REPORTAGE. "J'ai peur, je ne sors plus, je reste à la maison" : aux États-Unis, la chasse aux migrants jusque dans les fermes californiennes
Aux États-Unis, Donald Trump a promis 3 000 arrestations par jour. L'ICE (Immigration and customs enforcement), la police de l’immigration américaine, se démène pour exaucer son souhait. Même la Californie, terre de migrants, un état démocrate, n’est plus épargnée. Les interpellations se comptent par centaines ces dernières semaines, ce qui a déclenché la colère des opposants qui manifestent dans le centre-ville de Los Angeles depuis le 7 juin dernier. Une chasse aux migrants jusque dans les fermes, où cette main-d’œuvre est pourtant essentielle. Si Donald Trump a finalement décidé de temporiser sur les expulsions d'ouvriers agricoles, le mal est fait : la peur s'est installée.
À Oxnard, en Californie, une ville moyenne réputée pour son agriculture, l'association VC Defensa vient en aide aux migrants, nombreux à travailler dans les champs. Lénie, porte-parole de l'organisation voit son téléphone sonner plusieurs fois par jour en ce moment. C’est toute la communauté latino-américaine de la ville qui la contacte pour lui faire de ses inquiétudes et signaler la présence de la police de l’immigration.
Des ouvriers agricoles emmenés de force
Mardi dernier, beaucoup de personnes ont été emmenées par la police de l'immigration raconte Lénie, qui dresse une journée particulièrement compliquée à vivre. "La police rôdait autour de plusieurs fermes et nos volontaires en sont témoins. Les agents étaient très hostiles envers nous. Ils ont menacé de nous arrêter. L'une des volontaires a eu un pistolet braqué sur le visage", témoigne la jeune femme.
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Sur des vidéos prises avec le téléphone de Lénie, on y voit un ouvrier agricole, sorti de sa voiture par la police. Les volontaires disent à cet homme de ne rien dire et de ne rien signer. L'homme répond qu'il a bien ses papiers, que c'est un citoyen.
"Des ouvriers agricoles ont déjà été arrêtés dans le passé, mais jamais lors de rafles sur les exploitations comme cela. Ça me brise le cœur. Je suis une fille d’immigrés moi aussi, ce pays a été bâti par eux, nous avons tous le droit de vivre ici".
Lénie, porte-parole de l'association VC Defensaà franceinfo
Des habitants se terrent chez eux
Ces derniers temps, Rosie, une jeune mexicaine de 19 ans, n'a plus trop l'habitude de déverrouiller sa porte, elle préfère se cloîtrer chez elle. Elle ouvre la porte d’un appartement délabré aux rideaux tirés en banlieue d’Oxnard. Elle vit ici avec sa tante et sa petite sœur de 2 ans. Rosie est séparée de sa mère, ouvrière agricole depuis une quinzaine d’années, en situation irrégulière. Elle a été arrêtée en se rendant d’elle-même au bureau de l’immigration au mois de mai, avant de rejoindre un centre de détention en Arizona.
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"J’ai peur, je pourrais être arrêtée dans la rue, je ne sors plus, je reste à la maison, confie Rosie. Ma mère n’a commis aucune faute. Elle travaille et fait tout ce qu’elle peut pour ses enfants. Elle n'a rien fait de mal. On ne veut pas poser de problèmes. Mais je garde espoir et je dis à mère qu’on est là, nous l’attendons..." Rosie préfère arrêter là les confidences, elle tient à rester discrète. Lorsque nous partons, elle ferme sa porte à double tour.