Loi narcotrafic : Bruno Retailleau échoue à faire écouter les messageries cryptées
Malgré une chambre marquée à droite, il arrive à l’Assemblée nationale de défendre les libertés. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le ministre de l’Intérieur a échoué à faire adopter une disposition qui imposait aux entreprises de messageries cryptées de fournir aux services de renseignement les correspondances des trafiquants de drogue, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi sur le narcotrafic.
Cette mesure a fait l’objet d’une levée de boucliers de la part des acteurs de la cybersécurité : cela pourrait à terme être utilisé pour l’ensemble des usagers des messageries tels que Signal, WhatsApp ou Telegram. Pour cette raison, la disposition, votée au Sénat, avait été abrogée en commission des Lois. Mais plusieurs parlementaires avaient proposé de réécrire l’article en séance plénière, rencontrant l’opposition de la gauche.
Le visio-interrogatoire généralisé
« C’est le même processus qui s’est répété à chaque fois : en 2015, on a introduit des algorithmes pour lutter contre le terrorisme ; ensuite, on en a utilisé pour lutter contre les ingérences étrangères ; et le temps passant, ce qui devait être temporaire est systématiquement devenu quelque chose de permanent », s’est inquiétée l’écologiste Sandra Regol.
« En bien des endroits du texte, même si nous avons essayé d’y remédier en commission, on cherche en permanence à déroger au droit commun, à affaiblir nos libertés et nos droits fondamentaux », a fustigé la communiste Elsa Faucillon. Finalement, 119 députés ont voté la suppression de l’article sur l’accès des services de renseignement aux messageries, 24 se prononçant contre. Une grande partie du camp présidentiel a voté avec la gauche.
D’autres dispositions problématiques ont, elles, été adoptées. Le Syndicat de la magistrature a dénoncé la systématisation de la visioconférence pour certains détenus dangereux. Cela concernerait les 800 à 900 détenus que le ministre de la Justice Gérald Darmanin souhaite placer, pour une durée de deux ans renouvelables, en quartier de lutte contre la criminalité organisée – disposition votée mercredi. Il estime que les extractions judiciaires, pour rencontrer le juge, peuvent être dangereuses.
Pour l’organisation de magistrats, cette mesure pourrait s’avérer inefficace. « Les acteurs du « haut du spectre » » du trafic de stupéfiant « ne s’expriment souvent que peu, voire pas. Cela risque de devenir systématique si la visioconférence est effectivement généralisée », prévient le syndicat des juges qui voit dans « l’interrogatoire » une « interaction clé ». Au vu du nombre d’amendements encore à examiner ce vendredi, les débats pourraient se prolonger ce samedi.
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