Suspension de l'aide américaine à l'Ukraine : quelles pertes concrètes pour Kiev ?

Une pause dans l'aide militaire des Etats-Unis à l'Ukraine a été annoncée lundi 3 mars, quelques jours après la réunion ayant viré au fiasco entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump dans le Bureau ovale. Pour Kiev, cette annonce intervient également au moment où le président des Etats-Unis doit tenir le traditionnel discours sur l'état de l'Union, représente un coup très dur.

L'Amérique était jusqu'ici le premier fournisseur d'armes à l'Ukraine. Washington a fourni depuis le premier jour du conflit, sous Joe Biden jusqu'à l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, près de 66 milliards de dollars d'aide militaire directement prélevés sur les stocks de l'armée américaine. Mis à part des avions de combat, les États-Unis ont à peu près livré tous les types de matériel possibles : hélicoptères, drones, chars, véhicules blindés de transport de troupes, missiles antichars, lance-roquettes, mortier, obus, munitions, batteries de patriotes, jusqu'aux petits équipements pour les soldats comme des lunettes de visée nocturne.

Un milliard de dollars d'aides gelées

Dans les faits, deux mécanismes d'aide américaine sont interrompus par la Maison Blanche. D'abord un programme de don de matériel militaire, puisé dans les stocks de l'armée américaine, appelé programme PDA. Le dernier volet, décidé sous l'administration Biden en décembre, prévoyait le transfert de systèmes de défense anti-aérienne, d'obus, de missiles anti-chars, d'armes légères et de munitions.

Le deuxième mécanisme gelé concerne l'initiative d'assistance à l'Ukraine. Cette fois, ce ne sont pas des dons de matériel mais une enveloppe financière pour permettre aux autorités ukrainiennes d'acheter des équipements militaires auprès d'entreprises américaines. On ne connaît pas le détail de ces achats, si ce n'est qu'une large part est là aussi consacrée aux munitions, missiles, obus d'artillerie et obus anti-aériens. Au total, ce gel de l'aide décidé par Donald Trump représente un milliard de dollars, selon le New York Times. A ce stade, la Maison Blanche n'a pas indiqué que cette suspension s'appliquait aussi au partage de renseignement militaire, ni à l'utilisation du réseau de satellites Starlink, essentiels pour les Ukrainiens. Cela peut laisser planer un moyen de pression supplémentaire sur Volodymyr Zelensky.

Réactions européennes

En tout état de cause, cette annonce américaine sème encore un peu plus le trouble en Europe. En Pologne, le porte-parole du ministre des Affaires étrangères évoque une "situation très grave" et ajoute que ce gel de l'aide militaire a été décidé par Washington sans aucune information, ni consultation des alliés de l'OTAN à Paris. "L'Europe doit accroître et accélérer son assistance à l'Ukraine pour combler le vide", a de son côté demandé le ministre estonien des Affaires étrangères, Margus Tsahkna. A Londres, le Premier ministre britannique Keir Starmer reste "concentré sur l'obtention de la paix" en Ukraine et ne se laissera pas "distraire par des annonces", a fait savoir Angela Rayner, numéro deux du gouvernement.

"Il va continuer à dialoguer avec notre allié le plus ancien et le plus puissant, les Etats-Unis, et avec nos partenaires européens, ainsi qu'avec l'Ukraine", a-t-elle ajouté. A Paris, le ministre français chargé de l'Europe, Benjamin Haddad, lui, estime que la décision de Donald Trump "éloigne (la paix) parce qu'elle ne (fera) que renforcer la main de l'agresseur sur le terrain qui est la Russie". A Moscou, on se frotte les mains. Le Kremlin a fait savoir que la suspension de l'aide militaire américaine à Kiev était, "la meilleure contribution à la paix".