Proposition d'un cessez-le-feu en Ukraine : "S’ils disent non, nous saurons quel est l’obstacle à la paix", Washington met la pression sur le Kremlin

Les vérités d'un jour ne sont pas toujours celles du lendemain, encore moins dans la politique façon Trump. Dix jours seulement après les invectives échangées dans le bureau ovale entre le président américain et Volodymyr Zelensky, et alors que les États-Unis avaient suspendu leur aide militaire à Kiev entre-temps, ce sont bien des engagements communs vers un processus de paix qu'Ukrainiens et Américains ont affiché à la sortie de l'entrevue de Djeddah, mardi 11 mars, où se tenaient leurs échanges.

Le premier engagement acté a été la reprise immédiate de l'aide américaine à l'Ukraine. Dans un revirement aussi surprenant que spectaculaire, Washington a déclaré la levée de la suspension de son aide militaire, décidée il y a huit jours, et la reprise du partage de renseignement.

Un cessez-le-feu complet

Puis dans une déclaration commune, les négociateurs ont affirmé que "l'Ukraine soutient la proposition américaine d’un cessez-le-feu de 30 jours dans la guerre avec la Russie". L'expression utilisée semble aller plus loin que l'arrêt des hostilités en mer et dans les airs qui était proposé par Londres et Paris, et que Volodymyr Zelensky avait repris à son compte.

Ce cessez-le-feu, dit la déclaration finale, "pourrait être prolongé d’un commun accord entre les parties, conditionné à son acceptation et à sa mise en œuvre par la fédération de Russie", formule que Donald Trump a résumée depuis les jardins de la Maison Blanche, devant une Tesla : "Il s'agit d'un cessez-le-feu total que l'Ukraine a accepté. Et nous espérons que la Russie fera pareil. Nous devons maintenant nous adresser à la Russie et espérer que le président Poutine l'acceptera également. Si nous parvenons à obtenir l'accord de la Russie, ce sera formidable."

On observe donc que les tractations se font par l'intermédiaire des USA - il n'y a pas encore de discussions directes entre Kiev et Moscou. Et désormais, la balle est dans le camp du Kremlin, avec cette formule inédite prononcée par le secrétaire d'État Marco Rubio : "L’Ukraine a fait un pas, nous espérons que la Russie en fera un à son tour." C'est la première fois que les Américains réclament publiquement un engagement de la Russie et de Vladimir Poutine. "S’ils disent non, conclut Marco Rubio, alors nous saurons malheureusement quel est l’obstacle à la paix."

Poursuite des attaques russes

Pour l'instant, au Kremlin, c'est le silence radio. Pas de réponse de Moscou pour le moment, mais un premier message envoyé la nuit dernière, dans les airs, avec ce missile tiré sur Odessa ou l'explosion d'un drone sur la ville de Dnipro.

La Russie a continué ses opérations militaires avant de faire le moindre commentaire. Ce que l'on sait, c'est que Moscou répète ces dernières semaines ne pas vouloir d'une trêve, considérant être en position de force sur le front ces derniers temps, et présentant un arrêt provisoire des combats comme un "cadeau" offert à Kiev pour se réarmer.

Ce matin, des agences de presse évoquent un entretien téléphonique entre les chefs de la CIA et du renseignement extérieur russe. Donald Trump assure, lui, qu'il pourrait parler directement à Vladimir Poutine cette semaine, et son négociateur en chef, Steve Witkoff, pourrait aller dès demain à Moscou. La porte-parole de la diplomatie russe est plus évasive, elle "n'exclut pas des échanges dans les prochains jours".

Une stratégie américaine inexpliquée

À cette heure, il est difficile d'expliquer ce revirement de la diplomatie américaine. Ce qui a changé côté Ukraine, c'est que Volodymyr Zelensky accepte manifestement un cessez-le-feu sans poser de conditions préalables. Donald Trump le présentera évidemment comme le résultat de sa poigne et de ses menaces mises à exécution - comme sur la suspension du renseignement.

Mais on peut aussi estimer que la stratégie américaine est assez erratique ou incertaine. L'Ukraine disait déjà vouloir aller vers la paix il y a deux semaines, voulait déjà signer un accord sur les minerais, et l'hypothèse d'une paix durable reposait déjà sur le Kremlin.

Aujourd'hui, le dialogue entre Washington et Moscou semble exister ; de la à ce qu'il permette de réelles avancées, c'est loin d'être gagné. Ce qui est sûr, c'est que l'Ukraine est de retour dans le jeu diplomatique. Il y a forcément une forme de soulagement. Mais pour combien de temps ? Tout va très vite dans le monde selon Donald Trump, où les vérités d'un jour ne sont pas forcément celles du lendemain.