Le retour de l'impôt sur la fortune ? Après le rejet de la taxe Zucman, une majorité de députés a adopté vendredi 31 octobre une transformation de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) en "impôt sur la fortune improductive" dans le projet de budget 2026. L'amendement, présenté par le MoDem et également voté par le Rassemblement national (RN), le Parti socialiste (PS) et le groupe Liot doit "encourager l'investissement productif" en taxant davantage certains biens et placements. Mais son périmètre exact et son rendement précis restent à préciser.
1 Comment fonctionnerait cet impôt ?
Cet "impôt sur la fortune improductive" est une nouvelle version de l'IFI. Ce dernier avait lui-même remplacé l'impôt sur la fortune (ISF) en 2018, en restreignant l'assiette – la base sur laquelle est calculé l'impôt – aux seuls biens immobiliers d'une valeur supérieure à 1,3 million d'euros net. Le seuil de paiement de ce nouvel impôt est maintenu à 1,3 million d'euros, mais l'assiette est élargie à tous les actifs dits "improductifs". En plus des biens immobiliers, sont inclus les objets précieux, les voitures, les yachts, les œuvres d'art, les avions, les cryptomonnaies, les liquidités, les placements financiers non investis dans les entreprises ou certains produits d'assurances-vie. Les biens professionnels sont, eux, toujours exclus du calcul de cet impôt.
Si cette "fortune improductive" dépasse une valeur de 1,3 million d'euros, elle sera désormais taxée à hauteur de 1% – contre un taux de 0,5 à 1,5% avec l'IFI. Le député centriste Jean-Paul Mattei, à l'origine de l'amendement, justifie ce changement par un "souci de lisibilité et d'efficacité". Le seuil d'imposition à 1,3 million d'euros a, lui, été maintenu en vertu d'un sous-amendement socialiste, alors que le projet initial du député MoDem prévoyait de le relever à 2 millions.
Il existe cependant des exceptions. Dans le texte voté par l'Assemblée nationale, la résidence principale est ainsi exonérée jusqu'à 1 million d'euros. L'impôt sur la fortune immobilière prévoyait, lui, un abattement de 30% de la valeur de la résidence principale. En revanche, comme c'est déjà le cas pour l'IFI, les biens loués sont concernés par cet impôt, un sous-amendement du PS ayant également modifié celui du MoDem qui prévoyait d'exonérer ceux loués pour une durée de plus d'un an répondant à des critères environnementaux.
2 Combien pourrait-il rapporter ?
Selon la Direction générale des finances publiques, l'IFI a rapporté 2,2 milliards d'euros en 2024, acquittés par 186 000 foyers, soit environ deux fois moins que l'ISF en 2017, qui rapportait alors 4,2 milliards d'euros. Le nouvel "impôt sur la fortune improductive" a un rendement encore incertain. Le Parti socialiste revendique 2 milliards de plus que l'IFI, alors que La France insoumise, très remontée contre la mesure, craint plutôt une baisse des recettes pour l'Etat.
"Le choix d'un taux unique à 1% conduit à réduire potentiellement le rendement du nouvel IFI pour les patrimoines les plus élevés", analyse Rayan Nezzar, conseiller de Gabriel Attal, qui enseigne les finances publiques à Sciences Po. "En première analyse, l'effet sur les recettes paraît faible, l'élargissement de l'assiette étant en partie neutralisé par la baisse du taux supérieur", confirme Quentin Parrinello, directeur des politiques publiques à l'Observatoire européen de la fiscalité, auprès du Monde.
Selon le ministère de l'Economie et des Finances, un chiffrage est en cours. "Vous dire si on est entre 1 et 3 milliards ne m'est pas possible à l'instant où je parle. On est dans cette fourchette-là", a affirmé la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, vendredi soir.
3 Quels sont les partis pour cet impôt ?
L'amendement au budget 2026 proposant la création de cet "impôt sur la fortune improductive" a été déposé par Jean-Paul Mattei, issu des rangs du MoDem. Il a été modifié par des amendements du Parti socialiste. Ces deux groupes ont voté en faveur de cette mesure, ainsi que les députés du Rassemblement national et du groupe indépendant Liot. Le député socialiste Philippe Brun voit dans ce "nouvel ISF" une "vraie victoire" en faveur d'une "fiscalité plus équitable". Marine Le Pen et son groupe se sont eux réjouis d'avoir obtenu "une grande victoire" inspirée du programme économique de l'ancienne candidate à la présidentielle du Rassemblement national.
Mais cette alliance hétéroclite a une nouvelle fois démontré les difficultés à bâtir un large compromis sur le budget. Car ni la droite, ni Renaissance, ni le reste de la gauche n'ont majoritairement voté pour cet impôt. La députée macroniste Prisca Thévenot a estimé que ce qui avait été voté était "une taxe inventée par Marine Le Pen elle-même" et en aucun cas le retour de l'ISF, "sinon (...) La France insoumise l'aurait voté". "On a affaibli l'IFI sans même réintégrer l'ISF", a également estimé le député insoumis Eric Coquerel, président de la commission des finances.
4 Figurera-t-il dans le budget 2026 ?
Le parcours parlementaire est loin d'être fini pour cet "impôt sur la fortune improductive". Si la partie recettes du projet de loi de finances est adoptée à l'Assemblée nationale, elle devra ensuite passer l'étape du Sénat, qui pourrait modifier le texte budgétaire, puis d'une éventuelle commission mixte paritaire, composée de sénateurs et de députés, qui serait amenée à élaborer une mouture de compromis du budget. L'amendement pourrait donc être encore modifié, voire abandonné d'ici au vote final sur le budget... lui-même encore très incertain.