Fouilles à nus, limitation des communications… Darmanin veut imposer l’isolement total aux narcotrafiquants emprisonnés
Pas question de se faire voler la vedette par Bruno Retailleau. Profitant du débat à l’Assemblée nationale, le garde des Sceaux Gérald Darmanin a introduit deux amendements très controversés à la proposition de loi sur le narcotrafic. Inspirés de la loi italienne « antimafia », ils concernent les prisonniers – détenus provisoires ou condamnés – qui seront regroupés dans les prisons ultra-sécurisées de Vendin-le Vieil (Pas-de-Calais) et de Condé-sur-Sarthe (Orne).
Le premier amendement vise à instaurer, pour ces personnes, un régime d’isolement quasi total. Une « fabrique de fous », selon la contrôleuse générale des prisons, Dominique Simonnot. Privés de promenade collective, les détenus n’auront pas davantage accès aux unités de vie familiale. Leurs communications téléphoniques (les cellules sont dotées d’appareils muraux placés sur écoute) seront limitées à deux heures, deux jours par semaine.
Au parloir, les visites se feront à travers une vitre en plexiglas. Les fouilles à nu, pourtant strictement limitées depuis une loi de 2009, seront systématisées après tout contact avec l’extérieur. Actuellement, le placement à l’isolement est décidé par le chef d’établissement pour une durée, renouvelable, de trois mois. Gérald Darmanin aurait souhaité qu’elle incombe désormais au ministre de la Justice lui-même et que sa durée soit portée à quatre ans.
Consulté pour avis, le Conseil d’État a estimé qu’il serait « préférable » de ramener cette durée à deux ans, renouvelable sous conditions. La plus haute juridiction administrative suggère d’assouplir les règles relatives aux visites, notamment en cas de « circonstances familiales exceptionnelles ». Elle s’interroge, aussi, sur la systématisation des fouilles à nu.
« Une justice dégradée »
Le deuxième amendement de Gérald Darmanin veut généraliser l’utilisation de la visioconférence dans la conduite des enquêtes, afin de limiter les transferts de détenus – c’est au cours de l’un de ces transferts que l’évasion sanglante de Mohamed Amra avait été organisée. Le recours à cette mesure remonte aux années 2000. Réclamé par de nombreux agents de surveillance, son usage a bondi avec l’épidémie de Covid et s’est, depuis, généralisé à bas bruit, en dépit de critiques très sévères.
L’Observatoire international des prisons dénonce « une justice dégradée ». Par la voix de son président Ludovic Friat, l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) y voit « un trompe-l’œil juridique ». « La visioconférence n’est pas adaptée aux longs interrogatoires de fond », avance-t-il. Elle est « quasi impossible s’il faut présenter des documents ou écouter des interceptions téléphoniques » et « ne se prête pas aux confrontations ».
Deux cents narcotrafiquants seraient actuellement concernés par ces mesures qui, selon l’objectif du ministre de la Justice, pourraient toucher à terme 700 détenus et faire de la France l’un des pays les plus stricts d’Europe en matière carcérale. Un pays dans lequel la surpopulation ne cesse d’augmenter en prison : avec 81 599 détenus recensés au 1er février 2025 pour 62 363 places, la densité carcérale globale atteint près de 131 %, avec des pics à 200 % dans certains établissements, contraignant plus de 4 000 détenus à dormir sur des matelas posés au sol.
Le journal des intelligences libres
« C’est par des informations étendues et exactes que nous voudrions donner à toutes les intelligences libres le moyen de comprendre et de juger elles-mêmes les événements du monde. »
Tel était « Notre but », comme l’écrivait Jean Jaurès dans le premier éditorial de l’Humanité.
120 ans plus tard, il n’a pas changé.
Grâce à vous.
Soutenez-nous ! Votre don sera défiscalisé : donner 5€ vous reviendra à 1.65€. Le prix d’un café.
Je veux en savoir plus !