service de la puissance et de l'histoire d'Israël", ce rassemblement à 260 euros la place, dont le lieu n'a pas encore été divulgué, a été imaginé par l'association "Israël is forever". À sa tête, Nili Kupfer-Naouri, accusée par plusieurs députés La France insoumise de relayer la propagande de l'extrême droite israélienne en France ou encore d'avoir participé à des opérations de blocage de l'aide humanitaire vers la bande de Gaza assiégée.
Invitée de Cnews le 26 octobre 2023, cette avocate franco-israélienne avait défrayé la chronique en tentant de justifier le bilan humain de la guerre à Gaza, qui a fait à ce jour plus de 43 600 morts selon le ministère de la Santé du Hamas, dont près de 70 % de femmes et d'enfants, affirme un décompte partiel de l'ONU.
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"La population civile a mis au pouvoir le Hamas en sachant pertinemment quel était son programme, c’est-à-dire l’extermination d’Israël. […] Allez voir les manifestations du Hamas, il y a des enfants d’un an qui sont habillés aux couleurs du Hamas. [...] Il n’y a pas de population civile innocente à Gaza", avait expliqué la fille du militant sioniste radical Jacques Kupfer, ancien président du Likoud France.
Comme le rapporte Libération, Nili Kupfer-Naouri avait aussi tenu des propos haineux et anti-Arabes dans un média à destination des immigrants juifs en Israël. "Nous ne voulons plus de voisins barbares, nous comprenons que nous devons obtenir notre sécurité et c’est par l’émigration en masse des Arabes de Gaza et une installation juive", avait déclaré cette proche des colons extrémistes israéliens, sanctionnés à plusieurs reprises ces derniers mois par le gouvernement français pour des violences commises contre des Palestiniens.
Bezalel Smotrich, invité vedette
Mais les organisations de gauche fustigent plus particulièrement la présence annoncée du ministre israélien d'extrême droite Bezalel Smotrich, l'une des figures les plus radicales du gouvernement de Benjamin Netanyahu. À l'image du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, cet ancien paria de la politique israélienne et suprémaciste juif défend la colonisation dans la bande de Gaza, se dit ouvertement fasciste et homophobe et s’oppose à ce que les Arabes d’Israël aient le droit de vote.
"Aujourd'hui, comment comprendre qu'il soit autorisé à appeler à la haine, à faire l'apologie d'actes criminels sur le territoire français, ce qu'il ne manquera pas de faire, chacun le sait, à partir du moment où il sera autorisé à venir en France", assurent dans un communiqué publié jeudi France Palestine Solidarité, le Mrap, la LDH, la FIDH, la CGT, la FSU et Solidaires.
"Bezalel Smotrich ne se contente pas de ses paroles de haine et de ses appels au meurtre. Il agit", affirme également dans une tribune publiée dans le quotidien Le Monde un collectif de journalistes, d'économistes et d'historiens. "En accélérant la colonisation illégale du point de vue du droit international pour empêcher toute hypothèse d’État palestinien. En armant les colons suprémacistes qui expulsent les Palestiniens et confisquent leurs terres et habitations", font valoir les signataires.
Colon lui-même, Bezalel Smotrich est le ministre israélien des Finances mais aussi le ministre exerçant la tutelle sur la Cisjordanie occupée. En mars, il a présenté un vaste plan d’accaparement de 800 hectares de terres palestiniennes, soit la plus importante saisie de terres en territoire palestinien depuis les accords de paix d'Oslo. La colonisation israélienne est illégale au regard du droit international, rappelle régulièrement l'ONU, qui dénonce toute entreprise de colonisation juive comme un des principaux obstacles à l'établissement d'une paix définitive entre Israël et les Palestiniens.
La France avait dénoncé en mars 2023 les propos "irresponsables" de ce ministre, qui avait nié l'existence des Palestiniens en tant qu'individus comme en tant que peuple, lors d'une soirée organisée par un groupuscule radical sioniste à Paris.
Manifestation pro-israélienne et match France-Israël
Malgré la possible venue de Bezalel Smotrich et le contexte de la guerre menée par l'État hébreu au Liban et à Gaza, le préfet de police de Paris a donné son accord à la tenue du gala. Saisie par plusieurs associations propalestiniennes, la justice administrative a confirmé la décision des autorités de maintenir l'événement, estimant que "l'existence d'une menace caractérisée et imminente n'est pas établie".
Laurent Nuñez a précisé dimanche sur BFMTV que ce gala réunit "à peine quelques centaines de personnes" et "se tient chaque année", ajoutant qu'il ferait en sorte que le rassemblement "se tienne dans un lieu qui ne pose pas de problème en termes de troubles à l'ordre public". Il a de plus affirmé que le ministre israélien ne ferait pas le déplacement. "Je comprends que finalement, il ne sera pas là", a-t-il dit.
Pour les forces de l'ordre, la semaine s'annonce particulièrement tendue avec l'organisation le même jour d'une manifestation du Betar, un mouvement juif international de droite, qui dispose de nombreuses branches dans le monde et compte dans ses rangs des membres radicaux. Celui-ci prévoit de se rassembler aux côtés du Mouvement des étudiants juifs français (MEJF) pour dénoncer l'antisémitisme après les violences commises contre des supporters de football israéliens à Amsterdam.
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"Nous sommes scandalisés par ce qui s'est passé à Amsterdam et par la réaction des gouvernements", affirme le président de l'organisation parapluie du Betar mondial, Yigal Brand, cité dans le communiqué. "Nous sommes de fiers sionistes et n'avons pas à nous excuser (...). Nous nous rassemblerons mercredi à Paris et jeudi au match de football, qui est également menacé par les jihadistes", affirme Yigal Brand.
Les autorités israéliennes ont appelé dimanche les supporters à éviter de se rendre au match France-Israël. Un total de 4 000 policiers et gendarmes seront mobilisés pour ce match à "haut risque" au Stade de France, qui ne devrait attirer qu'environ 20 000 spectateurs.
Avec AFP